Le Parti de l'Unité Populaire (PUP) a tenu samedi et dimanche derniers à Gafsa la réunion de son Conseil central. A cette occasion, nous invitons le secrétaire général du Parti Mohamed Bouchiha. Il nous parle ici de l'ordre du jour de ce conseil central, du rôle des partis de l'opposition, de leur force et leur faiblesse, de la vision de son parti et les grands axes de son programme, du rôle de la femme, de la jeunesse et de la crise de la Ligue. Interview.
Le Temps : Quel est l'ordre du jour de ce Conseil central du parti et pourquoi ce Conseil à Gafsa et non à Tunis ? M. Mohamed Bouchiha : Le conseil central du Parti de l'Unité Populaire s'est tenu les 19 et 20 mai 2007 à Gafsa. Pourquoi Gafsa ? Cela s'inscrit dans la démarche du parti qui a choisi depuis quelques années la décentralisation des activités de Tunis vers les régions. De même, nous considérons que cette initiative est importante et peut donner du tonus pour consolider la présence de nos structures régionales. Nous avons déjà tenu des réunions du Conseil central à Sfax, Sousse, Kasserine, Nabeul et à Gabès et, il y a une proposition pour tenir le prochain Conseil central à Médenine. • Revenons à l'ordre du jour ? Cette session s'est tenue avec la présence de la quasi-majorité des membres du Conseil central. Ils ont débattu essentiellement de deux points inscrits à l'ordre du jour : l'examen de la situation de politique générale en Tunisie et la situation au niveau régional et international. Le second point a concerné les programmes d'action présentés par les différentes structures du parti, régionales et nationales. • Parlez-nous du premier point ? La situation s'est caractérisée, ces dernières années, par la diversité des activités et des initiatives qui ont permis à beaucoup de partis politiques l'élaboration de propositions pour assurer une continuité et un approfondissement du processus démocratique encore en cours. • Mais concrètement ... Après le discours du Président Ben Ali du 7 Novembre 2006 où il a clairement et sans équivoque demandé aux organisations politiques et autres d'avancer des propositions concrètes pour une amélioration du processus démocratique afin d'approfondir le multipartisme et la démocratie dans notre pays, nous avons au PUP constitué une commission qui s'est réunie à plusieurs reprises et qui a élaboré des propositions que nous avons directement présenté à M. Le Président de la République afin de contribuer à cette démarche de participation et de la mise en place de réformes pouvant assurer un progrès certain pour la Tunisie sur le plan essentiellement politique. Nous sommes aussi dans le cadre de la Rencontre Démocratique qui est en train de tenir des réunions pour élaborer une plate-forme commune concernant la vie politique indépendamment de nos divergences sur les plans économique et social. • Le Président de la République a souligné que la force du parti au pouvoir réside dans la force des partis de l'opposition. Mais, on constate une faiblesse relative des partis de l'opposition. Qu'en pensez-vous ? Tout d'abord cette constatation relève, à notre avis, d'une conviction forte, basée sur le fait que le pays a besoin d'un équilibre réel au niveau des forces politiques et que l'hégémonie d'une seule formation politique ne peut que nuire à notre intégrité et notre souci de développement total. Nous ne pensons pas que l'opposition en Tunisie, au moins pour certaines formations politiques qui s'appuient sur des programmes clairs et des structures régionales et locales réels, soit faible. Il y a de multiples raisons qui ne permettent pas à ces formations de montrer leur véritable force. • Lesquelles ? Les raisons se situent au niveau de certaines lois qui organisent la vie publique et qui, bien qu'elles aient connues au courant de ces vingt dernières années des réformes très importantes, restent en déçà des aspirations et des attentes de très larges franges de la société. Je citerai à titre d'exemple les lois liées à la situation de l'information au niveau notamment de l'audiovisuel et au niveau des acteurs qui sont les journalistes afin qu'ils puissent remplir au mieux leur mission pour refléter réellement la réalité. La deuxième partie importante reste une plus grande réforme au niveau du code électoral. Nous avons connu des améliorations pour certains articles de ce code qui ont permis, par ailleurs, de permettre à l'opposition de siéger à la Chambre des députés, dans les conseils municipaux, à la Chambre des conseillers, dans les conseils régionaux et dans plusieurs structures, et nous sommes convaincus qu'en 2007, cette situation va être améliorée et permettre par le biais, justement des lois et aussi par un dialogue profond entre tous les partis politiques y compris le RCD. A l'opposition d'occuper la place qui lui revient. Nous demeurons convaincus que cette objectif ne peut que servir l'intérêt du pays dans sa lutte contre toute hégémonie et également contre tout courant passéiste. • Pour vous, quel est le rôle d'un parti de l'opposition ? Au PUP, nous considérons que le rôle des partis politiques est fondamental, pas seulement dans l'élaboration des revendications et des demandes qui nous paraissent les meilleures pour améliorer davantage la situation dans notre pays mais, également, dans l'encadrement des citoyens où qu'ils se trouvent et notamment les jeunes auxquels il faut offrir les plus grandes possibilités d'expression, d'organisation et de participation. C'est un rôle que nous considérons comme faisant partie prenante du rôle de l'Etat dans le sens le plus large du terme et c'est pour cela que nous avons toujours demandé à ce que les partis politiques légaux bénéficient d'une subvention consistante de l'Etat afin qu'ils puissent jouer pleinement ce rôle indépendamment de leurs orientations. Mais à condition que ses orientations entrent dans le cadre de la sauvegarde de l'indépendance du pays, de son progrès et de la préservation de ses acquis et qu'il œuvre dans le cadre de la loi et qu'il s'inscrit dans la modernité contre toute forme d'extrémisme et d'obscurantisme. •Vous avez constitué avec l'UDU, le PSL et le PVP. "La Rencontre Démocratique" est-ce pour "contrecarrer" d'autres alliances de partis de l'opposition ? Cette Rencontre Démocratique est une rencontre de dialogue et ne peut en aucune manière être considérée comme une réplique ou une concurrente de toute autre forme d'alliances politiques qui existent dans notre pays. J'ai déjà, à plusieurs reprises, insisté sur le fait que les différentes formations politiques dans notre contexte et à ce niveau de développement doivent avoir pour règle le respect d'autrui. Nous ne pouvons pas construire une démocratie saine sans un comportement positif envers les autres. Seuls le débat, la présence réelle à l'intérieur de la société tunisienne, la défense des acquis, la promotion des droits de l'homme et le combat contre toute inégalité peuvent différencier entre les partis politiques. Le PUP reste attaché à ces valeurs lesquelles reposent sur le socialisme et l'égalité des chances de tous, l'égalité des moyens de développement de toutes les régions, le relèvement du niveau de l'éducation, l'approfondissement de l'éthique et des valeurs qui permettent à notre jeunesse d'être à l'avant-garde de la lutte contre le sous développement, pour le progrès et la modernité, pour promouvoir une jeunesse cultivée, capable de faire face à toutes les diversions qui la menacent. La femme représente pour nous un élément des plus importants au niveau de cette équation de développement, et nous ne considérons pas la femme comme un objet de surenchère politique, mais nous voulons qu'elle occupe sa place pleinement dans notre société et avec une égalité totale des droits avec l'homme. • Même en ce qui concerne l'héritage ? Au niveau de notre programme, cette égalité repose sur le dépassement d'une certaine pensée passéiste et qui repose sur des convictions révolues. L'égalité dans l'héritage s'inscrit dans cette démarche et nous pensons qu'avec un travail de sensibilisation et avec des réformes courageuses, nous pouvons atteindre ce stade qui ne peut que permettre à la Tunisie d'être à l'avant-garde dans ce domaine. • Un mot sur la crise de la LTDH ? Nous l'avons répété à maintes reprises, la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme est l'un des plus importants acquis de la République et nous avons toujours choisi par l'intermédiaire de nos amitiés et nos militants, de ne pas nous imiscer dans les affaires internes de la Ligue tout en cherchant à contribuer à trouver des solutions qui puissent permettre à cette organisation de mener son rôle de protection des Droits de l'Homme et de promotion de la Culture des Droits de l'Homme et de la démocratie, loin de toutes ingérence quelle soit interne ou étrangère. Interview réalisée par