On ne peut pas tout attendre de la première édition des Journées Musicales de Carthage. Cette manifestation eut au moins le mérite d'animer la capitale pendant une semaine, qui plus est de vacances, pour des milliers de jeunes en mal de loisirs. Mais comme pour les Journées Cinématographiques, on devrait penser à faire participer l'intérieur du pays à tout événement culturel et artistique de cette envergure. Il faut rompre définitivement avec ce genre de centralisation qu'on croyait banni depuis longtemps. Sinon, concevoir une organisation tournante de ces Journées à condition de ne pas se contenter des grandes villes côtières. Certes, le rayonnement de Tunis prime dans certains cas, mais pas à toutes les occasions car le pays compte 24 gouvernorats pour la plupart souvent privés, notamment durant l'automne et l'hiver, d'activités culturelles réellement attractives. Leçons d'organisation Pour ce qui est de l'organisation de ces premières JMC, et de l'avis de plusieurs personnes qui les ont vécues et suivies assez régulièrement, elle fut réussie. Nous aurions néanmoins souhaité voir moins de gabegie à la soirée de clôture. En réalité ce n'est pas la faute aux organisateurs si le public invité ne sait pas se tenir convenablement dans un théâtre ; ce n'est pas à eux non plus qu'on imputera le retard de certaines « stars » qui, pourtant, tiennent à bénéficier des meilleures places de la salle et perturbent le spectacle pour si peu d'honneurs ; ce ne sont pas les organisateurs qui, caméras, micros et appareils photo à la main, sillonnent de long en large le parterre du Théâtre Municipal provoquant plus de chahut et de désordre que les milliers de spectateurs réunis. Nous avons la conviction que l'équipe organisatrice a fait de son mieux pour que cette dernière soirée soit une réussite totale ; mais il fallait pour cela ne pas distribuer trop d'invitations. Par expérience, on doit savoir que lorsque vous invitez une seule personne, de quelque rang que ces soit, celle-ci amène tout un monde avec elle. Samedi dernier, nous avons vu des enfants et des adolescents prendre les meilleures places avec, dans leurs mains, ces élégants faire-part pendant que d'autres spectateurs adultes, également invités, suivaient debout une bonne partie du spectacle ! Prix et hommages mérités Au sujet des prix décernés, ils firent le bonheur de talents très jeunes et ne suscitèrent visiblement pas de mécontentement notable. Il faut dire que les jurys respectifs des trois compétitions étaient constitués des meilleures compétences tunisiennes et arabes. Les artistes récompensés sont d'ailleurs tous d'origine maghrébine ou arabe. Nous espérons que les autres musiciens n'interprèteront pas trop mal leur exclusion de la liste des primés. Quant aux hommages rendus durant ces Journées, ils sont tous mérités, même si l'on aurait aimé voir parmi les artistes honorés et à côté de Chérifa Fadhel et Abdelwahab Doukali, des chanteurs tunisiens comme Ahmed Hamza ou Mohamed Ahmed ou encore ce parolier discret qui a pourtant un répertoire des plus flatteurs : Ahmed Zaouiyya, c'est de lui qu'il s'agit, était parmi l'assistance samedi soir et il aurait souhaité qu'on pense également à lui. Il est l'auteur de près de 3000 chansons dont de nombreux airs interprétés par le regretté Youssef Témimi. En 1958, il a obtenu le 1er Prix du Festival de la Musique au Canada. Ce sera pour une autre fois, donc, pour ces artistes et pour leurs confrères dignes à leur tour des plus grands hommages. A propos des paroliers et des compositeurs, Soufia Sadok qui a animé brillamment la première partie de la soirée prit soin de citer les noms de chacun des auteurs et compositeurs de ses chansons. Ce que ne fit pas Hafedh Maqni, le maestro qui dirigea l'orchestre accompagnateur et lui fit exécuter deux nouvelles distributions de « Yalli boodek dhayaa fikri » et « Ardhouni zouz sbeya » ! Il le fallait, d'autant plus que les prix des chansons récompensaient équitablement les chanteurs, les musiciens et les paroliers. Badreddine BEN HENDA ---------------------- Soufia Sadok, en grande star nationale ! La chanteuse Soufia Sadok s'illustra en début de soirée et interpréta trois belles chansons dont « lasta ya amsi » d'Aboul qaçem Echebbi (qu'elle dut reprendre tant elle plut au public) et « Tounès ardhi ». On aima aussi « ma y himminich », air très romantique que lui composa l'Egyptien Jamel Salama. ---------------------- Pour l'Histoire Les Prix décernés samedi dernier se répartissent entre les artistes suivants : Chant : Tanit d'or : « Attasouira » écrite par Mouldi Hassine, composée par Tahar Guizani et interprétée par Mohamed Dahlab (Tunisie). Le montant de la récompense est de 31.000 dinars Tanit d'argent : « Inta Mouradi », texte et musique d'Ali Salhi, chantée par Faten Helal (Maroc). Montant de la récompense 21.000 dinars Musique Instrumentale (luth) Tanit d'or : ex-æquo Youssef Abbès (Iraq) et Béchir Gharbi (Tunisie). Montant de la récompense : 10.000 dinars Tanit d'Argent : ex-æquo Kanane Ednaoui et Mouhanned Nasr (Syrie). Montant de la récompense : 7000 dinars Compositions musicales Tanit d'Or : Férid Ben Amor (Tunisie) pour « Samaii dorar » (10.000 dinars) Tanit d'argent : Outayl Moaoui (Tunisie) pour « El Kahena » (7000 dinars)