Par Khaled GUEZMIR - Il y a ceux qui par leur mauvaise gouvernance et l'accumulation de leurs erreurs de gestion creusent le lit des Révolutions. Il y a ceux qui les préparent par une lutte acharnée et une persévérance dans l'effort au prix de nombreux sacrifices et privations de la liberté. Puis il y a ceux qui les font sur le terrain au risque d'offrir leurs vies en martyrs. Enfin il y a ceux qui veulent en récolter les fruits et… l'usufruit, pour accéder au pouvoir de commandement. Là encore « l'opportunisme » bien que décrié est quelque part accepté et « légitimé ». La politique depuis les pharaons le permet et ce ne sont pas les plus méritants ou les « philosophes » chers à Platon qui finissent par triompher et gouverner ! Quoi de plus raisonnable que de demander à nos politiciens « révolutionnaires » aujourd'hui de nous dire comment ils envisagent de nous gouverner… quelle forme de régime ils veulent instituer… parlementaire ou présidentiel, oligarchique ou démocratique, libéral ou socialiste, religieux ou civil (hokm madani) pour éviter de parler de cette nouvelle « abomination » désignée par « laïcité » et que beaucoup de Tunisiens sur-attachés à l'identité arabo-musulmane rejettent parce que synonyme de « Fitna » ! Quoi de plus urgent que de nous dire comment ils pensent relever l'économie pratiquement atteinte par l'inertie et la stagnation, attirer et dynamiser les investissements locaux et extérieurs, financer le développement régional à bout de souffle et relancer le tourisme en phase de sclérose avancée ! La plupart de nos leaders enthousiastes pour ne pas dire « excités » s'en moquent. Il faut d'abord faire la révolution, pour la suite on verra … ! C'est là où l'on s'aperçoit que l'objectif de certaines factions n'est pas de construire la démocratie qui est le soubassement et la fondation même de toute pratique de la liberté, de la participation politique et surtout du partage équitable de la croissance économique à condition bien sûr que celle-ci existe ! Les classes moyennes tunisiennes observent perplexes et avec inquiétude, cette indigestion collective qui leur est imposée par les médias en tout genre et surtout les télévisions publiques et privées qui les assomment à longueur de soirées avec les mêmes têtes et les mêmes discours pour exposer au grand jour l'indigence politique le peu de savoir faire et surtout l'irresponsabilité de ces mêmes « politiciens » qui envahissent l'espace commun sans aucune humilité ! La Tunisie a un besoin urgent de plus de raison et de bon sens et non pas d'une mobilisation permanente agitée qui peut conduire tout simplement à une sorte « d'overdose » politique et qui ne fait que handicaper la relance et la rendre plus hasardeuse et hypothétique. Quel tourisme peut-on réanimer par la violence des rues, des comportements et du verbe, par l'appel à l'indiscipline, érigée en règle de conduite individuelle et sociale et la diffusion de la peur et de l'incertitude à travers des idéologiques qui remontent au 18e siècle et à l'âge de la décadence musulmane. Beaucoup d'amis sincères de la Tunisie commencent à se poser des questions et à redouter un dérapage à ce niveau. Il est grand temps de tourner la page de l'insécurité et de passer à l'étape supérieure et cruciale de la construction paisible de la démocratie libérale et sociale. Beaucoup de gens ne semblent pas satisfaits du seul départ du dictateur et de son entourage ce qui était par ailleurs le rêve de tout un peuple opprimé, et exigent une justice révolutionnaire extrême pour « décapiter » les symboles de l'ancien régime ! Mais on ne doit punir que les vrais coupables, faute de quoi c'est de nouveau l'injustice et l'excès de pouvoir. A notre avis il faut laisser la justice faire sereinement son travail dans l'indépendance absolue, éviter la chasse aux sorcières et respecter le droit des accusés conformément à la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. Il est grand temps de laisser l'administration et les structures économiques travailler et s'occuper des soucis énormes et quotidiens des citoyens et de la relance à tous les niveaux. Sans cela le risque d'un nouveau despotisme pourrait ressurgir à l'horizon. Un peu plus de modestie et de travail ne ferait pas de mal à bien du monde. La révolution a besoin d'humilité d'amour de solidarité et de discipline et non pas d'agitation continue et souvent injustifiée pour le compte des « Robespierre et Marat » endurcis d'une autre époque ! Au fait savez-vous que Robespierre et Marat ont été eux-mêmes exécutés par d'autres « révolutionnaires » quelques années après la révolution française de 1789. Et pourtant c'est eux qui ont fait la révolution… mais ils n'ont pas su la canaliser pour la construction démocratique paisible… et Napoléon surgit pour instaurer le consulat puis l'empire ! A méditer !