Par Khaled GUEZMIR - Le RCD parti « dominant » selon la définition du professeur Maurice Duverger (cf. Les partis politiques) vient de rendre l'âme après 23 ans de « surpouvoir » au service d'une dictature totalitaire corrompue et repressvie. Pourtant ce « rassemblement », quel pléonasme… alors qu'il s'est toujours confondu avec la volonté unique du dictateur, était destiné à être l'héritier d'un grand mouvement populaire à sa naissance. Le Destour en 1920. Ce même courant s'est renforcé à partir du 2 mars 1934 sous la houlette de Bourguiba, pour devenir le « Néo-Destour » et a pu ainsi rallier à ses troupes une bonne partie de la classe ouvrière encadrée par l'UGTT du leader syndicaliste Farhat Hached et de la population des campagnes et des petites villes intérieures mobilisées par des « cellules destouriennes » de plus en plus aguerries à la lutte de libération nationale. D'ailleurs ces adhérents des campagnes formeront la base même du corps des résistants armés « Les fallagas ». En fait le Néo-Destour était le véritable et authentique « rassemblement » contrairement au RCD. Bourguiba parlait souvent de la nécessité de préserver « l'unité nationale » (El Wehda al kawmiya), preuve irréfutable de la diversité des composantes de ce mouvement qui allaient des élites intellectuelles héritées du mouvement « jeunes tunisiens » de Ali Bach-Hamba et Abdelaziz Thaâlbi, aux petits commerçants et agriculteurs pour atteindre enfin une osmose parfaite avec le mouvement syndical et ouvrier. Mais c'est à partir des années 60 et avec le congrès de Bizerte de 1964 que le néo-destour, en collant à l'idéologie collectiviste de M. Ahmed Ben Salah alors que ce parti avait une vocation essentiellement « libérale » et populiste, devint une sorte de machine « Parti-Etat » en s'alignant sur les modes de fonctionnement des Partis uniques staliens. C'est depuis cette date que la dérive du PSD (héritier du Néo-Destour) a été totale et totalitaire. Les articulations mécaniques et l'action de ce parti, n'étaient plus orientées vers l'intérêt général, au sens aristotélicien du terme, mais vers la légitimation des choix fortement impopulaires de M. Ahmed Ben Salah, et l'allégeance aveugle à la direction politique du pays. La personnalisation du pouvoir aidant, le pays s'est trouvé bloqué politiquement sous le contrôle total et dominateur d'un système sclérosé, pratiquement « gelé » au niveau fonctionnel et incapable de renouvellement. Le « 7 novembre » a encore accentué cette terrible décomposition du « Néo Destour » pour devenir une sortie d'expression des « phalanges » franquistes espagnoles, dont le seul rôle est de perpétuer l'allégeance au dictateur et sa mafia corrompue. Voilà comment on est passé de « la vie » d'un mouvement héroïque et de combat pour la liberté, à la mort, et à l'instrumentalisation d'une machine, déclassée et moribonde faite pour tuer la liberté et asservir les Tunisiens. A notre humble avis, les anciens destouriens résistants, patriotes et authentiques, ne devraient pas avoir honte d'un mouvement qui a porté haut… très haut même les couleurs de la Tunisie combattante et incarné la volonté farouche et rebelle de la résistance d'un peuple qui a vaincu la domination coloniale, alors que bien d'autres mouvements politiques et sociaux de l'époque, étaient bien amarrés à la « collaboration » avec l'occupant et le système du protectorat. Ils ne devraient pas aussi regretté la disparition du RCD qui a opéré de fait un « hold-up » caractérisé sur toute la mémoire combattante et glorieuse du « Néo-destour ». Bien au contraire ils devraient même traduire en justice les sbires de l'ancien régime et surtout le dictateur pour « vol qualifié » de leur histoire et de leur identité. S'ils ne retiennent que la libération de la Tunisie en 1956 dont le Néo-Destour a été l'artisan, et la construction de l'Etat moderne avec la libération de la femme, le code du statut personnel, la rationalisation de la religion, le développement économique et les acquis éducatifs sportifs et autres, ils n'auront pas à rougir d'un bilan largement positif où la corruption était rare surtout du temps de Bourguiba. Ce qu'il faut aujourd'hui c'est tourner la page définitivement non seulement du RCD mais aussi de l'Etat unanimiste et sans contrôles. Il faut bâtir la Tunisie plurielle et démocratique. Ceux qui restent attachés aux valeurs libérales et sociales peuvent créer d'autres partis ou intégrer ceux qui leur sont proches parmi les partis existants. Mais le nouveau pôle libéral doit être débarrassé de toutes les velléités d'appartenance et d'allégeance à l'ancien régime et à ses « symboles ». On ne fait pas du neuf avec du vieux. L'héritage culturel et identitaire du « Néo-Destour » appartient désormais à l'Histoire ! Elle jugera !