Par Khaled GUEZMIR - En ce moment tout le monde a l'air de prendre très au sérieux « la politique » parce que depuis l'antiquité on en a fait cet « art suprême » lié à l'exercice du pouvoir. Mais avec une certaine relativité combinée à un zeste d'humour pour aider à la décontraction, on finit avec la célèbre journaliste française : Française Giroud, devenue ministre de la République à ses heures, par comprendre que le pouvoir n'est en fait qu'une « illusion » ! L'Imam Ali Ibn Abi Taleb, 4ème Calife du Prophète vénéré Mohamed l'aurait traduit par cette phrase sultanique et tranchante : « Law damat lighayrika… lama alet ilyak » (si elle avait duré pour les autres… elle ne serait pas arrivée jusqu'à toi…). Le Calife abasside, très célèbre, Haroun Arrachid, avait coutume de regarder le ciel pour scruter les nuages et dire : « Amtiri haythou chiiti… fa inna kharajouki li » (Pleut où tu veux… ton revenu m'appartient) façon de rappeler l'étendue de son empire et de sa fortune mais aussi que lui seul possède l'Etat ! Ceci nous amène à cette dérive qui ne date pas d'aujourd'hui, et qui a fait que le pouvoir dans les pays de despotisme et même d'ailleurs, est une source considérable d'argent. Un journaliste bien vicelard m'avait dit du temps du dictateur Ben Ali : « Mon cher ami celui qui veut faire fortune dans ce pays n'a qu'à faire un coup d'Etat et prendre le pouvoir… C'est le chemin le plus court et le plus efficace ! ». Evidemment, notre confrère ne soupçonnait pas la capacité de ce peuple, très patient et foncièrement bon à s'insurger et finalement à chasser Ben Ali comme il l'a fait avec bien des dictateurs à travers sa longue histoire. Et puis, toutes ces richesses accumulées illégalement que valent-elles devant le jugement sans appel de l'Histoire ! Aux dernières nouvelles l'ancien président Moubarak et son épouse Suzanne dont la fortune spoliée au peuple égyptien avoisine, selon les estimations les 70 milliards de dollars auraient proposé de céder toutes « leurs » fortunes à l'Etat égyptien contre leur libération… Mais même dans ce cas, ils ne pourront jamais effacer ce que l'Histoire a déjà classé et retenu d'eux, à savoir une famille du début du 3ème siècle de l'ère chrétienne qui s'est servie de l'Etat et de ses rouages pour s'enrichir indûment. Le grand Ramsès II, Pharaon d'Egypte, doit être bien triste en ce moment ! La véritable fortune est ailleurs aussi bien pour les hommes politiques qui aspirent à l'exercice du pouvoir que pour les collatéraux véreux qui s'associent à eux. C'est ce qu'Aristote appelle « l'aisance modeste » et ce que la tradition musulmane désigne par « Al Kanaâ ». Ce concept est d'ailleurs, difficilement traduisible dans les autres langues y compris la langue de Voltaire, parce qu'il est lié à un mode de vie et à la « Sira » du Prophète vénéré Mohamed, dont le comportement social alliait la modération, la sobriété et la modestie. Notre espoir c'est de tourner définitivement la page de la dictature qui s'est accompagnée depuis 1987 par la corruption dans les hautes sphères de l'Etat. Si pour garantir la liberté et la démocratie il faut une constitution qui limite les pouvoirs et spécialise les institutions, pour la bonne gouvernance et la protection des deniers publics, il nous faut une charte, un code d'honneur et des lois appropriées. Mais, dans tous les cas, le choix des hommes est essentiel. Les Tunisiennes et les Tunisiens doivent être exigeants et suffisamment prudents pour interpréter les futurs candidats au pouvoir et éviter de nouvelles dérives. Encore une fois « Al Kanaâtou Kenzan la Yafna » ! (La modération est un trésor impérissable ». L'Etat doit être la propriété exclusive des citoyens et plus jamais celui d'un dictateur ou d'une caste !