Le très respectable site « Leaders » a publié, hier, un compte rendu de l'entrevue enter le Président de la République et Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha. Grande sincérité et grande appréhension face à ce que Jebali a appelé « bulles » autour des élections du 23 octobre. Hamadi Jebali est dans son rôle. Alors que son père spirituel « Cheikh Rached » comptabilise les âmes (égarées ?) qui gonfleront ses rangs : « 1 million d'adhérents d'ici peu », jubile-t-il. Or, c'est précisément cette ambivalence arithmétique du nombre qui fausse la donne. C'est à qui mieux mieux, surtout au niveau des « grands » partis, alors que ceux qui joueront les comparses donnent l'impression de tituber, négligeant l'indifférence des Tunisiens vis-à-vis de la politique et vis-à-vis de la chose publique. Nos concitoyens ont assez de mal, ainsi, à voir clair dans l'échiquier. De surcroît, l'irruption démocratique fait que tout s'emmêle, que le mot « démocratie » s'en retrouve banalisé et, même, déprécié et qu'à peu de frais le faux-semblant l'emporte sur le réel tandis que, partout, le factice politique donne le change, avec ses nouveaux bien-pensants, ses âmes puritaines et les dépositaires, « légataires » universels de la Révolution, perchés avec délectation aux commandes des consciences et de l'avenir de la Nation. C'est déjà très compliqué comme cela pour les initiés. Quel sentiment aurait, alors, le commun des mortels, ayant vécu toujours avec des schémas de pensée où il laisse ce « on » décider pour lui ? Et surtout que le mot « référendum » retentit et devient, lui, une sournoise pomme de discorde, si ce n'est carrément, une bombe à retardement. Béji Caïd Essebsi avait déjà fort à faire pour ramener le syndicat des forces de sécurité interne à une vision plus attendrissante d'eux-mêmes. Car la réconciliation avec le peuple ne se fera pas à coups de gradations corporatistes, et dans une espèce de délire syndical contre-nature. En filigrane, la pire catastrophe pour notre pays serait l'amplification d'un conflit – patent – de légitimité et de « sainteté » aussi entre l'armée et la police. Dans tout cela, Béji Caïd Essebsi ne mâche pas ses mots. Il n'a rien à craindre, en effet… En homme d'Etat, il demande que l'on respecte l'Etat et que nous ayons les égards dus au Président de la République. En d'autres termes, il appelle fermement à ce que l'on cesse de clochardiser l'Etat. Sauf qu'il est pris de court. Nous expliquions sur ces mêmes colonnes que la Haute Instance de Yadh Ben Achour a, par essence, la mission de gérer le côté noble de la Révolution. Par ricochet, le Gouvernement en gèrera les outrances sociales économiques et politiques. Avant-hier, le Premier ministre a été élogieux envers Ben Achour et Jendoubi. Mais c'est un peu aussi une sorte de maïeutique : il voudrait pousser Ben Achour à extirper lui-même, du sein de sa propre instance, les forces de rétention qui veulent compliquer les choses. Il souhaiterait que Ben Achour dise non. Un référendum ? C'est-à-dire, que les Tunisiens iront voter avant d'aller voter encore. Techniquement, moralement, humainement, ce serait idiot. Et en plus, il ne s'agirait pas dans l'esprit de ses « concepteurs », de délimiter la période de gouvernance de la Constituante mais d'en définir les tâches. Jegham et Morjane – appuyés par Néjib Chebbi – nous sortent là une manœuvre diabolique, eux qui passaient pour être les anges saignés à blanc par Ben Ali. Ben Achour a intérêt à bouger et à aider Caïd Essebsi à sortir de ce bourbier. Il lui doit bien ça. Raouf KHALSI amad salem [email protected] sihem [email protected]