L'autorisation de la baignade à la plage de Sfax, annoncée comme une délivrance ou une nouvelle extraordinaire n'a jusqu'à présent pas eu le retentissement attendu auprès de la population. C'est d'autant plus paradoxal que cette autorisation rompt avec trente-trois ans de sevrage qui emplissait les gens de dépit voire même de ressentiment contre le laxisme des autorités accusées d'indifférence pour ne pas dire de désintéressement total vis-à-vis du désappointement causé par la fermeture des plages de la ville. Mercredi dernier, point de baigneurs ou presque. De quoi mettre cette désaffection sur le compte de la suspicion quant à la crédibilité des résultats des analyses faites par les autorités sanitaires. Il y a en fait du vrai dans cette explication. Mais nombre de citoyens y trouvent une autre justification. Un chauffeur de taxi-place se montre à ce propos assez volubile : « La désaffection des citoyens est à mettre sur le compte de la peur, habités qu'ils sont par le sentiment d'insécurité nourri par les histoires de braquage, de cambriolage de domiciles, de vols de voitures et de rackets. On ne se risque plus à laisser la maison sans surveillance. Il faut toujours quelqu'un pour garder les lieux. Et puis, avec les histoires qui courent sur des braquages en plein jour, à quoi bon courir le moindre risque ? ». Il faut dire que de pareilles histoires nombreuses, d'ailleurs, se répandent comme une traînée de poudre, gonflées au passage par la rumeur. En effet, l'obsession est bel et bien présente à Sfax. Sa persistance est à prendre au sérieux vu ses retombées même sur les fêtes de mariage, la foire internationale de Sfax, véritable ballon d'oxygène pour l'économie régionale, et les festivals. Derrière cette désaffection, il y a aussi le baccalauréat et la période des examens pour les écoliers du primaire ainsi que les impressions peu laudatives quant à l'état de la nouvelle plage, communiquées par ceux qui ont été déjà tentés par la baignade. Déjà, dès qu'on quitte la route goudronnée, l'on est frappé par l'austérité, voire la laideur du paysage, à commencer par les pistes d'accès, à certains points difficilement carrossables. En matière de plage proprement dite, c'est une bande filiforme bordée par un liséré assez élevé de varechs, et qu'on ne peut fouler sans avoir mis les pieds sur la couche de remblai, non pas de sable fin, comme l'on serait tenté de croire, mais de bris de coquillages peu cléments pour la plante des pieds, pour ne pas dire trop rugueux et contendants pour les pieds des enfants. Outre les pierres, la bande de « sable » et le bord de l'eau sont parsemés çà et là de pierres. Mais le plus inquiétant, ce sont parfois les tessons de bouteilles brisées sans doute à la fin des beuveries. A ce propos, un père de famille, rassuré par notre discussion courtoise avec un groupe de jeunes du voisinage qui faisait trempette et pêchait avec des filets, est descendu de sa voiture, où il avait pris soin de laisser sa femme et sa fille, pour un brin de causette qui a fini par un véritable réquisitoire contre l'état de négligence, source de risques pour les baigneurs potentiels. Car il y a bel et bien des risques de toutes sortes, particulièrement dans l'eau : « Regardez, s'écrie un jeu homme athlétique, les jambes enfoncées dans la vase, à peine à trois mètres du bord de l'eau, c'est du sable mouvant ! Je me demande comment s'en sortirait une personne obèse ! » Puis, joignant le geste à la parole, il simule l'enlisement, se faisant « désembourber » par l'un de ses copains, les pieds plantés sur un endroit plus ferme. En fait, ce n'était pas vraiment une plaisanterie car il avait l'air de patauger carrément. C'est alors, l'occasion pour le père de famille d'abonder sur le sujet de l'insécurité. « Insécurité à l'intérieur de l'eau mais surtout, la nuit sur toute la plage. A supposer qu'une famille parvienne à surmonter sa peur et qu'elle soit tentée par une veillée au bord de l'eau, histoire de chercher un brin de rafraîchissement, comment peut-on jurer de sa sécurité alors que l'endroit est infesté de soulards. Tenez, il n'y a qu'à voir les canettes de bière ou les tessons de bouteilles. », Et de prendre à témoin le groupe de jeunes baigneurs qui ont confirmé l'attaque récente de gardiens de nuit par une bande de voyous armés d'épées et autres armes blanches. En somme, la plage encore déserte offre une vue peu avenante, même si elle est débarrassée de ses mauvaises odeurs anciennement caractéristiques et que la surface de l'eau est parcourue par une succession d'ondulations qui rappellent légèrement le mouvement des vagues. En effet, certains endroits sont encore occupés par les filets des pêcheurs dont les barques sont stationnées dans une crique apparemment artificielle figurant un port de fortune, assez hideux et malpropre. Il s'agit d'un obstacle de plus pouvant retarder l'aménagement du tronçon pour être strictement réservé aux baigneurs. Et si les pêcheurs refusaient d'évacuer les lieux ? Par quoi s'explique cet état « d'abandon » relatif ? C'est que jusqu'à présent, en matière d'administration de la plage, c'est tout simplement le flou artistique : on ne connaît pas encore la partie ou l'institution chargée de la gérer, pour des raisons croyons-nous savoir, liées à des problèmes et d'interférences fonciers encore en suspens !!! Pour le moment, bousculée par le temps, « la société d'études et d'aménagement des côtes nord de Sfax, doit mettre les bouchées doubles pour parer au plus pressé, avec une priorité absolue pour le volet sécuritaire, à commencer par l'installation de balises, la canalisation des gens, le sauvetage etc.. d'ailleurs, nous sommes en train d'aménager un rond-point giratoire au niveau de la ceinture Bourguiba pour faciliter l'accès à la plage et pour d'autres mesures, on verra plus clair à l'issue de la prochaine réunion à l'hôtel de ville », assure M. Mohamed Gouider, le nouveau pdg, fraîchement débarqué. Mais avec quel vis-à-vis va-t-il traiter en l'absence de conseil municipal ? Sachant que la nouvelle équipe s'est constituée depuis longtemps, il est vraiment étonnant de constater que le décret-loi portant publication de la liste nominative tarde à être publié !!!?? Le paradis des sports nautiques Le jour de l'inauguration de la plage, le ministre du Transport et de l'Equipement, M. Yassin Ibrahim, champion de Tunisie de natation en 1988, a tenu à rassurer les Sfaxiens, par une baignade à laquelle se sont joints ses accompagnateurs. Les présents ont assisté par la même occasion à une parade regroupant cinq optimistes appartenant au Club Nautique de Sfax. En effet, outre le tronçon réservé aux baigneurs, une seconde zone est ouverte aux sports nautiques. « Le club a tenu à être présent pour se signaler à l'attention des citoyens de Sfax en général et les adeptes des sports nautiques en particulier qui ont la possibilité désormais de s'adonner librement à leurs activités sportives préférées après le blocage subi par le club ainsi que d'autres associations sous le mandat de l'ancien conseil municipal de la ville qui ne se sentait pas concerné par l'animation culturelle et sportive dans la cité. Le Club Nautique de Sfax s'était déjà inscrit dans cette dynamique d'animation à travers une action d'animation même symbolique de l'ancien port de Shat El Kreknah, et de toutes les plages de la côte de Sfax, étant donné qu'il n'a pas la prétention de se substituer à tous les opérateurs professionnels désireux de concevoir des projets d'animation touristique dans la ville, de jeter les bases d'un port de plaisance dont le potentiel attend confirmation et de créer au centre-ville de Sfax, l'animation souhaitée à l'instar des exemples de Bizerte, de Sète et de Marseille », souligne le docteur Néjib Ghorbel, vice-président du CN de Sfax.