Mounir JOMNI - Le martyr Mohamed Bouazizi a été et restera à jamais le symbole d'une Révolution tunisienne, historique, inédite et sans commune mesure avec les précédents mouvements sociaux et contestataires dans l'histoire. C'est lui qui a déclenché l'étincelle d'un soulèvement populaire qui a fini par balayer un système comparable dans son atrocité aux pires dictatures qu'a connues le monde contemporain. C'était un système policier qui a érigé le double langage, l'hypocrisie et la mouchardise en règle de conduite. Un système qui a terrorisé les Tunisiens, physiquement et surtout psychologiquement, pendant plus de 20 ans mais… sans parvenir à leur faire prendre leur dignité et leur amour pour leur patrie. Ben Ali a échoué parce qu'il s'est « mesuré » à un peuple qui a toujours su, tout au long de sa longue histoire, plusieurs fois millénaire, donner en définitive le « coup de grâce » à tous les oppresseurs. Bouazizi ne s'est pas immolé parce qu'il ne travaillait pas ou qu'il n'avait pas de quoi manger mais parce que son honneur et sa dignité ont été bafoués par… une flic de basse classe. C'est ce message qu'il a laissé et c'est cet héritage, combien humaniste qu'il nous a légué à nous tous Tunisiens. Ce message doit être saisi dans sa grandeur, par nos élites politiques et intellectuelles, par nos syndicalistes et par toutes les composantes de la société civile et les forces vives de la nation. Le saisir et le traduire dans les faits, nécessite, d'abord, qu'on se calme pour retrouver une certaine sérénité permettant d'entreprendre des mesures concrètes et apaiser par la suite la situation et préparer le terrain à une véritable transition démocratique. Il s'agit aussi de permettre aux institutions constitutionnelles de fonctionner pour ne pas créer un vide qui sera préjudiciable, in fine, à tous les Tunisiens. La Tunisie qui a pu au bout de simplement cinq jours depuis la chute du dictateur, annoncer des mesures politiques révolutionnaires (élargissement de tous les détenus politiques, séparation entre Etat et partis, libéralisation totale des médias…), doit retrouver davantage de souffle pour continuer cette œuvre et ne pas faire dévier son extraordinaire révolution de son droit chemin. Il faut trouver l'adéquation entre une situation sécuritaire et économique actuellement très fragile et l'aspiration à davantage de liberté et de démocratie. En ce moment, il ne faut pas mettre très haut la barre des demandes politiques mais plutôt s'adapter à une situation, certes très particulière mais aussi et jusqu'à présent, féconde en termes d'avancées politiques. C'est en somme, permettre même un semblant de fonctionnement des institutions loin des surenchères politiques et sans exclusion aucune excepté ceux qui ont pillé et tué le peuple. C'est un moment décisif de l'histoire du pays dont tout un chacun doit faire un pont pour une nouvelle étape salutaire de démocratie et de justice sociale durable pour tous les enfants de cette terre fertile en hommes libres. Le sacrifice de Bouazizi et sa bravoure resteront ancrés dans la conscience profonde de tous les Tunisiens mais doit également être leur guide pour que vivent les Tunisiens durablement dans la Justice, la Démocratie et la Fraternité.