La première grande enquête nationale sur la violence dont sont victimes les femmes est en cours de réalisation, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie nationale à ce sujet, sous l'égide du ministère de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Personnes âgées. Les résultats de cette enquête seront connus avant la fin de l'année et permettront de connaître exactement l'ampleur du phénomène, et ses rapports avec le milieu, le niveau d'instruction, la situation économique et professionnelle, ainsi que sa répartition géographique, les formes qu'il revêt et divers autres aspects à même d'aider à le cerner et à mieux le juguler. Dans cette perspective, l'Association tunisienne de défense sociale (ATDS), pionnière en matière d'action associative en Tunisie, a organisé vendredi 28 mai, à son siège, à Aïn Zaghouan, dans la délégation de la Goulette, une table ronde sur la violence fondée sur le genre et la violence conjugale faite aux femmes, en particulier, avec la participation d'une élite d'intervenants constitués de hauts cadres, de juges, de médecins, outre les membres de l'Association. M. Taher Fallous Rifai, président de l'Association, a exprimé la volonté de l'ATDS d'imprimer un nouvel élan à son action conformément aux exigences du nouveau contexte tunisien, tant en ce qui concerne le travail sur le terrain qu'au plan de la sensibilisation et de la réflexion. Un fléau universel La table ronde de ce vendredi inaugure un cycle de rencontres mensuelles similaires, le dernier vendredi de chaque mois, sur diverses questions d'actualité nationale liées aux objectifs de l'Association et dénommées « les rencontres de vendredi ». L'ATDS a prévu d'organiser, aujourd'hui, une grande manifestation de solidarité sociale comportant, entre autres, la distribution d'aides substantielles à quelque 150 familles de la région. S'agissant de la lutte contre la violence à l'encontre de la femme, et des enfants, au sein de la famille, les participants ont mis l'accent sur la précieuse contribution que l'ATDS, en particulier, et les structures de la société civile, en général, peuvent apporter, sous diverses formes, de manière à épauler les sérieux efforts déployés par les autorités dans ce domaine. Cependant, l'enquête nationale sur la violence faite aux femmes, en cours de réalisation, doit désigner les domaines d'intervention appropriés aux associations, car, certaines actions, souvent recommandées, à ce propos, comme la création de centres d'accueil au profit des femmes violentées, exigent des moyens financiers et humains qui dépassent les possibilités des associations. Mais d'après les participants, les institutions nationales et internationales sont disposées à fournir l'assistance nécessaire à tous ceux qui veulent agir. Or, selon une communication faite par M. Ahmed Abdennadher, président de la section de l'Ariana de l'ATDS, la violence faite aux femmes est devenue un fléau mondial et universel aux conséquences sociales, psychologiques et économiques incalculables. Aussi, l'Organisation des Nations Unies (ONU) et ses institutions spécialisées ont prêté un intérêt majeur au phénomène, à travers l'institution de la journée mondiale de lutte contre la violence faite aux femmes, le 25 novembre, et l'adoption d'une déclaration internationale à ce sujet, le 20 décembre 1993. En 2002, le Conseil de l'Europe a désigné la violence faite aux femmes, comme une situation sanitaire d'urgence et cause principale du décès et de l'incapacité des jeunes femmes de 16 à 44 ans. La Banque mondiale a comparé ses incidences à celles du cancer, tandis que les dépenses consenties par le gouvernement des Etats-Unis, en 2003, à cause de la violence faite aux femmes, ont atteint près de 6 milliards de dollars dont plus de 4 milliards à titre de prestations médicales et sanitaires au profit des femmes violentées. La situation en Tunisie Selon la communication donnée au cours de la table ronde, divers indicateurs et études restées toutefois fragmentaires, montrent que le phénomène de la violence conjugale à l'encontre de la femme s'amplifie en Tunisie, en attendant d'être mieux fixé par les résultats de l'enquête nationale en cours de réalisation, qui a le mérite d'être globale et menée sur des bases scientifiques. Elle porte sur un échantillon représentatif constitué de plus de 4000 familles tunisiennes. Les spécialistes en matière juridique et judiciaire présents à la rencontre ont insisté sur l'efficacité de la lutte juridique et judiciaire contre la violence faite aux femmes et à l'encontre des épouses en particulier. D'autant que la Tunisie dispose d'une législation étoffée dans ce domaine. Tout le monde qu'il s'agisse d'associations ou de simples individus, est légalement habilité à intervenir auprès de la justice et sous d'autres formes pour lutter contre le phénomène de la violence faite aux femmes et aux enfants, au sein de la famille. Un juge a indiqué qu'un mari cherchant à connaître les numéros de téléphone enregistrés dans le portable de sa femme peut être poursuivi en justice dans le cadre de la protection légale des données personnelles. Un délégué régional de protection de l'enfance exerce dans chaque gouvernorat pour suivre la situation et recueillir les requêtes et les plaintes. Quelques centres d'accueil pour les femmes violentées ont été ouverts. Cette tradition est très ancienne en Tunisie. Mais le problème dans ce domaine, en Tunisie et dans tous les pays du monde, est la tendance de la grande majorité des femmes violentées à accepter, dans le silence, leur situation, même chez les femmes instruites, et s'abstiennent de porter plainte. L'accent a été mis sur la nécessité d'œuvrer à renforcer la sensibilisation et à diffuser la culture des droits et la connaissance de la loi. A la lumière de cette enquête nationale sur la violence faite aux femmes, un programme d'actions national devrait, sûrement, être engagé pour contrer ce phénomène dégradant pour les protagonistes, la société et l'homme, en général. La cellule familiale reste le pilier de l'édifice social.