Par Khaled Guezmir - En l'espace d'une semaine, deux dates et deux événements majeurs : Le 28 septembre 1970, mort de Nasser le père du nationalisme unioniste arabe et le 6 octobre 1973 la guerre surnommée internationalement « La guerre du Kipour » parce qu'elle a débuté au moment où les Israéliens célébraient le Yom Kipour (jour du grand pardon). La première date a été complètement occultée aussi bien par les sociétés arabes y compris l'Egypte qui a célébré tout de même très discrètement la mémoire du « Raïss », que par le reste du monde, ce dernier n'ayant jamais été dans les bonnes grâces de l'Amérique et de ses alliés. Nasser a beau nationalisé le canal de Suez et construit le grand barrage d'Assouan ou « Soud El Aali » il demeure pour les uns un grand démagogue plus tribun que stratège et surtout abonné aux « défaites » successives contre Israël notamment la grande déroute de juin 1967 qui est pour eux à l'origine de tous les malheurs actuels et de l'hégémonie rampante de l'Etat Hébreu sur les territoires occupés depuis. Pour les autres à savoir l'Amérique et Israël car le reste ne compte pas ou à peine, l'image de Nasser qui colle à l'opinion de ces pays, comme un mauvais cauchemar, c'est celle de l'ennemi irréductible qui a toujours voulu détruire Israël et « le jeter à la mer » ! J'en viens à la 2e date, la guerre d'octobre et son architecte incontesté : Anouar El Sadate. Cet homme né en 1918 d'une famille bien pauvre de 12 enfants, après des études à l'académie militaire commence par un « faux départ » s'allier au parti des frères musulmans. Mais son amitié et son allégeance à Nasser va faire de lui après la révolution des « officiers libres » de 1952 le numéro 2 incontournable du nouveau pouvoir égyptien. La mort de Nasser le porte au pouvoir et c'est à partir de là qu'un grand stratège voit le jour. Homme humble, en apparence et dan sa vie quotidienne, très peu porté sur la parade et le luxe, il cultive le secret et la ruse qui, depuis la nuit des temps en passant par la guerre de Troie ont été la base de tous les succès militaires et politiques. Il commence à préparer minutieusement « son coup » par des manœuvres tout au long du Canal de Suez qui réussissent à tromper la vigilance aussi bien des Israéliens que des Américains qui pourtant ont suffisamment de yeux et de satellites pour contrôler le monde ! Puis il feint d'opérer une « guerre d'usure » avec quelques escarmouches par ci et par là. Puis à la première aube du 6 octobre 1973 il met en branle ses 1500 chars, pas moins de 200 avions, qui pour une fois ne seront pas cloués au sol, et près de 300.000 hommes pour enfoncer la ligne « Barlev » qu'il met en pièces, et opérer un véritable raz-de-marée qui laisse « l'invincible » armée israélienne sans voix, avant que le monde « civilisé » lui vienne au secours par un pont aérien titanesque ! A partir de là et malgré sa grande victoire, qui sur le plan stratégique fait l'objet encore de thèses de doctorat dans les plus grandes écoles de guerre d'Amérique et d'ailleurs, Sadate sera « trahi » par la haute technologie dont seule l'Amérique et bien sûr Israël disposent. Le renseignement satellitaire, permet à ses ennemis de se reprendre et d'opérer un baroud d'honneur avec sa 3e armée qu'ils réussissent à encercler. Malgré cela et contrairement à d'autres stratèges, tiens nous pensons à notre légendaire Hannibal, Sadate le « renard » du secret arrive à tirer profit de l'immense peur des israéliens et surtout de la destruction du mythe de l'invincibilité de leur armée ! Enfin en grande seigneur il signe le 17 septembre 1978 les accords de Camp David avec Menahem Begin Premier ministre israélien grâce au parrainage de Jimmy Carter, ce qui lui vaut le prix Nobel de la Paix. Malheureusement, Anouar El-Sadate sera assassiné le 6 octobre 1981 soit huit ans jour pour jour après son offensive du Yom Kipour, par un commando fanatisé au moment d'un défilé militaire de commémoration. Que reste-t-il de Sadate. Certains esprits chagrins le rendent responsable de la démobilisation et de la capitulation actuelle du monde arabe, pour avoir fait la paix avec l'Etat d'Israël, renforcé sa « légitimité » et surtout privé la lutte et la résistance armées arabes de cet appui indispensable : le poids de l'Egypte, qui non seulement a rangé définitivement ses armes, mais en plus contribue à l'affaiblissement de toute velléité de résistance, comme ce fut le cas à Gaza ! Pour nous Sadate reste l'exemple de l'intelligence et de la capacité arabes, qui avec des moyens limités a pu sauver l'honneur de sa nation, l'Egypte éternelle, et avec elle donner de l'espoir aux Arabes et aux Musulmans après tant d'humiliations et l'immense lâcheté de la communauté si peu… « internationale » ! Son œuvre est lumineuse parce qu'humaine et humaniste ! Il ne s'agit pas de vaincre pour réduire les peuples à l'esclavage et à la honte d'eux-mêmes, comme le fait Israël, en ce moment, mais de faire la paix juste et pardonner ! Oui le « grand pardon » est venu de lui et non de ses ennemis ! Le mérite de Sadate est immense et sa femme Mme Jihane Sadate a bien raison d'être encore très fière de lui et de marteler : « Le Sinaï a été libéré et sans colonies israéliennes ». Belle leçon pour les générations futures.