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Histoires de solitudes précaires
Célibataires, divorcés, émigrés, vieillards
Publié dans Le Temps le 24 - 08 - 2010

Ils sont les oubliés de la fête, les habitués des défaites, les célibataires, les divorcés, les veuves, les sans familles. Et ils sont plus nombreux que l'on ne croit, mais ils sont trop discrets pour se faire remarquer, trop réservés pour laisser entrevoir leur solitude et leur souffrance en ces jours de fêtes familiales…
Rencontre avec les naufragés de la vie sociale, ces solitudes précaires…
C'est dans la Médina de Tunis que nous avons rencontré tout à fait par hasard un homme aux cheveux blanchis par les années et les soucis, traînant une petite carriole où s'accumulait un bric-à-brac digne d'un chiffonnier. C'était quelques minutes avant l'heure fatidique de la rupture du jeûne et il semblait épuisé…
« J'en arrive à détester les jours de fête… »
Voulant lui donner un coup de main, il s'est mis à se confier à nous spontanément, racontant sa solitude en ce mois Saint. « Veuf depuis plusieurs années, sans enfants, j'en arrive à détester les jours de fête et les périodes où les familles se retrouvent autour d'une table pour partager des repas savamment préparés, ces moments de joie qui me manquent tant… »
Une solitude désespérée mais digne, que nous retrouverons tout au long de cette enquête sur ceux qui passent le Ramadhan loin de leur famille, comme ce jeune ingénieur en télécommunications : « c'est mon 2ème Ramadhan loin de ma famille et je commence à déprimer sérieusement. J'ai quelques amis avec qui je partage le repas du soir, mais on est loin de l'ambiance familiale, de la Chorba de ma mère et des bricks savamment préparés par ma sœur… »
En effet, ce grand jeune homme se débrouille comme il peut avec ses amis, essayant de recréer l'ambiance de Ramadhan dans cette famille recomposée, entre amis qui partagent les mêmes soucis, la même solitude. Son voisin et ami se confie : « Moi aussi je suis loin de ma famille cette année et c'est dur. Car il y a quelque chose de magique dans la famille durant Ramadhan que je ne retrouve pas et j'ai l'impression d'avoir une pierre à la place du cœur… »
Une manière malhabile de dire sa souffrance de voir, lui aussi, les liens familiaux distendus pour des raisons professionnelles. Et c'est encore plus difficile pour nos travailleurs émigrés, qui se retrouvent souvent isolés de l'autre côté de la Méditerranée, obligés de se soumettre à des horaires incompatibles avec leur devoir religieux. Alors certains tentent de revenir au pays, pour y passer ce mois si important dans la vie des musulmans.
L'un de ces travailleurs, rencontré dans un marché de la ville, avoue savourer « l'odeur de Sidi Romdhane, que je ne retrouve pas en France, où je travaille. Cette année j'ai la chance de pouvoir passer trois semaines chez moi, en Tunisie, après trois Ramadhans passés loin de ma famille, privé de cet instant magique lorsque la voix du Muezzin s'élève pour annoncer l'Iftar. Un moment où je redeviens un petit enfant… »
Veuves sans enfants
Et de nous raconter sa mélancolie les années précédentes, lorsqu'il était obligé d'improviser un repas du soir, sans aucune notion de cuisine : « la Chorba était salée ou fade, les bricks trop cuits, des cuillères tombaient souvent dans la grande marmite quand j'essayais de remuer la sauce et mes copains qui se moquaient de moi en me disant tu vas encore nous servir une Marqet Mgharef… » Aujourd'hui il en rit, « mais ce n'est pas tous les jours facile là-bas ! » avoue-t-il.
Et puis il y a les veuves sans enfants et que leurs familles ignorent pour des raisons inavouables. C'est sur le toit d'un immeuble, en pleine Médina, que nous avons rencontré l'une d'elles, préparant un modeste repas. A 75 ans, elle refuse toute aide, préférant survivre grâce à la maigre pension de son défunt mari. « Je n'ai pas eu d'enfants, mais j'ai de la famille, quelques cousins, quelques neveux et nièces. Mais comme il n'y a rien à hériter, ils ne demandent jamais de mes nouvelles et ne savent même pas si je suis encore en vie… Que Dieu leur pardonne. »
Heureusement il y a les voisines qui la soutiennent moralement et qui la considèrent comme leur mère. Une mentalité d'entraide et une conception de la vie qui a tendance à disparaître chez une importante catégorie de la société tunisienne, remplacée par une forme d'égocentrisme destructeur de ses structures fondamentales.
Mais les solitaires de l'Iftar ne se recrutent pas toujours parmi les gens de condition modeste. Bon nombre de « sans famille » appartiennent même à cette classe aisée des Tunisiens. Mais leur problème est le plus souvent d'ordre psychologique, comme cet homme d'affaires, deux fois divorcé et qui vit seul dans une grande villa du côté du Bardo.
Avec beaucoup d'assurance, il affirme : « je suis tombé sur des épouses qui étaient plus intéressées par mon argent que par moi, exigeant que je leur inscrive ma maison à leur nom, demandant sans cesse des sommes élevées pour aller les dépenser dans des broutilles. Des profiteuses qui me prenaient pour la poule aux œufs d'or… Alors j'ai décidé de finir ma vie seul, avec des gens de maison pour les tâches ménagères. »
En fait, notre interlocuteur oublie de dire qu'une trop grande différence d'âge le séparait de ses anciennes épouses, avec ce que cela entraîne comme scènes de ménage causées par une jalousie aveugle pour un regard déplacé ou un mot de trop. Un caractère dur et une incertitude face à leur avenir, qui les a fait fuir un foyer devenu infernal…
Tous ces estropiés de la vie, ces victimes plus ou moins coupables vivent mal cet exil. Un mal qui les ronge en silence, sans que personne ne puisse imaginer leur souffrance. En d'autres temps, ils auraient bénéficié de la présence de leur famille lointaine ou d'un voisinage bienveillant. Mais les structures de la société tunisienne ont bien changé et les distances se sont agrandies, isolant des milliers de personnes qui se retrouvent sans soutien moral et matériel.


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