On ne lit pas assez sous nos cieux, c'est un fait. Et le livre n'occupe plus la place de choix qui lui est due, c'est hélas une vérité qu'il faut accepter d'admettre et d'assumer, pour pouvoir se pencher sur les véritables raisons de ce désintérêt et essayer de colmater la brèche. Car, intra-muros, entre le livre et la lecture, il y aurait comme un hiatus, une sorte de faille aux origines assez floues, à laquelle il importe de pourvoir, parce que l'enjeu est de taille. Cela concerne l'avenir d'un pays, et d'une génération qui aura à rattraper ce manque à gagner, de préférence le plus vite qu'il soit, histoire de ne pas donner naissance au final, à une nouvelle forme d'analphabétisme autrement dangereuse, partant du fait que ce sont les livres qui nous ouvrent les portes du monde, et nous livrent les clés de l'univers où nous sommes appelés à évoluer, et qu'en l'absence de ces « sésames » merveilleux, le monde et son précieux mystère nous demeurera hermétique. C'est comme si nous avions bâti une demeure, dont nous aurions perdu le code d'accès. Cela s'appelle la perte de repères. De ceux qui vous guident sur le chemin de la vie, et vous empêchent d'avancer en aveugle. Il y a deux jours se tenait au siège du ministère de la Communication, une conférence de presse consacrée aux moyens de donner chair et corps aux recommandations présidentielles, touchant à l'élaboration d'un plan national de mise à niveau de la lecture chez les jeunes Tunisiens, réunissant les représentants de trois ministères : le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, celui de la Communication, et celui de l'Education, principaux acteurs qui auront à rassembler leurs énergies, pour travailler de concert sur la question, afin de remédier à cet état de fait, dans le droit fil de ce qui a été accompli jusqu'ici dans le cadre de la consultation nationale autour du livre et de la lecture, instituée en 2009. Une manière d'ouvrir le débat sur un sujet crucial, dont la responsabilité incombe, à la fois aux parents, et aux éducateurs. Car il serait vain de se voiler la face en imputant le désintérêt pour la lecture et les livres au coût élevé de ces derniers, sachant pertinemment que les bibliothèques accessibles à tous les publics, regorgent de ces joyaux dont il faut savoir estimer les prix à leur juste valeur, non pas en monnaie sonnante et trébuchante, mais pour le plaisir qu'ils offrent –à nul autre pareil-, décliné de page en page comme une promesse tenue, et un gage d'honneur. Sans compter les livres aux rabais, et mille et une astuces qui permettent de se pourvoir à satiété, en cette nourriture spirituelle laquelle, si elle vient à manquer, fait vaciller l'édifice, inlassablement, jusqu'à ce qu'il tremble dans ses fondements, aboutissant à une entreprise de démolition qu'il sera difficile de pouvoir reconstruire après-coup. Au bout du compte justement, un constat : l'engouement pour la lecture relève aussi bien de la sphère privée que publique. Mais d'abord de la sphère privée, dans la mesure où c'est au sein de sa petite famille que l'enfant apprendra à partir, comme un vaillant capitaine sur son bateau, à la découverte du monde des livres, et du monde d'une façon générale. Et l'enchantement naît de la manière dont les parents s'y prennent pour l'y amener. En douceur de préférence, avant que l'école ne prenne le relais. Parce que, si aujourd'hui les livres n'ont plus d'attrait pour nos enfants, c'est que nous avons failli à nos responsabilités, de part et d'autres, et en ce sens, avons raté le coche. Le reconnaître, c'est déjà un pas. Y remédier, c'est le palier supérieur à franchir, illico-presto, en convoquant le plaisir de la lecture comme argument majeur, jusqu'à ce que ce plaisir devienne nécessité. Une seconde respiration en somme. Et ce n'est pas une mince affaire.