Mardi dernier, le Croissant Rouge Tunisien organisait à l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (l'ancien Lycée Ibn Charaf) une journée « portes ouvertes » sur le Sida et les moyens de s'en prémunir. L'initiative s'inscrit dans le cadre de l'une des missions premières de cette association bénévole fondée le 7 octobre 1956. En effet, celle-ci se considère comme directement impliquée dans tous les programmes nationaux de promotion de l'individu tunisien entre autres sur le plan de la prévention, de la santé, de l'éducation et du développement. Le choix d'un établissement universitaire comme cadre à cette journée d'information et de sensibilisation s'inscrit sans doute dans la volonté de préserver la catégorie d'âge la plus menacée et peut-être aussi la plus vulnérable face à la maladie sexuelle la plus meurtrière depuis déjà près de trois décennies. La journée s'acheva bien avant 15 heures et permit aux organisateurs de prendre contact avec un certain nombre d'étudiants, de leur expliquer certains détails relatifs à la maladie et surtout de distribuer des préservatifs, des sigles et beaucoup, beaucoup de dépliants sur le Sida. Lorsque les organisateurs de la journée quittèrent l'Institut, ces prospectus jonchaient sa cour et nombre de ses couloirs et de ses salles. Même à la salle des professeurs, on en voyait à tous les coins sans que la consultation de ces documents soit systématique ni attentive de la part des enseignants. Si bien que nous nous sommes de nouveau interrogés sur l'efficacité de ce genre de manifestation et sur la nécessité de repenser certaines méthodes de sensibilisation et d'information sanitaires. Il y avait moyen peut-être comme nous l'ont proposé certains étudiants de consacrer ne serait-ce qu'une demi-heure des cours donnés en classe, à ce sujet crucial. Ils auraient également aimé être informés plus tôt de la journée afin de savoir quelles questions poser à ses organisateurs ? En tout cas, nous rapportons dans ce qui suit quelques échantillons des impressions que la manifestation a laissées auprès des jeunes ciblés mardi dernier par le Croissant rouge tunisien. En effet, juste après la fin de la journée portes-ouvertes sur le Sida, nous avons rencontré quelques étudiants de l'ISSHT et leur avons posé les questions suivantes : *Le Sida et les maladies sexuelles sont-ils des sujets tabous dans vos familles ? *Pensez-vous que la journée organisée par le Croissant Rouge Tunisien ait atteint ses objectifs auprès des étudiants de l'Institut ? *Pour être efficace auprès des jeunes, une campagne de prévention contre le VIH-Sida doit-elle se limiter à la distribution de prospectus sur la maladie ? --------------------- Témoignages Sheyma Gharbi : « Forums, débats et rencontres avec les malades ! » « Chez moi, il est hors de question qu'on parle de Sida ou de sexualité. C'est un interdit aussi bien pour les filles que pour les garçons. Alors, je me cultive toute seule sur ces sujets, sinon on s'échange des informations entre amies et camarades. La Journée qu'on vient d'organiser et dont je n'ai été informée que très tard aujourd'hui, est très insuffisante ; il faut organiser régulièrement des débats et des forums avec les jeunes, notamment, sur les ondes des chaînes de radio et de télévision les plus suivies par ce public. Mettre les jeunes au contact de personnes malades afin qu'ils mesurent les risques qu'ils courent en cas de contamination. Et puis pourquoi ne cibler que les étudiants ? Et les élèves des collèges et des lycées, qui se charge de leur culture sexuelle ? Il faut même introduire ce sujet dans les programmes de tous les cycles scolaires. » Lobna Belhaj Khélifa : « Les supports visuels sont plus efficaces ! » « Avec mes parents, je n'aborde pas très souvent ces sujets, mais ma mère qui est médecin me conseille toujours de lire ce qui s'écrit sur les maladies sexuelles. Moi, je préfère m'en informer sur Internet, cela me permet d'apprendre beaucoup de choses que mes parents ne sauraient m'expliquer convenablement. En ce qui concerne les campagnes de prévention, je pense qu'elles doivent utiliser les supports visuels (films, documentaires etc.) pour mieux sensibiliser aux dangers du Sida. » Mohamed Wajdi Arfaoui : « L'inconscience et la légèreté de certains ! » « J'ai une petite amie qui vient à la maison et souvent nous soulevons en famille les questions relatives à la santé sexuelle. On nous prévient toujours en particulier contre les risques de grossesse. En ce qui concerne la journée du Croissant Rouge, j'ai constaté que la majorité des étudiants ont pris la campagne très à la légère et y ont trouvé prétexte à la rigolade. Beaucoup de jeunes de mon entourage, bien que conscients des risques que présentent les rapports sexuels non protégés, ne prennent aucune précaution en sortant avec les filles. C'est de l'inconscience, diriez-vous, mais pour eux, c'est peut-être aussi une manière de braver les dangers et aussi la mort. Ce genre d'attitude suicidaire mérite aussi qu'on s'y penche !» Karim Ben Mansour : « La Journée fut une réussite relative » « Je vis avec ma mère et nous abordons tous les sujets dans nos conversations. L'autre jour, c'est elle-même qui, en découvrant un préservatif dans mes affaires, m'a posé des questions sur sa provenance et ce que je comptais en faire. Je lui ai dit très naturellement que je prends mes précautions lors des rapports sexuels. Pour ce qui est de la journée du Croissant Rouge, j'y ai participé et j'y ai reçu des préservatifs. D'après ce que j'ai vu, elle a suscité l'intérêt d'un grand nombre d'étudiants. Il est vrai néanmoins qu'une journée ne suffit pas et qu'il faut cibler tous les jeunes et pas seulement les étudiants. » Badreddine BEN HENDA --------------------- Ruban rouge géant sur les façades des bâtiments des agences des Nations Unies La Journée Mondiale de lutte contre le SIDA célébrée hier a été marquée par l'installation d'un ruban rouge géant sur les façades de plusieurs bâtiments des agences du Système des Nations Unies Co-sponsors de l'ONUSIDA en Tunisie. « Cette action s'inscrit dans le cadre de l'appui fourni par le Système des Nations Unies à la riposte nationale du SIDA », déclare M. Mohammed Belhoucine, Coordinateur résident du Système des Nations Unies en Tunisie et Président du Groupe Thématique des Nations Unies sur le SIDA.