Toutes les attentions se sont orientées hier vers la Kasbah. La nouvelle composition du gouvernement transitoire satisfait-elle les participants au sit-in de la Kasbah ? Quelle était leur réaction ? Etaient-ils prêts à arrêter leur mouvement ? Il s'agit notamment des questions que se sont posé un bon nombre de citoyens de l'intérieur du pays pour ne pas dire tous les Tunisiens. Le sort du pays était entre leurs mains d'une manière ou d'une autre. Parce que rien n'était clair jusqu'à la fin de l'après-midi. Leurs opinions divergeaient. Ils n'arrivaient pas à partager la même position après de longues discussions entre les représentants des comités populaires des participants au sit-in et un groupe composé de sept bénévoles dont six avocats dirigés par le président du Conseil de l'Ordre des Huissiers Notaires. Aucune décision n'a été prise pour arrêter ce mouvement. Ils parlaient même de trois positions. Un groupe était pour l'arrêt du sit-in, un autre proposait de changer la forme de protestation et le troisième groupe refusait catégoriquement de partir de la place de la Kasbah sans avoir gain de cause. Il était indispensable pour eux que le Premier ministre Mohammed Ghannouchi démissionne du gouvernement. Mais on ne leur a pas accordé une dernière chance. Une chance que demandaient les négociateurs bénévoles. Selon l'agence Tap, « les forces anti-émeutes ont dispersé, en début de soirée par la force, des centaines de manifestants en faisant usage de gaz lacrymogènes. Cette opération s'est déroulée au vu des forces de l'armée nationale stationnées sur les lieux et qui ont tenu à ne pas intervenir. Cette opération d'évacuation n'a pas dégénéré en rixe entre protestataires et forces de l'ordre, mais elle a causé plusieurs cas d'évanouissement sous l'effet de la respiration du gaz lacrymogènes. La place du gouvernement à la Kasbah a été assiégée par des fils barbelés après avoir délogé tous les protestataires ». On apprend par ailleurs que les manifestants délogés de la Kasbah ont pu rejoindre à travers les ruelles de la Médina l'avenue Habib Bourguiba où ils ont été poursuivis par les forces anti-emeutes et dispersés par la force. ------------------------------- Les dernières heures d'un sit-in devenu à trois vitesses 1 - Une tendance pour l'arrêt net du sit-in 2 - Une deuxième pour la décentralisation de la protestation avec des « sit-in » régionaux 3 - Une troisième tenant au départ de M. Ghannouchi « Il faut que tous les représentants de l'ancien régime quittent le gouvernement, nous n'avons pas confiance en eux », revendiquent les manifestants. Il est clair que la crise de confiance tarde à se rétablir. Les manifestants, toutes les tranches d'âge et catégories confondues, ont peur pour la Révolution et pour leur avenir. Ils pointent du doigt le Premier ministre qui « a fermé les yeux durant 10 ans sur la corruption de l'ancien régime. « Il est responsable d'une manière ou d'une autre du sous-développement économique des régions du centre-Ouest, du Nord-Ouest, du Sud-ouest… », témoignent-ils. Ces régions sont sous-dotées économiquement, sous-encadrées, sous-représentées politiquement. Ce sont les régions du Sahel qui ont toujours accaparé les postes de décisions au pouvoir déchu. Ils ne sont pas alors prêts à revivre la même expérience, car « nous n'avons rien à perdre », d'après certains qui préfèrent garder l'anonymat. « Je suis Tunisien », tout court. Tunisien comme tous ceux qui ont participé à la Révolution et qui aspirent à un avenir meilleurs basé sur la démocratie, la liberté, la dignité et où la discrimination sera totalement exclue. En fait la crise de confiance touche même certaines personnalités qui sont réputées pour leur intégrité. Il est question notamment, de Me Lazhar Karoui Chebbi, ministre de la Justice. Les accusations contre le président déchu ont déçu les manifestants. « Il se moque de nous, du peuple tunisien. Le président déchu n'a pas été impliqué dans les affaires touchant à la sûreté de l'Etat. Qui a été derrière les massacres contre ce peuple tyrannisé et massacré par les « snipers » ? », demandent-ils ironiquement. Si certains parlent de revendications politiques d'autres mettent en valeur les demandes économiques et considèrent que les solutions présentées jusqu'à présent sont « médiocres ». « Nous ne sommes pas des mendiants. Nous sommes pour la distribution équitable de la richesse et des investissements économiques », appellent-ils. « L'unique usine qui faisait travailler des jeunes à Makthar a été fermée, alors que la zone de Sidi Abdelhamid à Sousse est bourrée de boîtes qui font travailler les jeunes de la région », rétorque un jeune manifestant. Partout d'où ils viennent (Tozeur, Makthar, Kasserine, Kairouan, Sidi Bouzid le Grand Tunis, Mazzouna, Tataouine…), ils ont un seul maître mot, amélioration de la situation et préservation de la Révolution. Mais avec des garanties. C'est ce que demandent d'ailleurs les représentants des comités populaires des participants au sit-in qui ont négocié avec les avocats bénévoles prêts à transmettre leur message et surtout à respecter leurs attitudes. Ils veulent notamment des garanties pour qu'ils ne soient pas agressés ultérieurement par la police politique. Un droit légitime. Sana FARHAT ------------------------------- Revendications et garanties La démocratie est-elle en train de s'instaurer sur des bases solides dans notre pays. Sommes-nous en train de bâtir la démocratie où le dernier mot est au peuple ? Il est clair que c'est oui. Les négociations qui se sont déroulées hier entre les bénévoles et les représentants des comités populaires des participants au sit-in l'on bien prouvé. Il faut dire que les idées ne versaient pas dans le même sens car il y a ceux qui veulent le départ de Ghannouchi, d'autres sont satisfaits du changement introduit au niveau du gouvernement transitoire et certains autres veulent poursuivre le mouvement mais en lui donnant une nouvelle forme et ce en décentralisant le sit-in dans les régions. Voici quelques revendications et propositions déclarées lors des négociations. *Ceux qui sont contre l'arrêt du sit-in menaçaient de paralyser la circulation dans toute la république. Ils considèrent que ce mouvement ne fait pas l'objet de négociation ni de surenchère. *Décentralisation du sit-in aux niveaux local et régional, tout en assurant la coordination à une échelle nationale. Ceux qui sont pour cette idée proposent même de poursuivre ce mouvement tout en reprenant le travail. *Oui pour l'arrêt du sit-in provisoirement le temps de vérifier la crédibilité du gouvernement par rapport aux solutions proposées. *Il faut juger les ministres qui ont été impliqués dans la corruption. *Il faut assurer des garanties pour les participants au sit-in pour qu'ils ne soient pas agressés par la police ultérieurement.