Après le tumulte de la journée, survint le repos des guerriers. Le soir, il gèle mais les cœurs sont enflammés et les esprits en éveil. Chaleur humaine et solidarité qui donnent la chair de poule. Entre les sit-inneurs et ceux qui sont venus leur rendre visite et les soutenir le ton est aux discussions patriotiques emportées et enthousiastes, aux débats politiques et aux sourires spontanés. Les poignées de main ouvraient et clôturaient chaque causerie. On se permet de s'inviter, on se met côte à côte et on papote…
Quand les voix rauques se reposent
La journée d'avant-hier était houleuse et tumultueuse. Bardo I, premier sit-in postélectoral qui a réuni plus deux mille sympathisants, a marqué la mémoire collective et a surtout commencé à obtenir gain de cause. Certaines requêtes réclamées durant le sit-in ont été prises en compte à l'instar du 50%+1 et la diffusion en directe des débats au sein de l'Assemblée. A force d'avoir crié haut et fort leurs revendications, qui étaient surtout d'ordre politique, les sit-inneurs qui ont animé la foule et scandé l'hymne national, avaient la voix rauque et le corps en miettes. Néanmoins, ravivés par une cause noble et le sourire aux lèvres «gercées», ils ont passé la soirée à «recevoir» leurs convives au sein de leurs tentes qui leur servaient de logis. Comme signe de reconnaissance à sa jeunesse brave et vaillante, on ramenait de chez soi la même chaleur du cocon familial à la rue meublée par les campeurs. On vient les bras chargés de nourriture, des plats biens chauds et concoctés à l'instant, du pain, du lait et de l'eau à volonté. Mais on ramenait aussi cette fraternité exemplaire et son âme pour parler à son prochain. Les barrières idéologiques, matérielles, originales sont abolies. Les préjugés, des abonnés absents. On ne formait qu'un. Il y avait des femmes voilées discutant avec des jeunes hommes aux cheveux en rasta, des barbus portant notre incontournable «chachia» débattant doucement avec ceux qui portaient des pulls à capuches et des casquettes. Un vendeur de Pop-Corn auréolant son fiacre du drapeau tunisien, chacun avec les moyens du bord exprimait son patriotisme et laissait apparaitre cet amour filial et viscéral que l'on ne peut vouer qu'à la patrie.
Chants patriotiques guettant les vautours…
Une ambiance bonne enfant égayait les lieux. On se serrait la main, on se taquinait, on se lançait des anecdotes sur l'Assemblée appelée aussi «Majless tafsisi», tout en épiant les nouvelles de ladite assemblée en ce qui concerne les dernières décisions. Certains des sit-inneurs nous ont confié avoir leurs représentants au sein de l'assemblée et qui leur divulguaient un par un les résultats et le déroulement des débats à l'intérieur. Cette aura assez particulière qui ne rappelle que trop celle des sit-in Kasbah I et II, avait l'effet d'un baume sur le cœur. Cette solidarité, cet élan et cette bonne entente ravivaient les sentiments d'appartenance à une seule et même patrie. Un arsenal remémorant l'emportement des Temps Premiers de la Révolution. Le simulacre moribond du pouvoir était pourchassé par les chants patriotiques qui invoquaient les martyrs. Guitares, bougies et voix se mêlaient aux paroles libératrices, défiaient le froid et l'hostilité des lieux. Entre temps, une galerie en pleine air s'offrait au public et aux passants venus en nombre, par curiosité ou pour soutenir les sit-inneurs découvrait à son tour le travail artistique, les tags et les banderoles faits sur place le jour-même.
On s'organise pour la logistique
Dans la foulée, on annonçait l'arrivée de nouveaux campeurs venus de Tala et d'autres régions. Des bénévoles sur place ont lancé des appels à des donateurs de tentes, couvertures et matelas. Les réponses n'ont pas tardé à venir. Plusieurs tentes ont été offertes et installées. Une tente médicale a été d'ailleurs installée à côté de la porte du siège de l'Assemblée. Les manifestants ont collecté une bonne quantité de médicaments pour les maladies hivernales (grippe, angine, allergies, maux de têtes, laryngite…). Les médicaments ont été triés par une équipe de médecins et infirmiers qui se sont porté volontaires à assurer la permanence à tour de rôle veillant à ce qu'il n'y ait aucun cas délaissé et à ce que les sit-inneurs soient traités humainement et surtout comme des héros. A cette frange du peuple qui aime prendre des vessies pour des lanternes et asservir les vrais militants, ceux qui bravent le froid et la famine pour que vivent dignement les Tunisiens, allez au Bardo et soutenez ces jeunes. Melek LAKDAR daassi riadh zarzour