Comme leurs vacances d'été sont les plus longues de toutes celles dont bénéficient les agents de la fonction publique, les enseignants ont souvent du mal à en profiter convenablement et à y consacrer un budget adéquat. Leurs enfants pâtissent tout logiquement de cette incapacité de leurs parents à gérer les trois mois chômés. Aujourd'hui, l'instituteur et le professeur ne peuvent offrir à leur progéniture que quelques jours (une quinzaine tout au plus) de vraie détente estivale au bord de la mer ou ailleurs. Le reste de la saison chaude se passe pour les enseignants et leurs familles comme l'été de n'importe quel fonctionnaire ordinaire ; pire encore, puisque dans les autres foyers, les congés des parents sont beaucoup plus courts. L'inactivité estivale prolongée est un fardeau double chez les enseignants. Elle pèse encore plus lourd et représente un vrai casse-tête chinois lorsque le père et la mère sont tous deux dans l'enseignement. Aucun privilège en matière de vacances L'autre jour, nous avons eu sur le sujet un long entretien avec M. Sami Tahri, secrétaire général du syndicat général de l'enseignement secondaire. Celui-ci reconnaît l'existence d'une énorme lacune au niveau des œuvres sociales en faveur des enseignants. « Les loisirs de ces derniers et de leurs familles font justement partie des questions sur lesquelles il faut désormais se pencher plus sérieusement au niveau des instances syndicales du secteur. Contrairement aux agents de plusieurs institutions publiques et privées, les enseignants n'ont presqu'aucun privilège en matière de vacances. Il est vrai que nous bénéficions de l'entrée gratuite aux musées ; mais lors des manifestations culturelles, principalement les festivals d'été, nous payons nos billets comme n'importe quel autre citoyen. Pendant les grandes vacances, on se débrouille comme on peut pour ne pas priver les enfants de plage. Colonies de vacances, séjour chez des parents ou des amis, location pour quelques jours d'un logement en zone touristique, sorties familiales plus ou moins fréquentes, voilà comment s'en sortent la plupart de mes collègues. Encore faut-il qu'ils soient en mesure de supporter le coût des loisirs collectifs. Les enseignants ont, comme tous les Tunisiens, des crédits à honorer. Rares sont ceux qui peuvent s'offrir des séjours prolongés dans les hôtels ou des voyages à l'étranger. » Des solutions restent possibles En collaboration avec le ministère de l'éducation et celui de l'enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique nos syndicats respectifs doivent trouver la meilleure formule pour supporter ensemble les charges que coûtent les vacances des enseignants et celles de leurs enfants. Lors du dernier congrès du syndicat de l'enseignement secondaire, nous avons proposé pour la première fois de l'histoire du secteur des projets relatifs aux loisirs des professeurs. Il y a moyen dans ce sens d'exploiter les établissements et les espaces relevant des deux ministères de l'enseignement et qui restent vacants pendant toute la saison estivale (foyers universitaires, internats, centres de formation etc.). On peut, sinon, signer des conventions avec le ministère du tourisme, avec les grandes banques ou les caisses de sécurité sociale afin de surmonter le handicap majeur (qui est d'ordre financier) en ce qui concerne les vacances organisées des enseignants. Jusqu'à présent, on ne place pas encore les loisirs à l'ordre du jour de nos priorités. C'est d'autant plus frustrant que l'enseignant a besoin plus que tout autre fonctionnaire de passer ses vacances dans d'excellentes conditions en prévision d'une bonne reprise des cours. Désormais, un intérêt accru doit être accordé au volet social de la profession: en plus de notre action visant à garantir aux enseignants le logement décent et la couverture sociale et sanitaire adéquate, et à leurs enfants des avantages spécifiques, notamment à la rentrée scolaire et universitaire, nous devons contribuer efficacement à l'exploitation intelligente des congés des professeurs. » Le vide, en attendant ! En attendant que cette ambition soit concrétisée, la majorité des professeurs et des instituteurs passe l'été à jouer aux cartes dans les cafés tandis que leurs enfants les imitent dans un autre local ou bien glandouillent à longueur de journée et de soirée chez eux et dans les rues de leurs villes respectives. Dans les régions de l'intérieur, les différents clubs culturels chôment et laissent la place à des festivals locaux très modestes au niveau de leurs budgets et de la qualité de leurs programmes. C'est pourquoi ils sont plutôt boudés par les enseignants qui s'estiment, en tant qu'élite intellectuelle de leurs régions, dignes de manifestations d'un meilleur niveau. Faute de combler ce besoin spirituel distingué, quelques uns vaquent à des projets personnels ou familiaux, d'autres s'adonnent à une activité saisonnière rémunérée. Mais le plus gros de l'ensemble s'accommode du vide et de la médiocrité ambiants !