Islamisme, solution au chômage… impérialisme occidental Dimanche soir, Tunis (et sans doute toutes les autres villes du pays) a vécu diversement la prise de Tripoli et la chute de Mouammar Kadhafi. Depuis la veille déjà, on suivait avec beaucoup d'intérêt la progression des rebelles en direction de la capitale libyenne. Mais avant-hier, juste après le journal de 20 heures 30 sur la Nationale 1, le sort du colonel Kadhafi et de ses troupes était quasiment scellé pour une large partie des gens que nous croisions dans le métro et sur l'Avenue Habib Bourguiba. Dans les cafés, les discussions tournaient presque toutes autour de la marche victorieuse des rebelles sur Tripoli. On était quasiment sûr que le régime de Kadhafi était à quelques heures seulement de sa fin. C'était même trop optimiste puisque, le même soir, dès avant 23 heures, un groupe de Libyens et de Libyennes organisa une manifestation spontanée qui traversa l'Avenue de France en direction de l'Avenue Bourguiba. On avait annoncé à la radio et sur certaines chaînes de télévision arabes la fuite de Kadhafi et l'arrestation de deux de ses fils. Tout autour des manifestants, on entendait quelques cris de soutien, des applaudissements et des sifflets aussi. Pour leur part, les commerçants de la zone ainsi que les marchands de rue s'inquiétaient plus pour leurs vitrines et leurs étals que pour l'avenir de la Libye. Les garçons de café se préparaient à ranger les tables et les chaises les plus exposées. Mais la manifestation ne dura que quelques minutes et se déroula sans heurts ni grabuge. Plus loin, du côté de la grande horloge de l'Avenue, un petit cortège de voitures libyennes se mit à klaxonner pour fêter la chute de Kadhafi. Un groupe de jeunes étudiants tunisiens donna de la voix en même temps et célébra l'événement avec des chants et des danses. Entre optimistes et pessimistes A la sortie des mosquées après la fin des « Taraouih », nous avons remarqué que beaucoup de fidèles demandaient des nouvelles de la Libye et de ses rebelles. Ils en reçurent de bonnes et certains renoncèrent à rentrer tout de suite chez eux pour s'attabler au café le plus proche et commenter les informations collectées. Les réactions que nous avons enregistrées oscillaient entre satisfaction, joie et appréhensions : un quinquagénaire tunisien rentré de Libye après le déclenchement de la crise s'est dit soulagé après la chute de Kadhafi: « Je pense déjà à revenir à Tripoli au début de la semaine prochaine pour rouvrir ma boulangerie. C'est tant mieux pour moi parce que j'ai beaucoup galéré ces derniers mois. C'est également un bon dénouement pour nos deux peuples, surtout pour nous autres Tunisiens qui confrontons le chômage de plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes. ». Dans son voisinage, on se félicitait tout autant de la victoire des rebelles et l'on parlait surtout du sort de la région après le départ de Kadhafi : « il n'est pas certain, remarqua un jeune barbu tout de blanc vêtu, que dans les mois à venir l'Algérie et le Maroc restent encore à l'abri d'une révolution pareille à celle qui a renversé le colonel Kadhafi. L'heure des Islamistes du Maghreb a sonné. Il ne faut surtout pas rater ce rendez-vous avec l'Histoire ! ». Non loin de là, trois autres clients, probablement des intellectuels engagés politiquement, envisageaient des scénarios plutôt pessimistes concernant l'après Kadhafi en Libye et au Maghreb : « Là où des forces impérialistes sont intervenues, on n'est jamais arrivé à réinstaurer la paix, dit l'un d'eux. Nous avons l'exemple de l'Afghanistan et de l'Irak. Les troupes de l'OTAN ne sortiront plus de Libye et notre voisin du Sud risque d'être divisé au moins en trois territoires soi-disant indépendants et ce, selon des plans préétablis par les Américains et leurs alliés. ». Abondant dans cette lecture de la crise libyenne, ses deux compagnons émettent leurs craintes quant à la fiabilité du régime qui remplacera la dictature de Kadhafi : « ceux qu'on appelle rebelles sont en réalité des mercenaires à la solde des forces occidentales. Ils ne pourront que continuer à servir les intérêts de leurs maîtres à qui ils cèderont la principale richesse de leur pays, c'est-à-dire le pétrole. La Libye de demain reconnaîtra Israël et normalisera ses relations avec l'Etat sioniste. Toute cette « révolution » cache un projet diabolique qui profitera certainement aux grands lobbies de ce monde. Demain, ce sera le tour de la Syrie. Plus tard l'Algérie, pour son pétrole évidemment ! La crise actuelle des impérialismes occidentaux sera résolue en grande partie grâce à un nouveau partage du monde et de ses richesses. Les Islamistes qui prendront le pouvoir en Libye ou ailleurs sont déjà apprivoisés et prêts à conclure un marché avec les colons du XXIème siècle. Nous avons comme le sentiment que le printemps arabe est une grande supercherie. Ce qui se passe en Libye ne laisse presque pas de place au doute à ce sujet. ». Printemps ou automne arabes ? Il faut reconnaître tout de même que ce genre de discours ne prévalait pas dans toutes les assemblées. Dans un autre café du centre-ville, nous avons entendu des commentaires moins alarmistes et qui ne versaient pas non plus dans l'optimisme et le triomphalisme infantiles : comme au sein de ce groupe d'enseignants du secondaire et de l'université unanimes à penser que le renversement de Kadhafi ne peut être perçu que comme une bonne chose pour le peuple libyen, à condition bien sûr que cette révolution débouche sur la construction d'un état et d'institutions véritablement démocratiques. Ces professeurs préfèrent attendre pour juger des intentions des rebelles qui ont renversé le régime de Kadhafi. Ils espèrent que le peuple libyen saura choisir ses nouveaux guides. Quant aux autres régimes dictatoriaux arabes, ils n'ont qu'à tirer les leçons du sort commun connu par les dirigeants déchus, plutôt honteusement, en Tunisie, en Egypte, au Yémen et tout récemment en Libye. Pour ce qui est du risque que la révolution libyenne soit récupérée par les Américains et leurs alliés, le même groupe pense que personne n'est dupe des projets impérialistes dans la région. C'est pourquoi il reste relativement confiant dans le patriotisme des Maghrébins, capable, selon eux, de les déjouer. Cependant, l'un de ces enseignants ajoute que tout dépend de la réussite ou de l'échec du processus démocratique enclenché en Tunisie et en Egypte. « Certains signes y sont pour le moment rassurants ; d'autres le sont beaucoup moins ! Si la contre-révolution l'emporte dans ces deux pays, adieu le Printemps et bonjour le nouvel automne arabe qui sera encore plus long que les précédents ! » Badreddine BEN HENDA
Le régime Kadhafi a commandité un attentat à Tunis, projet déjoué Un colonel libyen chargé par le régime Kadhafi de perpétrer un attentat à Tunis s'est rendu vendredi à l'armée tunisienne, a annoncé hier un représentant tunisien du ministère de la Défense. Un militaire libyen, le colonel Abdzelrazak Rajhi, chargé de perpétrer un attentat contre une ambassade arabe à Tunis, s'est rendu vendredi à l'armée tunisienne, a déclaré le colonel Mokhtar Ben Nasser, précisant que sept kilos d'explosifs et des détonateurs avaient été saisis. Il n'a pas précisé quelle était l'ambassade visée. Ce projet d'attentat a été programmé par Kadhafi, il visait à faire dérailler la révolution tunisienne, a déclaré, à ses côtés, le colonel libyen Rajhi, présent au point de presse au ministère de la Défense. Le colonel libyen, entré en Tunisie le 30 juillet, n'est pas en état d'arrestation. Au contraire, il sera remercié pour avoir permis de déjouer cet attentat, a précisé le représentant tunisien du ministère de la Défens