Le Temps-Agences - Combats sanglants dans le nord du Liban, non loin de la Syrie qui a du coup bouclé sa frontière. Des affrontements entre l'armée libanaise et les militants palestiniens du Fatah Al-Islam ont fait au moins 30 morts hier autour d'un camp de réfugiés palestiniens et à Tripoli, qui n'avait plus connu une telle violence depuis au moins 20 ans. Outre ce chef-lieu du Liban nord, le camp palestinien voisin, Nahr Al-Bared, proche de la frontière syrienne, où vivent 30.000 réfugiés, est au cœur des combats. Des responsables des forces de sécurité libanaises ont fait état de 13 morts dans leurs rangs et 17 dans ceux de la guérilla, dont sept dans le camp de réfugiés. Des dizaines de personnes sont également blessés, dont 19 soldats et 14 policiers. Le Premier ministre Fouad Siniora a dénoncé "une dangereuse tentative d'atteinte à la sécurité libanaise" et a appelé les Libanais à soutenir le gouvernement. Alors que le Liban, déchiré entre le gouvernement de Fouad Siniora et l'opposition pro-syrienne dont le Hezbollah chiite a pris la tête, vit actuellement sa pire crise politique depuis les années 90 et la fin de la guerre civile, ce nouvel épisode sanglant vient y rajouter une nouvelle dimension. Le Fatah Al-Islam est un groupuscule extrémiste palestinien émanation du prosyrien Fatah-Intifadha, qui fit sécession du Fatah de Yasser Arafat au début des années 80, et est basé en Syrie. Si certains responsables de la sécurité libanaise estiment que le Fatah Al-Islam est devenu un groupe sunnite extrémiste et le jugent désormais lié à Al-Qaïda, d'autres considèrent qu'il est une façade pour les tout-puissants services de renseignement militaire syriens, qui continuent d'agir pour déstabiliser le Pays du Cèdre. Les principales factions palestiniennes se sont en tout cas toutes dissociées du Fatah Al-Islam. Chassés par le mouvement populaire qui a suivi l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en février 2005, les Syriens ont quitté le Liban deux mois plus tard, après 29 années de présence militaire. Quant à la Syrie, elle est elle-même confrontée à une insurrection sunnite de plus en plus active dans les quartiers de Damas. Dans le nord du Liban, tout a commencé avant-hier par une bataille rangée à Tripoli. La police y a investi un appartement occupé par des militants du groupe sur Mitein Street, une des artères principales de Tripoli: elle y recherchait les suspects du braquage, la veille, d'une banque au sud-est de Tripoli, au cours duquel les voleurs sont repartis avec 125.000 dollars. Les militants ont riposté, et les affrontements, qui ont gagné les rues avoisinantes, a duré tout l'après-midi. Les militants se sont ensuite emparés de positions de l'armée libanaise à l'entrée de Nahr Al-Bared, bastion de leur mouvement, capturant deux véhicules blindés. Ils ont aussi tendu une embuscade à une unité de l'armée, tuant deux soldats. Hier, les combats faisaient toujours rage dans le camp d'où s'élevait une épaisse fumée. L'armée libanaise, qui y a dépêché des renforts, pilonnait sans relâche les positions des combattants palestiniens à coups d'artillerie et à l'arme lourde. Selon un commandant libanais, l'armée cherchait à reprendre ses positions perdues. Le porte-parole du Fatah Al-Islam Abou Salim affirmait quant à lui que les militants se contentaient de se défendre, la population du camp ayant été attaquée "après l'arrestation de nos frères à Tripoli". Les camps de réfugiés palestiniens du Liban, gérés par les organisations palestiniennes, sont zone interdite pour l'armée libanaise, qui se contente de gérer des checkpoints à leurs entrées. Mais l'armée a ces derniers mois renforcé sa présence et sa surveillance autour de Nahr Al-Bared, le Fatah Al-Islam, qui s'y est implanté, multipliant ses actions. Tripoli, ville à majorité sunnite où les fondamentalistes sont nombreux, demeurait en état de siège hier, les renforts y affluant d'autres régions du pays, et des soldats armés de fusils automatiques et de lance-roquettes positionnés dans les rues. Dans le quartier de Zahriyeh, l'armée assiégeait un autre bâtiment où étaient repliés des militants, attendant l'arrivée des commandos pour investir les lieux. Cette brutale flambée de violence apparaît également liée à la volonté de créer un tribunal international pour juger les auteurs des assassinats politiques au Liban, au premier rang desquels celui de Rafic Hariri. Le Conseil de sécurité de l'ONU se penche actuellement sur un projet de résolution sur l'instance, alors que la Syrie et ses alliés au Liban sont férocement opposés à cette idée.