Les vacances d'hiver 2009-2010 seront un peu plus longues que les précédentes. Elles dureront en effet presque une vingtaine de jours en raison du week-end prolongé accordé à l'occasion de la fête du nouvel an de l'Hégire. Elles comprendront également le nouvel an du calendrier administratif. La reprise des cours aura ainsi lieu le 4 janvier prochain. Quelles vacances nos familles peuvent-elles offrir à leurs enfants scolarisés ? Sont-elles toutes en mesure de répondre aux attentes de ces derniers en matière de loisirs pendant les 20 jours “ libres “ à venir ? En sachant que le budget familial ne consacre en Tunisie qu'une très faible part aux temps libres, en moyenne 5% seulement, et que d'autre part, la plupart des ménages tunisiens ont des dettes mensuelles à honorer et que la tradition des départs en vacances pendant l'hiver ne s'est pas encore instaurée dans la majorité des ménages, les jeunes peuvent-ils espérer mieux que ce que leurs parents ont l'habitude de leur offrir comme loisirs lors des congés scolaires ? Nous avons interrogé des enseignants, des élèves et quelques parents pour savoir ce qu'ils en pensent et ce qu'ils proposent pour que la situation change, en mieux bien évidemment ! Frustrations partagées Mme Mosbahi, professeur du secondaire, estime que : “La qualité des vacances qu'une famille peut offrir à sa progéniture dépend de la condition sociale des parents. Les plus aisés ont les moyens de payer à leurs enfants même des voyages à l'étranger. Certaines familles moyennes organisent des excursions de quelques jours dans le sud du pays ou dans d'autres sites touristiques (Tabarka, Ain-Draham, Sousse, le Cap-Bon, Bizerte). D'autres ont tout juste de quoi honorer les dépenses quotidiennes indispensables et pratiquement rien pour s'offrir des vacances. Les enfants doivent se montrer compréhensifs face à de telles difficultés financières. C'est leur subsistance qui passe en premier, les vacances deviennent un luxe dans ce cas. S'ils sont encore à l'école, on peut les laisser profiter des excursions organisées par les associations scolaires, mais quand ils sont plus grands, il leur faut un autre type de loisir. Les amicales des enseignants offrent certes la possibilité de vacances à l'étranger, encore faut-il là encore avoir de quoi payer le voyage et le séjour. Je pense aussi aux élèves du baccalauréat, comme ma fille, qui sont contraints- à cause des cours de rattrapage donnés pendant les vacances de renoncer aux loisirs. C'est donc encore une fois, une affaire de priorités !” M. Said Ettayeb, Professeur, nous affirme pour sa part : “On vous l'a dit, les vacances de nos enfants c'est une question de moyens. Vous avez beau vous organiser, quand le budget mis à votre disposition est limité, vous ne pourrez vous offrir que ce qui est possible. Nos enfants éprouvent des frustrations que nous mesurons parfaitement. Mais avons-nous le choix ? Je vous le répète, tout dépend de nos moyens financiers” “Les loisirs ne sont pas un luxe!” Haifa et Maha, toutes deux élèves essaient de se justifier : “Nous sommes prêtes à comprendre que nos parents aient quelques soucis financiers qui leur dictent certaines restrictions budgétaires, est-il juste, cependant, de ne pas récompenser le brillant trimestre de son enfant sous prétexte qu'on a des dettes à payer ? Si nous étions parentes d'élèves, nous sacrifierions une partie du budget au profit de la détente de nos enfants. Les parents doivent nous comprendre à leur tour. Les loisirs ne sont pas un luxe ! “ “L'oisiveté, mère de la délinquance” Fadi, Riadh et Safa : “Nous n'avons droit ni aux excursions, ni aux voyages ! C'est le lot de la plupart des élèves tunisiens. Nos vacances d'hiver, de printemps ou d'été se passent comme les dimanches et les jours fériés : quelques sorties avec les amis, beaucoup d'heures de sommeil et des parties de cartes ou de jeux en ville. Safa, elle, sort en famille ou avec des camarades du lycée. C'est la plus frustrée de nous trois. Ses parents contrôlent un peu trop ses entrées et sorties et ne l'autorisent pas à participer aux excursions organisées par notre établissement. Nos familles se retranchent toutes derrière le prétexte du manque de moyens pour nous priver de loisirs. Ils ne savent pas que l'oisiveté à laquelle ils nous condamnent, nous les garçons en particulier, favorise la délinquance. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour nous épargner le vide et ses retombées négatives. Vous nous parlez des maisons de jeunes et de culture, c'est vrai, nous les boudons à tort ! Mais devons-nous passer 20 jours dans ces espaces de loisirs soi-disant intelligents. Les jeunes ont besoin aussi d'air libre, de changer de décor, d'aller voir du pays, de se défouler, de s'amuser autrement ! Si au moins, on nous offrait des passe-temps de ce genre mais qui reviennent moins cher. Nos parents n'auraient plus d'excuses et ne lésineraient pas sur les montants à nous remettre !” “Penser aux enfants des familles modestes” Abdelmoula Nagmouchi (commerçant) : “Ma femme et moi, nous sommes parfaitement conscients des bienfaits des vacances quand elles sont bien remplies. C'est pourquoi nous avons convenu d'accompagner les enfants à Bizerte la semaine prochaine, puis chez des amis à Nabeul. L'aîné qui est à l'Université, ira à Tabarka passer quelques jours chez un camarade de faculté. Sans rien vous cacher, cela nous coûtera un peu plus de 500 dinars, mais c'est supportable pour notre budget. Nos enfants savent parfaitement que lorsque nous en avons les moyens, nous ne leur refusons ni excursions, ni voyages, ni cadeaux. Il nous est arrivé une fois de passer par une période difficile sur le plan financier ; pas un seul d'entre eux ne s'est senti frustré pour autant. J'appelle donc à instaurer ce climat de compréhension mutuelle entre parents et enfants et recommande aux pères de familles de responsabiliser leurs enfants dès le jeune âge pour les préparer justement à consentir certains sacrifices quand ceux-ci sont indispensables. Les services compétents et les hommes de bonne volonté doivent penser, pour leur part, aux enfants des familles modestes et leur offrir des vacances heureuses et récupératrices. Pour ce qui est des fonctionnaires et des autres travailleurs, je pense que les salaires actuels restent insuffisants pour satisfaire tous les besoins de leurs foyers. Avant de songer aux vacances de leurs enfants, la plupart d'entre eux pensent à bien les loger, à bien les nourrir et à bien les habiller. Leur budget-vacances reste encore très maigre !”