Par Ameur KADRI* - Tous les Tunisiens s'accordent sur la consécration du déséquilibre régional par toutes les politiques de développement initiées depuis l'indépendance et accentuées d'une manière préméditée pendant les vingt trois dernières années par le régime mafieux qui a spolié les richesses des régions sans contrepartie. Le résultat étant une situation dramatique dans pratiquement la moitié du pays, accentuée à l'extrême dans les régions du Centre Ouest ainsi que les régions frontalières. En effet, tout reste à faire dans ces zones en particulier : - la limitation de l'exode vers les régions plus développées qui conduit en particulier à vider les zones déjà défavorisées de toutes les compétences humaines indispensables à leur développement. - L'amélioration du cadre de vie permettant de drainer le minimum de compétences humaines indispensables à la survie de ces régions (médecins, ingénieurs, cadres divers…). - L'animation du désert culturel vécu par toutes les délégations de ces régions - Une révolution au niveau des infrastructures de base indispensables à tout développement (routes, pistes agricoles, chemins de fer, assainissement, eau potable, …) - La résorption même partielle du chômage des jeunes et moins jeunes dans tous les secteurs Les solutions permettant d'atténuer l'ampleur de ce mal doivent émaner de la base pour remonter ensuite vers les instances centrales de décisions au niveau du gouvernement et ce contrairement à ce qu'on continue à appliquer jusqu'à nos jours. L'exemple de la dernière intervention désordonnée de huit ministres au niveau du gouvernorat de Sidi Bouzid, qui a créé plus de problèmes qu'elle n'a proposé de solutions concrètes, est édifiant. Il y a lieu de ce fait de procéder dans l'immédiat à : - la création d'un conseil de développement régional par gouvernorat regroupant les représentants des délégations de ce gouvernorat, les représentants régionaux des différents ministères, ceux des associations les plus représentatives, des organismes syndicaux et quelques compétences indépendantes. Ce conseil doit avoir des représentations par délégation et aura pour principal rôle la collecte des doléances des citoyens, le tri et la mise en ordre par priorité des projets proposés au niveau des comités des délégations et leur présentation aux instances centrales du ministère du développement régional qui se chargera de les défendre et de les concrétiser auprès des autres ministères et organismes concernés (bailleurs de fonds, différents corps d'état,…). Une fois ce travail accompli, un ministre pourra se déplacer pour annoncer et concrétiser les différents projets retenus. Ces réunions peuvent avoir une cadence trimestrielle avec une obligation de résultats contrôlée par le ministre lui-même. - La mise à niveau dans toutes ces délégations à besoins urgents de messieurs les délégués qui doivent avoir un minimum d'expérience en gestion économique et développement permettant ainsi d'orienter les compétences locales vers des activités lucratives dans la région et d'être le meilleur parrain et catalyseur du conseil local de développement. Nous pensons que ces délégués doivent être impérativement des personnes expérimentées détachées des différents ministères pour une période déterminée avec des avantages conséquents du fait de leur mission. Il ne faut surtout pas affecter de jeunes délégués sans aucune expérience dans ces zones difficiles. Ce qui est le cas actuellement pour la plupart des régions défavorisées selon le dernier remaniement des délégués qui est à revoir dans son ensemble. - L'implantation des services des divers corps d'Etat (Steg, Sonede, PTT, ONAS,…) par délégation ce qui permet de mieux servir les citoyens et de leur éviter les souffrances des déplacements au siège du gouvernorat pour des services d'utilité publique de proximité. A court et à moyen termes, il y a lieu de procéder comme suit : 1 – l'engagement d'un plan Marshall au niveau de l'infrastructure de base indispensable à tout développement futur de l'investissement y compris l'infrastructure sanitaire. Ces investissements lourds ne peuvent être réalisés que par l'Etat. 2 – La mise en place de cartes de développement par délégation basée sur le principe : une région -un produit et sa mise en application. 3 – Une plus grande implication des organismes financiers de toutes sortes dans l'identification des projets et le financement des PME par des crédits subventionnés au taux du marché monétaire ou même au taux zéro. Les intérêts et autres frais seront supportés par l'état ou accordés sous forme d'avantages à ces organismes. Une implantation d'un pool de développement (banques, sicars, guichet unique…) par gouvernorat est indispensable et des organismes de micro crédits du type association ENDA de développement local par délégation est très utile. 4 – l'instauration d'un code d'incitation aux investissements spécifiques à ces zones avec des encouragements conséquents que se soit à l'amont par des réductions des taux d'intérêts des crédits ou à l'aval par des abattements significatifs au niveau de l'impôt. 5 - Le développement de technopole spécialisé dans les spécificités de chaque gouvernorat sans double emploi avec les autres régions. 6 – L'initiation d'au moins une foire économique annuelle par région, spécialisée dans le développement des produits de la région ( ex foire de produits marbriers à thala, de l'agriculture à Sidi Bouzid,…). 7 – Le développement de l'information régionale (radios, journaux, TV,…) par un encouragement très marqué de l'état ce qui assure une meilleure décentralisation. 8 – L'encouragement et l'appui à l'organisation de manifestations culturelles par région et la création de centres d'art locaux par délégation et des salles de cinémas ou similaires indispensables à donner un sens à la vie dans ces régions. 9 - Le développement de complexes universitaires par gouvernorat est indispensable pour rehausser le niveau global de l'activité citoyenne dans ces régions. 10 – Au niveau social, il y a lieu de mieux optimiser l'intervention des services des différentes administrations régionales et de les appuyer par l'apport de compétences privées ou des administrations centrales dans la cadre de contrats programmes à objectifs précis tels que : l'intégration de la femme rurale dans le circuit économique, l'animation culturelle des zones rurales par le biais de programmes ambulants périodiques, l'assistance et le suivi périodique des personnes à besoins spécifiques etc. Le tout étant suivi et contrôlé périodiquement dans le cadre des réunions du conseil de développement régional. * Ingénieur – Homme d'affaires