Nous sommes dans la deuxième semaine des vacances d'hiver. Ce congé scolaire, comme tous les autres accordés aux élèves et aux étudiants, pose de vrais problèmes aux parents pour qui ces quinze jours chômés paraissent parfois trop longs. En effet, les vacances sont à gérer au même titre que les études. Il est même probable que la période des cours décharge les familles de certaines responsabilités et les libère relativement tandis que les congés scolaires mettent sur leur dos toute la responsabilité du contrôle de leur progéniture jeune et férue d'activité et de loisirs. Dans certains foyers, on s'organise de manière à ce que les vacances soient bien remplies et convenablement partagées entre repos, loisirs et révisions. Car les experts déconseillent la rupture totale avec les études et recommandent au moins une ou deux heures de lectures et d'exercices scolaires. Mais ces mêmes experts sont unanimes pour prévenir contre l'absence de jeu, de sorties et de rencontres divertissantes au profit des élèves quels que soient leurs résultats à l'école, au lycée ou à l'Université. La médecine scolaire met en garde les parents contre les mesures punitives qui privent l'enfant ou l'adolescent de vacances reposantes et distractives en cas d'échec ou de mauvais rendement scolaire. La famille doit au contraire créer autour de son enfant un climat propice au dépassement de cet échec et à la reprise de la confiance en soi : en lui épargnant un nouveau stress et en l'encourageant à s'adonner à des activités ludiques, sportives et culturelles notamment en dehors du foyer, on l'aide efficacement à surmonter ses déceptions et à renforcer chez lui la volonté de rachat. En fait, beaucoup de parents sont conscients de cette nécessité et du droit de l'enfant à des vacances récréatives et récupératrices. Seulement voilà, soit faute de temps soit faute de moyens, ils n'offrent à leur progéniture qu'une quinzaine excessivement oisive et plus ennuyeuse que les jours de classe. Nous avons rencontré pendant ces derniers jours de nombreux parents accompagnant leurs enfants en centre-ville et dans différentes aires de loisirs. Nous en avons interrogé quelques uns ainsi que leurs enfants sur leur manière de gérer les vacances scolaires. La plupart d'entre eux étaient d'accord pour dire que les fournitures, l'habillement et les cours particuliers n'ont rien laissé aux vacances ! Badreddine BEN HENDA ----------------------- Témoignages Mme Abbès (enseignante à Tunis) : «Les cours particuliers nous bouffent tout» « Comme vous le constatez, j'ai pris des billets pour Monastir où nous comptons passer trois jours parmi la grande famille. A Tunis, il me serait difficile de sortir régulièrement mes trois enfants d'abord à cause du froid qui sévit en ce moment, ensuite parce que les parcs de jeux et les autres espaces de distraction coûtent cher. Il y a aussi les contraintes du déplacement car nous n'avons pas de voiture. Je ne vous cacherai pas non plus notre situation financière : nous avons contracté quelques crédits et avons dépensé beaucoup d'argent à l'occasion de la circoncision du petit Raied. Et puis, les cours particuliers nous bouffent tout. Je tiens à ce que mes trois enfants soient brillants dans leurs études et je me sacrifie pour eux, je me consume pour eux. Leur père s'en soucie moins mais je dois reconnaître qu'il travaille beaucoup pour supporter d'autres dépenses. Ce voyage à Monastir se présente comme une belle échappée pour mes enfants qui sont presque tout le temps enfermés à la maison ! S'il en est ainsi pour un couple qui travaille, qu'en est-il des familles à salaire unique ou faible ! Vivement la délivrance, ô Seigneur ! » Rahma Ben Mahmoud (lycéenne) : «Je préfère travailler pendant les vacances» « Moi, je préfère travailler pendant les vacances : je suis ici à la gare en train de faire de la promotion pour une grande marque de téléphonie mobile. Ainsi, j'épargne à mes parents l'argent de poche quotidien et je m'exerce à l'activité professionnelle. J'aime compter sur moi-même et je déteste perdre mon temps à ne rien faire et à ne rien produire ! » Fadhel Nefzaoui (Fonctionnaire) : « La télé et l'ordinateur comme passe-temps » « Je ne suis pas de Tunis mais je profite de ces vacances pour sortir mes trois filles et leur effectuer quelques achats. Ce sont elles qui me l'ont proposé en pensant qu'ici, les prix sont plus cléments. Or depuis ce matin, nous avons fait le tour des boutiques du centre-ville presque sans rien acheter. Nous rentrerons aujourd'hui en fin d'après-midi. Je n'ai pas les moyens d'offrir les vacances de leurs rêves à mes filles ; mais je fais de mon mieux pour qu'elles s'amusent à la maison et chez leurs camarades. Ces sorties mises à part, elles ont la télé et l'ordinateur comme passe-temps favori. Les temps sont difficiles et tout est cher. Ces chaussures que tient l'aînée m'ont coûté 35 dinars et les deux autres sœurs veulent des parkas ou des manteaux dont le moins cher est à plus de 50 dinars. Elles ont accepté toutes les trois de renoncer à leur argent de poche et aux sorties pour pouvoir s'offrir ces vêtements ! » M. et Mme Soudani (respectivement commerçant et secrétaire médicale) : « Ils passent le plus clair de leur temps à la maison » « Ne préjugez surtout pas de notre promenade dans les magasins en compagnie de nos deux enfants. C'est seulement la deuxième fois que nous les sortons. Les pauvres, ils passent le plus clair de leur temps à la maison, ou devant l'immeuble où nous habitons ; sinon ils vont à leurs cours particuliers parce qu'ils sont trop faibles dans les langues et en mathématiques. Nous aimerions les emmener quelque part, mais nous ne sommes jamais rassurés à leur sujet et à vous dire la vérité, nous avons quelques soucis financiers en ce moment. Peut-être qu'au printemps ou en été, nous les enverrons chez leur tante en Italie. D'ici là, ils se contenteront des maigres loisirs locaux ! »