Les examens de la session principale ont commencé cette semaine dans la plupart de nos établissements universitaires. L'heure est presque partout aux bilans annuels ou semestriels et ce sont les épreuves écrites qui ouvrent le bal. Or, qui dit examen écrit dit surveillance des candidats, une tâche contraignante pour beaucoup d'enseignants qui mettent néanmoins beaucoup, parfois même trop de zèle à l'accomplir. Pour justifier cette intransigeance, ils invoquent le souci de garantir la crédibilité des diplômes délivrés ou tout simplement la nécessité de se conformer aux consignes administratives peu tolérantes face aux fraudes et aux tentatives de fraude. D'ailleurs sur les murs des salles et ceux des couloirs, les affichettes se comptent par centaines qui mettent en garde les étudiants contre la tentation défendue et leur rappellent les sanctions sévères encourues par chaque contrevenant. Cependant et pour faire tomber un peu les masques en ce qui concerne l'interdiction qui frappe les pratiques frauduleuses des élèves et des étudiants, nous avons sur un ton plutôt badin demandé à une vingtaine de professeurs du secondaire et du supérieur s'ils n'ont jamais eu recours à la tricherie lorsqu'ils étaient eux-mêmes élèves et étudiants. Une seule enseignante a juré n'avoir jamais été tentée par le copiage. Les autres ont, tous, reconnu avoir une fois au moins essayé de déjouer la vigilance de leurs surveillants. Souvenirs de tricheurs L'un d'eux raconte que pour surmonter ses trous de mémoire devant les questions de cours, il préparait toujours une fausse copie contenant les bonnes réponses. « Les définitions en sciences naturelles, en physique, en chimie et même en éducation religieuse ou civique, ce n'était pas vraiment mon fort. Sans les gribouillis préparés à la maison, je n'en serais jamais sorti. » L'autre se rappelle qu'à l'Université, il a par deux fois reluqué la copie d'un camarade. Un troisième avoue avoir prétexté d'un pressant besoin naturel pour, une fois aux toilettes, jeter un coup d'œil sur un petit carnet de notes prévu pour de pareilles situations de blocage. Quelqu'un nous rapporta sa mésaventure avec un professeur de mathématiques français qui l'a surpris en train de lire sur sa calculette quelques règles géométriques. Une jeune doctorante s'est pour sa part remémoré les soirées passées avec son père à préparer d'irréprochables développements en prévision des devoirs d'expression écrite à passer le lendemain en classe. Nos interlocuteurs ne cachent pas non plus qu'ils sont plus d'une fois venus au secours d'un camarade « en détresse » : celui-ci a soufflé la bonne réponse à son voisin ; celui-là a passé sa copie à la camarade de derrière ; tel autre a laissé traîner son brouillon sous le pupitre d'à côté. Il leur est arrivé à tous d'être épinglés par leurs professeurs : quelquefois, ils ont bénéficié de la clémence de ces derniers ; mais le plus souvent ils ont payé relativement cher la fraude commise. « Une fois, raconte B., j'ai refilé toutes mes réponses à un camarade ; mon professeur s'en est aperçu et au lieu de nous en punir tous les deux, il m'attribua à moi seul un zéro. Le jour de la remise des copies, mon complice obtint 14 sur 20 ! ». Plagiaires éhontés Ces tricheurs « repentis » affirment qu'une fois leurs diplômes finaux en main, ils n'ont plus récidivé. Mais nous avons appris de la bouche de certains enseignants chargés de surveiller les épreuves du CAPES que les tentatives de fraude sont légion là aussi. Les étudiants du 3ème cycle ne s'interdisent rien non plus. Un jour, on en a attrapé deux alors qu'ils copiaient les réponses préalablement écrites au crayon sur leur pupitre. A l'oral d'un concours professionnel, une professeure fut confondue pendant qu'elle copiait son exposé sur un livre qu'elle tenait entre ses jambes. Certains inspecteurs du secondaire rapportent par ailleurs plusieurs cas de plagiat intégral ou partiel dans les rapports (ou cahiers) de stage que les enseignants leur remettent. Ils nous apprennent aussi que bon nombre de stagiaires s'en remettent à des « nègres » pour rédiger leurs mémoires. Les thèses de 3ème cycle ne sont pas non plus exemptes d'extraits plagiés. Pire encore, les plagiaires sont parfois des candidats au grade de maîtres de conférences ! Charité bien ordonnée… En fait, il en va de la triche comme de bien d'autres pratiques moralement déconseillées ou franchement répréhensibles : le mensonge par exemple, ou la grossièreté, le tabagisme, la négligence vestimentaire, les imprudences hygiéniques etc. Ceux qui décrètent les sanctions contre de tels « délits » ou inconvenances, les ont eux-mêmes commis un jour. Faut-il pour autant tout autoriser au nom de cette faillibilité générale ? Bien sûr que non. Mais parallèlement aux leçons de bonne conduite que l'on prodigue aux jeunes générations, il importe de rappeler à leurs objecteurs de conscience que « charité bien ordonnée commence (toujours) par soi-même » !