Tunis se réveille traumatisée après une longue semaine d'angoisse. Encore une journée où l'on se demande si nos enfants vont regagner le chemin de l'école ou si nos concitoyens membres des comités de quartiers vont enfin retrouver une nuit de sommeil sans terreur. Les rumeurs se répandent comme une trainée de poudre. Et personne n'est habilité pour le moment à répondre à cette question qui faisait, hier seulement, l'objet d'un débat sur les chaînes françaises : « les Tunisiens vont-ils se faire voler leur révolution ? » D'aucuns considèrent qu'on est arrivé pour le moment à un point de non retour et que cette « révolution du jasmin » fleure bon l'odeur d'une liberté à laquelle le peuple tunisien a tant aspiré. Soit. Pour le moment, on nous demande de ne pas s'inquiéter outre mesure, même si les parties qui sèment la terreur continuent à faire la politique de la terre brûlée… Le monde connaissait la Tunisie cette destination prisée des touristes de tous bords. Maintenant on apprend à connaître les Tunisiens. Cette population qui a battu le pavé un certain 14 janvier et bien avant exprimant haut et fort sa volonté viscérale d'accéder à une vie libre et digne. « Que préfères-tu », disait Albert Camus, « celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t'enlever la liberté pour assurer ton pain ? » Ni l'un ni l'autre a répondu le peuple tunisien toujours prêt à prendre son destin en mains. « Attention, le peuple tunisien il ne faut pas trop le provoquer. » témoigne Ahmed Bennour sollicitée par une chaîne française, qui continue, « Les évènements qu'on a vécus du temps de Bourguiba en 1984 où la Tunisie s'est soulevée contre la cherté du pain nous apprend à être vigilants vis-à-vis de nos concitoyens. Nous sommes des méditerranéens, pour qui le verbe a une valeur magique. On aurait pu sauver la situation au bon moment. Mais cela n'a pas été le cas explique cet opposant, ancien Secrétaire d'Etat des affaires intérieures en concluant « Nous avions un Président muet qui n'a jamais donné de conférences de presse, qu'on ne voit s'exprimer qu'à travers des discours que lui écrivent ses collaborateurs. » Au final, les mots sont aussi nécessaires pour les gens que le pain. La Tunisie en ce sens est un véritable cas d'école. Pourvu que ça dure pour que « La révolution du jasmin », révolution citoyenne opérée sans calculs idéologiques le demeure.