L'Association des Cinéastes Tunisiens ( bureau provisoire) et l'Association des réalisateurs tunisiens, qui vient de déposer ses statuts, ont invité certains journalistes le mardi 3 mai au 7ème Art, à une sorte de point de presse informel pour annoncer la naissance de cette nouvelle structure de cinéastes, faire un état des lieux des problèmes qui se posent à la profession, et assister en avant-première à la projection du film de Habib Mestiri, « Images saccadées », en présence de la quasi totalité des réalisateurs et de beaucoup de professionnels du cinéma. Mounir Baaziz, au nom de l'ACT (bureau provisoire), énumère les revendications à traiter en urgence, l'avancement des discussions avec le ministère, et annoncer certains acquis. Statuts des intermittents du cinéma, mise en place d'une commission d'aide à la production, déblocage des subventions pour les films à l'arrêt depuis janvier 2011, établissement de contrats de travail pour tous les techniciens employés pour un film, commande d'une quinzaine de courts métrages pour les jeunes producteurs et réalisateurs, réhabilitation des salles de cinéma et interdiction d'utiliser ces lieux comme espaces de commerce. Puis, Nouri Bouzid prend la parole pour informer l‘assistance des menaces de mort proférées à son encontre par un chanteur devenu sympathisant islamiste, un dénommé « Psycho-M », lors d'un meeting d'Ennahdha le 17 avril, en présence d'un dirigeant de premier ordre de cette organisation. Le chanteur en question dit à propos de Nouri Bouzid qu'il « faut lui tirer dessus à coups de Kalachnikov ». Et la salle de hurler « Allahou Akbar ». Bouzid annonce qu'il porte plainte et tous les présidents d'associations, fédérations, présents se sont engagés oralement de se porter partie civile à ces côtés, d'autant plus que Nadia El Fani et Sghaïr Ouled Ahmed ont eux aussi faitl'objet de menaces directes. Leila Toubal est intervenue pour dire de façon concise et précise l'urgence de créer un front culturel pour faire barrage à ce danger de plus en plus menaçant et porter ainsi plainte de façon collective. Elle a rappelé que partout les premières cibles de ces mouvances sont les intellectuels, les artistes et les femmes.
Brouhaha
Khaled Barsaoui, B. Letaif, Mourad Ben Cheikh, prennent ensuite la parole pour rappeler que l'Association des réalisateurs Tunisiens a déposé ses statuts en 2005, et a refait les démarches en avril 2011. Elle est dirigée actuellement par un bureau provisoire en attendant l'AG élective de juillet prochain. Le but est de rassembler les réalisateurs tunisiens, faire connaître leurs films, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, aider les jeunes réalisateurs et leur éviter les méandres qu'ils ont connus. D'un coup, le point de presse informel, se transforme en un débat soutenu inter-réalisateurs, une véritable cacophonie, sur la nécessité d'une telle nouvelle organisation, la place des « producteur-réalisateurs » dans cette association, des divisions, des accusations à peine déguisées, des croche-pieds en douce même, peu dignes d'une telle assemblée qui rassemblait, faut-il le rappeler, la presque totalité des réalisateurs. Un charivari décevant, un débat, certes nécessaire, mais qui aurait dû avoir lieu bien avant cette réunion complètement avortée. Une seule et unique question a été posée…. !!!Pratiquement l'ensemble des journalistes a quitté la salle, et une partie est revenue pour voir, en avant première, le film de H. Mestiri, « Images saccadées ». Selon l'auteur, le film « Images saccadées » est « en route » depuis 2006. Des documents d'archives détériorées mais miraculeusement ressuscitées, des images et des bouts de films d'amateurs, connus ou pas, des images libres. La caméra nous entraîne derrière A. Harzallah, une balade à travers rues et ruelles de la capitale, des flash-back, des allers-retours de la couleur contemporaine au noir et blanc d'antan, mais toujours à l'esthétisme unique, H. Mestiri nous fait vivre, ou revivre, toute l'histoire du cinéma amateur tunisien qui a formé tant de réalisateurs, producteurs, techniciens, qui occupent aujourd'hui le devant de la scène ou qui sont rentrés dans l'anonymat protecteur. Une rétrospective émouvante, en plus de cette intrusion lointaine dans des lieux mythiques du cinéma amateur, ce vieux Kélibia, l'école primaire , l'Ecole de pêche, le siège du Club de Gabès, la redécouverte de visages, de personnages, de personnalités politiques, des évènements de l'époque, de la simplicité des choses et du matériel, du pays aussi. Beaucoup de naïveté de certains dans les démarches hésitantes des premiers moments, des premières manipulations d'un matériel devenu aujourd'hui des pièces de musée, un apprentissage sur le tas. Des bouts de films sensuels. Des luttes et des combats idéologiques aussi, à peine effleurés dans le film, alors qu'ils furent le moteur de l'évolution du cinéma amateur en Tunisie. Un film à l'esthétique élégante, un film qui ne se raconte pas, mais qu'il faut voir. Le combat majeur des cinéastes aujourd'hui :que les films tunisiens, tous, navets ou pas, sortent de leurs boîtes de fer blanc, réapparaissent au grand jour, pour redonner vie aux salles obscures.