Aujourd'hui, à Montfleury, se réunit la Direction Centrale des Recrutements de la SONEDE avec le Syndicat Général du secteur. L'ordre du jour de la réunion c'est l'étude de 800 cas d'employés de sous-traitance se répartissant comme suit : 550 gardiens et 250 ouvriers de ménage. Les deux parties, la direction et le syndicat vont discuter de leur intégration au sein de la société dont ils représentent le 1/6 du personnel. La loi du 18 février a décrété la suppression dans le secteur public de la sous-traitance qui est jugée un corps étranger au monde du travail, étant donné qu'elle ne répond à aucune de ses conditions, elle ne respecte aucunement sa législation. « On traitera humainement la question de ces travailleurs dont on intégrera quelques uns et on recrutera le reste dans d'autres services, a affirmé Monsieur Habib Jemâa, le directeur de la direction. L'intégration se fera en fonction de l'ancienneté en ce sens que la priorité sera donnée à ceux qui sont là depuis quatre ans, les autres seront intégrés à titre temporaire, a poursuivi le responsable ». L'abnégation Ceux qui nous intéressent particulièrement ici sont les seize gardiens de la SOGEGAT du barrage de Béni Mtir limogés depuis mars 2010. Sans leur abnégation et leur vigilance, ce dernier aurait connu un sort dramatique, d'après les témoignages des habitants. Ils se sont mobilisés pour le protéger en prenant des risques démesurés oubliant leur limogeage et leur misère. Par leur acte héroïque, ils ont fait éviter une catastrophe au pays : ce barrage ravitaille plusieurs régions du nord dont la capitale. On garde la mémoire des rumeurs qui nous ont terrorisés pendant les premiers jours de la Révolution et selon lesquelles l'eau serait empoisonnée, et on a même annoncé des cas de décès. Si cette tragédie n'a pas eu lieu c'était grâce aux soldats du pays qui ont veillé au grain et ont déjoué les plans des milices du régime déchu qui semaient la terreur parmi la population. Le manège avorté Nos soldats de Béni Mtir ont été remerciés après six ans de travail. Ils observent depuis le mois de janvier un sit-in devant le service de production local de production de la SONEDE où ils ont installé une tente de fortune en lambeaux incapable de les protéger contre la pluie, le froid et la chaleur, elle est l'enseigne de leur misère. D'après eux, la décision n'était pas du tout motivée, elle était discrétionnaire voire même discriminatoire : la révocation était abusive et ne se justifiait pas par des considérations d'ordre professionnel, en termes clairs, ils n'étaient pas de trop mais plutôt indésirables, puisqu'on leur a préféré d'autres : les enfants de la maison. Les sitinners ont précisé que le secrétaire général du syndicat était sur le point d'engager douze ouvriers tous fils de fonctionnaires qu'il comptait faire payer pendant neuf mois par la Délégation après quoi il les intégrerait dans la société, ce projet était avorté par le sit-in qui a obligé la direction centrale à intervenir et arrêter ce manège. Ce même responsable syndicaliste leur a proposé de s'inscrire dans les chantiers pour se débarrasser d'eux définitivement, ont-ils soutenu. La connivence Ils accusent non seulement le syndicat de base mais aussi le Syndicat Régional de Jendouba, des connivences les lient tous les deux: le Ministère de l'Agriculture les aurait informés que ces deux instances prétendent qu'ils ne représentent pas des cas sociaux en raison de leur statut de célibataire, chose qu'ils ont démenti en partie, car certains parmi eux sont mariés. Et même dans le cas où ils le seraient tous, cela ne donne pas le droit au syndicat de les écarter et ce pour deux raisons, ont-ils ajouté : la priorité donnée aux cas sociaux est à leur avantage, puisqu'ils le sont, ils n'ont aucune ressource et entretiennent leurs familles très nécessiteuses. D'autre part, les enfants des syndicalistes qui allaient être recrutés sont tous célibataires. Un autre a utilisé des moyens très malhonnêtes pour se débarrasser d'eux plus facilement, selon leurs affirmations. Il s'agit de l'ex président de la cellule du RCD, il les aurait encouragés à commettre des actes de sabotage en les incitant à fermer le robinet et priver ainsi d'eau les habitants de plusieurs régions, ce qui les mettrait bien entendu dans une mauvaise posture et leur ferait perdre tout droit. Une relation vitale Les ex employés de la SOGEGAT n'étaient pas que des gardiens, ils accomplissaient plusieurs tâches dont le pompage, le traitement, le désherbage, ils assuraient pratiquement les mêmes services que les agents de la SONEDE, et ils travaillaient dans une cabine non sécurisée où ils étaient exposés en permanence à des courts-circuits. Malgré ces conditions de travail très difficiles, ils n'ont épargné aucun effort pour veiller au bon fonctionnement du barrage qui représente pour eux une source de vie et avec lequel ils entretiennent des rapports quasi religieux. Le quitter serait synonyme, pour eux, d'exclusion sociale et de perdition. En signe de reconnaissance, ils tiennent vivement à adresser un grand remerciement au Colonel de la caserne militaire de la région pour la sympathie et le soutien qu'il a manifestés à leur égard : il était le premier à faire entendre d'eux, à faire parvenir leur cause jusqu'aux responsables de la SONEDE et ce depuis le 16 mars 2011. Des promesses et des attentes Monsieur Jemâa, le directeur des recrutements a promis d'en intégrer aux environs de 30/00 pour le moment, et d'essayer de trouver des solutions pour le reste en les dirigeant provisoirement vers d'autres services, par exemple. Les considérations humanitaires doivent prévaloir en ce moment révolutionnaire, a-t-il rassuré, bien qu'ils ne soient pas concernés par la mesure gouvernementale relative à la suppression de la sous-traitance, étant donné qu'à la date de son entrée en vigueur, ils n'étaient pas en activité, le contrat qui liait la SONEDE à la société à laquelle ils appartenaient était résilié depuis mars 2010, a-t-il rappelé. C'est l'avis de la direction, qu'en pense le syndicat ?