Esseulé, pris dans un guêpier – probablement le sien – Mouammar Kadhafi, battant la breloque avec une guerre civile qu'il livre sans merci à son propre peuple désabusé, finit par instiguer la communauté internationale à passer à l'action. La France fut l'initiatrice. Pourtant, pour Nicolas Sarkozy, il y a danger : le risque de se trouver en mauvaise posture. Car, des représailles provenant des Kadhafi sont déjà claironnées. Désapprouvée par ses pairs de l'Union Européenne, la présidence française, voulant décrocher la timbale, s'agrippe. Pour sa part, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères réussit à convaincre le Conseil de sécurité de l'ONU de voter une résolution en faveur d'une intervention militaire en Libye. Les dés sont dès lors, jetés : l'opération militaire « l'Aube de l'Odyssée » telle que baptisée par les Américains, est lancée en Libye depuis le samedi 19 mars. La France entame les premières frappes aériennes. Objectif : imposer une zone d'exclusion aérienne dans le ciel libyen. Seulement voilà, « l'Aube de l'Odyssée » est sujette à des critiques : certaines figures de la communauté internationale et même de la société civile craignent un nouvel Irak. La coalition, madrée, userait-elle du outil subterfuge de sauver le peuple libyen des griffes de Kadhafi pour préparer le lit à une éventuelle invasion sur le sol libyen ; objet de la convoitise : le pétrole ? La Chine et la Russie n'avalisent guère l'opération militaire en Libye et penchent plutôt pour une solution pacifique. C'est à se demander si face à un Kadhafi dévoyé et souffreteux d'une absence pathologique de tout sens moral, il est du domaine du possible de procéder avec la logique du compromis. Cela relèverait du miracle ! Le paysage cauchemardesque, tel que dépeint aujourd'hui, d'une Libye déchirée par une guerre civile, pourrait laisser présager le pire : la théorie du complot s'invite en fond sonore. A l'instar de l'Afghanistan, il y a de cela une dizaine d'années, suivi de l'Irak, deux années plus tard, la Libye paraît, pour le moment, destinée au même sort. En tous cas, selon certains dires- fondés ou infondés d'ailleurs- les Français seraient, en substance, séduits par les puits de pétrole de la Libye et masqueraient leur convoitise par une sorte de BA (Bonne Action) pour le peuple libyen. On évoque même « un cadeau » que l'Oncle Sam aurait offert à la France, puisque les Etats Unis rassasiés et disons-le « salis » par la guerre qu'ils ont enclenchée en Irak sous, bien entendu, de faux prétextes afin de chaparder au pays des deux fleuves, son pétrole. L'opération « l'Aube de l'Odyssée » est pourfendue et la recherche des fentes est plus que jamais lancée : des rapports sur l'état d'avancement des frappes aériennes françaises relèvent d'appréciations ambivalentes. Tenez : dans le quotidien « Libération », on parle d'un « vrai jeu de massacre et non d'une opération militaire » et l'« International Herald Tribune » parle d'un « carnage ». Jusqu'à nouvel ordre, l'Elysée dément toute atteinte de cibles civiles par les Rafales français. Aussi, la France n'a-t-elle pas assuré qu'il n'y aura pas d'intervention sur le sol libyen. D'ailleurs, Laurent Teissere, porte-parole du ministère français de la Défense a insisté sur le fait que les opérations militaires françaises n'ambitionnent qu' «un seul objectif, celui de protéger les populations civiles en mettant en œuvre le mandat de l'ONU». Mais encore, et face aux multiples incertitudes quant à l'évolution des frappes militaires, un fait apparaît tel un dogme : Paris, Washington et Londres maintiennent leur position quant à la résolution de l'ONU excluant tout déploiement de troupes alliées au sol. Dans le monde arabe, les avis sont de même entremêlés : une sphère juge l'intervention militaire française salutaire ; une autre rumine encore le traumatisme de l'Irak. Leur doute est on ne peut plus légitime. Car, voyez-vous certaines questions se posent d'elles mêmes et dont la réponse peut conduire à de véritables tempêtes sous crâne. Voici un exemple : au Bahreïn, il se produit, avec quelques réserves, un carnage semblable à celui de la Libye. Pourtant, la communauté internationale, celle-là même qui a décidé de retrousser ses manches pour repêcher la Libye, décide de végéter face au massacre des Bahreïnies. Défaut de moyens ou défaut de conscience ? La question demeure posée. Et puis, le monde arabe pense qu'il aurait été plus judicieux et plus cohérent que les armées des pays arabes prennent en charge cette opération militaire. Au moins, à ce niveau, nous ne pouvons nous avouer poltrons de revoir se dessiner le même scénario d'un nouvel Irak et nous ne pourrions nous en prendre qu'à nous-mêmes si, par malheur, l'opération avortait. Mais, la réaction des chefs d'Etats arabes quant à pareilles décisions s'est depuis toujours limitée à la « condamnation ». D'ailleurs, le contraire nous aurait étonnés. Passons…la question est bien plus complexe. En tous cas, nous ne pourrons pas blâmer la France et compagnie d'avoir bougé pour tenter de défendre le peuple libyen de la tyrannise de Kadhafi. Car trop facile de lancer des invectives à l'encontre de la coalition quand on n'a pas d'alternative à proposer. Nous sommes vraiment loin de l'Amérique de George W. Bush pour qui, nous n'avons d'ailleurs aucune mansuétude pour le cataclysme en l'Irak. Et puisque nos chefs demeurent fixés sur leur stoïcisme -quasiment scandaleux- accordons le bénéfice du doute à la France de Sarkozy et à l'Amérique d'Obama. Etre spectateur meurtri du foutoir de Kadhafi ne vaut pas mieux, de toute façon. Bien sûr, nous ne pourrions dissimuler notre frousse de voir en Libye un nouvel Irak. Et c'est légitime. Maintenant, et n'ayant entre les mains aucune autre solution de rechange, livrons-nous à notre ultime et singulier espoir : la prière pour la Libye et son peuple.