Le thème est récurrent : Démocratie et religion est-ce viable ? Mais il devient passionnant dès qu'il s'agit d'Islam. Là, le scepticisme l'emporte. Erdogan et Caïd Essebsi auront longuement débattu du sujet. Le Premier ministre turc est plus dans l'idéologie que dans la foi. Si le pays, du laïcisme par excellence s'est affranchi de l'impératif religieux dont se prévalait l'Empire Ottoman pour consolider l'aura géostratégique de la Sublime Porte et qu'il soit aujourd'hui gouverné sur des fondements religieux et des bases démocratiques, eh bien on se doute bien que la Turquie espère bien que la Tunisie s'engagera dans la même voie. Et d'ailleurs Cheikh Rached Ghannouchi s'était bien rendu à Ankara où il n'a pas caché son admiration pour l'alchimie turque. Il est établi – c'est un fait – que la Révolution tunisienne véhicule par ricochet une composante religieuse. Or, en Tunisie, le combat religieux, qu'Ennahdha tente de relancer reste un combat d'arrière-garde. Les réformateurs tunisiens au XIXe siècle, puis Bourguiba, y auront fait face par des réminiscences laïcisantes ayant à leur tour enfanté ce fondamentalisme complexe parce que dogmatique et carrément intolérant. Ce que M. Erdogan ne mentionne pas et ce que Cheikh Rached feint d'oublier c'est que le gouvernement islamiste turc a une épée de Damoclès perpétuellement suspendue sur sa tête : l'armée. En Tunisie ce n'est pas possible. Et c'est précisément pour cette raison que le modèle turc n'est pas transposable chez nous. Cela dit quand le Premier ministre turc juge que la Tunisie peut « démontrer que Démocratie et Islam ne sont pas contradictoires », c'est l'évidence même. La Tunisie est l'Andalousie de la rive Sud de la Méditerranée. Un Averroès, ou le célèbre médecin juif de Cordoue n'auraient pas eu tous ces malheurs s'ils avaient été tunisiens. Parce que, justement, la Tunisie est le berceau de la tolérance et de la cohabitation des religions. Si le peuple tunisien réussit à prouver au monde (pour rejoindre M. Erdogan) qu'il vivra dans une dualité harmonieuse Démocratie/Islam cela dépendra en grande partie des … Nahdhaouis eux-mêmes.