Johnny Clegg, surnommé le « zoulou blanc », pour son engagement en faveur des noirs sud africains dans leur lutte contre l'Apartheid, était samedi dernier, sur la scène du théâtre de Carthage, pour un concert exceptionnel où se mêlaient musique et danse aux rythmes occidentaux et africains. Le chanteur était accompagné d'une troupe de musiciens composée d'un batteur, d'un guitariste, d'un bassiste et d'un autre musicien qui se relayaient, tour à tour, sur d'autres instruments, comme l'orgue, la clarinette, le saxophone, selon les exigences de la chanson à interpréter. Johnny Clegg, quant à lui, il chantait, dansait et jouait tantôt de la guitare, tantôt d'un petit accordéon. Un danseur et une danseuse, les deux noirs, exécutaient avec lui les danses africaines et servaient aussi de choristes. Il était 22H00, quand l'artiste apparut sur scène en T-shirt noir, sous les applaudissements chaleureux du public formé essentiellement de jeunes. Ce soir-là, Johnny Clegg a interprété au moins, une trentaine de chansons ayant trait à des thèmes variés : la patrie (l'Afrique du Sud où il s'installa tout jeune avec sa mère en 1960), la ville qu'il habite (Johannesburg), la nature et l'environnement, le sport à l'occasion du Mondial organisé récemment dans son pays. D'autres chansons dédiées à la paix et dénonçant les guerres, surtout celles qui éclatent de temps en temps parmi les tribus africaines pour des raisons futiles. Notons que les chansons qu'il a interprétées ce soir, étaient écrites et composées par le chanteur lui-même. Toutes les chansons étaient accompagnées de danses à l'africaine que l'artiste exécutait en compagnie de ses deux compagnons noirs qui ont ravi le public par leurs mouvements rythmés sur scène. Le chanteur, tel un papillon, virevoltait sans cesse tout en chantant et en jouant de la guitare, offrant au public très émerveillé, des moments de joie et de plaisir . A travers les paroles des chansons et le rythme des mélodies, on reconnaît l'Afrique et tous ses maux et espoirs ; ce continent aux multiples cultures et aux potentiels humains et économiques énormes. Johnny Clegg lutte, comme il l'a toujours déclaré, pour la liberté, la démocratie et la prospérité dans ce continent. Son engagement, en tant qu'un Blanc, pour l'Afrique et pour la cause des Noirs dans son pays (l'Afrique du Sud), lui a coûté maintes critiques violentes de la part de ces compatriotes blancs qui l'ont accusé d'avoir détruit l'identité de l'homme blanc et d'avoir bâtardisé sa culture. Il connut même la prison pour son soutien au leader Nelson Mandela et pour son activisme contre la ségrégation raciale, ayant comme seule arme, la musique. Hechmi KHALLADI ----------------- Festival international de Hammamet « La mémoire et la mer » de Richard Martin : Hommage à Léo Ferré Richard Martin, figure du théâtre marseillais et fervent méditerranéen, directeur du Théâtre Toursky à Marseille, vient de présenter au Théâtre d'Hammamet, sa dernière création « La mémoire et la mer », une oeuvre poétique lucide et transparente. Accompagné par deux musiciens, Levon Minassian et Fatos Qerimi, il a rallumé les souvenirs en rendant un grand hommage à Léo Ferré. Ce spectacle, « La mémoire et la mer » est le titre d'une chanson de Ferré, une très belle chanson, très énigmatique de laquelle il dit être lui-même la clé. Elle a fait partie de tous ses tours de chant. Le spectacle est composé de textes des chansons de Léo Ferré dits par Richard Martin. Vêtu tout de noir avec ses cheveux en rade et ses poings serrés, Richard, glorieux, a gratifié ses auditeurs de bonnes paroles de Léo Ferré, de textes magiques et enivrants de ce grand poète français. « J'ai essayé de faire passer les mots du poète que j'aime, Léo Férré nous explique- t-il. On prend le relais. C'est la tendresse et en même temps, l'immense respect que j'ai pour un poète fondamental majeur du siècle. Je voudrais que les jeunes gens qui ne connaissent pas qui est Léo Ferré, se remettent à ouvrir son bouquin pour découvrir ce grand poète. J'ai essayé de retenir en liaison avec ces textes relativement connus, des réflexions de Léo Ferré sur le monde, la vie, le quotidien, le dérisoire de certaines attitudes ». Richard sur scène a essayé de faire revivre les textes en les disant avec sa foi à lui. Il ne cède ni à la vénération ni à la révérence. Il y a dans cet hommage, toute l'estime qu'il porte à son vieux compagnon de route et tout l'amour qui l'habite pour la langue et les textes d'un des plus grands poètes du XXe siècle. Martin est un passeur nomade, acteur de la Vérité , qui interroge son temps. Il nous apporte les courants d'expression et les mouvements vivants de la société et du monde. Sa parole artistique, s'attache à mettre en relief la complexité de l'humain. Elle fait fleurir les questionnements d'une âme universelle que ne cessent d'approfondir le théâtre, la musique et la poésie. Martin a toujours tenu pour essentiel que tous ces arts, qui composent la mosaïque du spectacle vivant, portent l'expression d'une culture pour tous, vibrante dans sa diversité, contemporaine dans ses choix et ses propositions, vigilante et combative dans ses convictions, métisse et plurielle dans son message de paix et d'espérance. Ce soir, il a joué avec la connotation usuelle des mots, créé des images complexes s'engendrant les unes les autres, avec de nombreux changements de registre et de rythme bien concocté par ses deux compagnons de route, le flûtiste arménien Levon Minassian et le violoniste Fatos Qerimi qui nous ont séduits par leur musique enivrante et leurs improvisations. Il faut dire qu'ils avaient tout pour être applaudi. Kamel Bouaouina ----------- Ce soir, Abir Nasraoui & Carrasco H quartet Le tango, comme une passion… Ils étaient faits pour se rencontrer, leurs univers musicaux faisant résonance : mélange de tango argentin et de maquam oriental, distillant avec la beauté, une mélancolie sourde qui est celle de ces mélodies venues du fond des âmes, battre le rappel des nostalgies et des amours à tire-d'aile, à la croisée de deux chemins qui auraient pu ne pas se rejoindre, mais se sont aimantés. Il paraît qu'au final, cela donne un mélange détonant, où l'alchimie mystérieuse de deux cultures, de deux styles musicaux se démarquant l'un de l'autre a généré avec bonheur, une rencontre autrement heureuse… Ce soir à Hammamet, pour la 46ème édition du festival, le public aura tout loisir de savourer un spectacle épicé, langoureux et fougueux à la fois, avec Abir Nasraoui et Carrasco H quartet, le temps de mille et une escales sur les rythmes enflammés du tango. A la manière de « Ya Zahratan» de Férid El Attrach , de « El warqa el mesquina » de Lili Boniche, de « Hobbi yetbaddel » de Hédi Jouini, ou encore de Ya Habibi taala » d'Asmahane, le tango se déclinera sous ses multiples facettes, pour une balade sensuelle et rêveuse, au gré du bandonéon de Juan Carlos Carrasco, et la voix profonde et ample de Abir Nasraoui telle qu'en elle-même. De formation classique, s'inspirant d'une double influence entre chanson arabe et musiques du monde, la chanteuse interprètera un répertoire tout en heureux métissages, en compagnie du quartet Carrasco H, créé en 1983 par Juan Carlos Carrasco. Un tango revisité s'inspirant de l'héritage des plus grands, à l'égal de Astor Piazzolla, offrant également le privilège de tableaux dansants, unissant deux pas de danse, dans un corps à corps sensuel et gracieux, qui est l'apanage du tango. Avis aux amoureux du genre et ils sont sûrement légion…