Par Bourguiba BEN REJEB - La mention Bio fait désormais tendance partout dans le monde. Cela va des légumes, aux fruits, aux dérivés laitiers et à beaucoup d'autres produits de consommation courante. Les denrées en question sont en général plus chères que les autres, mais elles sont réputées meilleures pour la santé. La manipulation des végétaux et des animaux par la science a en effet fait naître de nouvelles craintes, justifiées, que les images de vaches folles et de brebis aphteuses n'ont pu que renforcer. Bien entendu, tout dans les affichages bio ne correspond pas vraiment aux exigences rattachées à ce genre de commerce. En dépit de règles dites de traçabilité, de grandes maisons internationales continuent à écouler en masse les ingrédients qui participent à la fabrication des produits les plus courants et les plus usités. La réglementation existe bel et bien, avec ses obligations d'information, mais la réalité est souvent bien différente. L'info express Ainsi, on peut lire sur un produit de consommation écoulé chez nous que le mélange comporte de l'amidon de maïs. Cette indication est-elle suffisante pour savoir si le maïs en question, éventuellement importé sous cette forme, est issu d'OGM ? Les batailles qui se font à ce sujet partout dans le monde laissent penser que la spécification en question n'est pas anodine. Des risques réels ont été identifiés, même quand il est difficile de séparer le bon grain de l'ivraie dans cette affaire. On peut même laisser dire qu'à défaut des cultures intensives que permettent les OGM, tout deviendrait plus cher aux étalages, cela n'empêche pas que tout le monde gagnerait à savoir quoi mettre dans son menu. Les vaches folles auraient été atteintes de folie en raison de la nutrition qu'on leur fabriquait pour les engraisser. Le passage de leurs grains de folie vers l'homme fait l'objet de polémiques sur arrière fond commercial, mais le principe de précaution minimale exige que le consommateur doit être mis au courant, au moins pour lui laisser la liberté du choix. Chez nous, obligation est faite de faire connaître, dès l'emballage, la composition du contenu proposé à la vente. Pour les médicaments achetés en pharmacie, on fait généralement confiance à son médecin ou à son pharmacien pour expliquer les vertus, et parfois les dangers, des drogues en circulation. Pour les produits alimentaires, il faut essayer de suivre à la loupe des formulations évasives quand elles ne sont pas indéchiffrables. On ne peut que supposer que des contrôles stricts ont été effectués en amont et avant la mise en vente, par exemple par le Laboratoire Central dont c'est la mission première. On apprend ainsi de temps à autre que des autorisations ont été refusées ou que des produits ont été retirés de la vente, sans que l'on comprenne à quel titre et compte tenu de quels critères. Il faut dire que, en général, le consommateur tunisien n'a pas été habitué à exercer un contrôle vigilant sur la qualité des achats qu'il effectue, en particulier quand ces achats concernent les produits labellisés et emballés. L'Organisation pour la Défense des Consommateurs fait bien parler d'elle de temps à autre, mais sans que cela incite vraiment le consommateur à aller chercher de quoi il s'agit. En tout cas, pour la filière bio, l'information manque cruellement pour qui voudrait comprendre quelle sauce il va avoir à manger. Cela coule de source ? Il y a pourtant à faire avec la montée en flèche de la consommation d'eau minérale en Tunisie. Un véritable commerce a même vu le jour avec les épaves des bouteilles vides qu'on retrouve partout. L'idée s'est désormais faite qu'il était conseillé de boire l'eau minérale, et que c'était bon pour la santé. Comme par ailleurs le pays regorge littéralement de sources aux vertus diverses, toutes les grandes, et les petites, surfaces, proposent cet article à la vente. La concurrence sur les étiquettes est même rude. Il est donc probablement temps d'examiner d'un peu plus près ces étiquettes. Il n'y a qu'à prendre une loupe pour essayer de comprendre quelque chose à cette affaire, et encore ! On peut parfois lire que l'eau en question est saine, à en croire l'effet d'annonce de l'étiquette. Cela pourrait paraître évident pour une eau cher payée en regard de l'eau de robinet qui, elle aussi, est parfaitement saine. Certains peuvent lui reprocher d'être un peu trop calcaire, mais on aura remarqué que les résidus calcaires ne manquent pas du tout au fond de certaines bouteilles d'eau minérale labellisée. Il en est de l'eau minérale comme de l'agroalimentaire, la commercialisation à grande échelle exige de l'information, fiable et accessible, à grande échelle aussi. Il est maintenant prouvé qu'on ne peut rester indifférent aux aléas de la science industrialisée. A ce titre, des scientifiques venant de plusieurs pays arabes et européens ont échangé leurs expériences dans un séminaire organisé chez nous au mois d'octobre. Ils devaient parler de la conservation et de l'évaluation des ressources génétiques dans la perspective de défendre ce qu'on appelle le patrimoine génétique. Le thème conforte le travail effectué par la banque des gènes tunisienne, qui existe bel et bien et dont on parle rarement. En regard des dépenses occasionnées, il n'est pas inutile de connaître le plus ou le mieux. Le sujet n'a certainement rien de particulièrement grand public. Mais pour l'anecdote, cela fait un temps que les scientifiques estiment que la gestion de ce patrimoine est la seule voie passante pour la sécurité alimentaire à long terme. Les OGM ont ceci de particulier de contaminer le terroir et de créer la dépendance. Le choix bio ne relève donc pas du seul souci de santé immédiate mais donne aussi des chances aux générations futures. La disparition des variétés locales, au profit des gènes mondialisés, mais stériles, affaiblit d'autant les capacités de se défendre sur le long terme. Et au fond, autant se mettre au plus tôt au bio, dans la transparence.