• Menaces de mort, intimidations, 1 Million de dinars exigé pour le 26-26 et…bien sûr les vannes bancaires qui se referment et la matraque fiscale - Contrairement à ce qu'on croyait savoir, le climat d'affaires en Tunisie n'était pas si « clean » qu'il voulait en donner l'air. Face à l'image véhiculée d'un environnement serein, transparent qui fait bon vivre aux investisseurs et hommes d'affaires tunisiens et étrangers, une toile d'araignée se tissait derrière ce grand leurre. En deux mots ceux qui ne se laissaient pas faire et ont refusé de se plier face à l'avidité sans bornes du Clan Ben Ali et ses consorts, ont payé cher leur prise de position. Plusieurs hommes d'affaires ont souffert de la mainmise du clan mafieux sur tous les secteurs d'activités de l'économie et notamment l'immobilier. Certains ont choisi de garder le silence, pour d'autres c'était la ruine. Il y en a ceux qui ont quitté le pays alors que d'autres sont tombés debout. Fathi Dammak, homme d'affaires tunisien et promoteur immobilier a été l'une des victimes des requins. Il livre au Temps son témoignage. Il opère dans plusieurs secteurs d'activité et notamment dans la promotion immobilière et ce depuis 1986. Il gère également des sociétés immobilières à Paris et au Maroc. Il est membre de la Chambre tuniso-française de Commerce et d'Industrie et Administrateur à la Chambre de Commerce de France et du Moyen-Orient sise à Paris. Voici les propos d'un homme d'affaires qui a souffert le martyr sous le règne de Ben Ali. Témoignage. Carrefour Ennajeh « Mon calvaire a commencé en 1997 avec le grand projet immobilier « Carrefour Ennajeh » situé à l'entrée de Chouchet Radès, en face du Palais de justice et du Gouvernorat de Ben Arous. Un projet de 25 millions de dinars couvrant 15000 mÇ avec une capacité d'extension de 35 millions de dinars. Le projet en question comprend des résidences, des bureaux et un centre commercial en plus de places parking. Au début, le projet été conçu pour un R +4 étages. Ensuite et conformément à la volonté et à la suggestion du Gouverneur de Ben Arous, du Délégué et du Maire d'ajouter 2 ou 3 étages, j'ai accepté leur proposition qui s'inscrit dans le cadre de la promotion de la construction verticale. Après une première approbation en date de 17/07/1997, une commission a été constituée le 24/07/1997 en présence du Délégué. La commission m'a attribué un accord de principe sous réserve : béton armé et protection civile. Dès lors nous avons eu recours à un bureau de contrôle spécialisé qui nous a délivré une attestation de conformité aux normes prescrites. « L'extension de deux étages 5ème et 6ème est possible sans objection et sans aucune réserve ». J'ai eu après l'autorisation de construire. Tout a été fait dans les règles de l'art. Cependant, mon cauchemar a commencé en l'an 2000. J'ai travaillé avec l'une des connaissances de Belhassen Trabelsi, Mme Ben Lakhdher qui opère dans le domaine des assurances au titre de mon activité de location des engins de travaux publics. Une fois, elle m'a dit que Belhassen Trablesi souhaiterait s'associer avec moi dans le projet de « Carrefour Ennajeh ». J'ai été surpris par cette demande. Et je lui ai répondu spontanément que je n'ai pas besoin d'une telle association. Dieu sait de quelle façon elle lui a transmis le message. Quelques jours après je l'ai rencontré et il m'a réitéré la même offre, que j'ai refusée bien sûr. Il n'a pas apprécié la chose et après quelques jours l'administration fiscale, il m'a tambouriné avec un redressement fiscal de 1 million, 139 mille de dinars. Outre la matraque fiscale, j'ai eu des menaces de mort par téléphone, toute ma famille était en danger. Ils ont même essayé de tuer mon fils et de le kidnapper. Depuis cette date, mon fils a quitté la Tunisie pour s'exiler en France. Par ailleurs, plusieurs plaintes mensongères m'ont été collées et ils m'ont traîné devant les tribunaux. Heureusement qu'à chaque fois justice a été faite. Après ces actes d'intimidation touchant à la vie même de mes enfants et de ma famille, Mohamed Belghith, le Gouverneur de Ben Arous à l'époque et qui était un ami à moi m'a fait savoir que Abdelaziz Ben Dhia, exige 1 million de dinars au profit du Fonds 26-26. Une demande que j'ai catégoriquement refusée, c'était pour moi insensé de payer une telle somme dans la mesure où je contribuais à financer et à construire gratuitement des projets dans trois gouvernorats du pays. Toutefois je leur ai proposé la construction de 10 à 12 maisons en faveur de familles nécessiteuses et une somme maximum de 400 mille à verser au fonds 26-26. La présidence n'a pas apprécié mes propositions. Et le gouverneur a été immédiatement limogé. Démolition Et bonjour les dégâts ! Après m'avoir donné l'autorisation de bâtir, la Municipalité de Mégrine coiffée par Naziha Mazhoud, m'a signifié une décision de retrait et ce pour examen des questions techniques afférentes au dossier ! Et illico, les agents de la Municipalité se plantèrent pour accomplir leur mission de démolition du 5ème et du 6ème étages. L'image était si dramatique et incroyable, que je me croyais au Kosovo ou en Irak. Ils m'envoyèrent les fameux anti-gangs, la protection civile, les brigades spéciales… C'était vraiment affreux et monstrueux. Et je n'ai pas eu la frousse de publier les calamités de ma mésaventure avec le régime Ben Ali dans plusieurs organes de presse écrite et ce en 2001. Et j'ai même failli apparaître dans un programme de téléréalité (contacté par maître Fathi El Mouldi). Sauf que l'émission a été censurée. Abdelaziz Ben Dhia, Abdelwaheb Abdallah, Abdallah Kaabi, Slaheddine Belaid et Samira Belhaj Khayach étaient tous impliqués. C'était la trappe pour moi. Après une période et appréhendant les actes de vandalisme et de saccage (puisque le projet était presque fin prêt), j'ai procédé avec l'aide de mes hommes à la démolition du bâtiment. 70% ont été démolis par le soin de mes ouvriers. Pour le reste (30%), la Municipalité de Mégrine a adressé une requête à mon encontre pour expertise du coût de démolition. Le coût de l'expertise a été évalué à près de 45 millions. Ensuite et du fait que je n'ai pas accompli les travaux de démolition, le représentant de la Municipalité m'a envoyé la décision suivante à la date du 13 avril 2004 : la municipalité entamera l'acte de démolition en faisant recours à une entreprise privée pour un coût de 473.180,000 mille dinars. A noter que l'entreprise en question appartenait à Khaled Kobbi. Et je devais payer la somme due à la municipalité. En 2004, j'ai contacté ma Banque, le montant du crédit à rembourser a atteint à l'époque 5 millions 310 mille dinars (Plus de 5MDT). J'ai négocié avec ma banque pour obtenir une main levée des clients et j'ai signé avec trois directeurs centraux de la banque un contrat d'investissement de 1,5 milliard et un contrat de consolidation de 4 milliards et 810 millions. Après un certain moment, et au moment où j'attendais le déblocage de l'argent, la banque m'a appelé pour m'informer qu'elle a reçu l'ordre de bloquer mon crédit. Et, depuis j'ai baissé les bras en attendant que justice soit rendue. J'ai poursuivi mes activités au Maroc et à Paris, où j'ai réussi mes projets. Aujourd'hui j'ai entamé les procédures pour recouvrer mes droits et pour reprendre mes projets en Tunisie. Vous savez : pour réussir, un homme d'affaires, a besoin d'un climat sain, de sérénité et de la transparence. Je suis en mesure aujourd'hui de créer plus de 2000 postes d'emplois. Nous, hommes d'affaires Tunisiens nous aimons ce pays et nous voulons le servir, mais nous avons besoin de préalables nécessaires au développement serein et équitable des affaires. Avant tout il faut assainir la maison. »