Les activités illégales inhérentes à l'extraction de la pierre et du sable à Djerba battent toujours leur plein, constituant un véritable gâchis environnemental et une menace réelle aux séquelles indélébiles. Entamée dans les années soixante dix pour répondre aux besoins exigés par les chantiers de construction des méga unités hôtelières, l'exploitation des carrières et des sablières a atteint de nos jours un seuil inadmissible et alarmant. Elles se sont depuis lors multipliées sauvagement à une cadence effrénée provoquant une exploitation intensive et incontrôlée des ressources de l'île en pierres et en sable. Tout le territoire de l'île est en proie aux activités d'extraction incessantes de sable et de pierres, entreprises sans relâche tant par des particuliers que par des grosses entreprises dans le cadre de la réalisation des grands projets. La côte nord-est, zone autrefois de grandes dunes vives, n'est plus qu'une suite de béton rivalisant en gigantisme. Les immenses dunes bordières, véritables réserves de sable, éléments d'équilibre et de stabilité des plages, et qui auraient pu jouer un rôle prépondérant dans l'atténuation de l'impact de l'érosion côtière découlant du réchauffement climatique, ont été arasées pour leur substituer les vastes bâtiments des hôtels construits à peu de distance de la mer, accolés les uns aux autres comme décidés en commun accord d'entraver la mobilité du sable et de limiter l'apport par les vents de l'ouest et du sud des matériaux fins d'origine continentale à même de combler le déficit sédimentaire de plus en plus croissant. La côte ouest de l'île est dans un piteux état de dégradation, fragilisée et éventrée en maints endroits. La mer menaçante, à la faveur des brèches artificielles caverneuses et vides creusées par les bourreaux de l'environnement, se permet des incursions en profondeur, submergeant les terres littorales, venant à bout de tout, même des beaux palmiers qui formaient jadis une véritable forêt, et risquant éminemment de saliniser la nappe phréatique. A l'intérieur de l'île, à Ouled Amor, à Mazran, à Hachène, à Mezraya, à Sedghiane, à Guellala, etc, le spectacle est ahurissant : les séquelles laissées par les activités intenses d'extraction du sable, indélébiles, sont encore visibles. De larges creux, tels des plaies ouvertes sur le flanc de la terre, assez profonds, résultant de tant d'années de vil labeur, enlaidissent le paysage pittoresque et enchanteur îlien. En dépit du règlement interdisant l'exploitation des carrières de pierres, l'extraction ou le prélèvement du sable, en vertu en l'occurrence du décret municipal n°10 du 22 août 1980, les malfaiteurs persévèrent dans leur sale besogne, bravant la loi, profitant certes de l'état d'impunité prévalant. Nos responsables, régionaux en particulier, dorment sur leurs lauriers, manifestant paradoxalement une indifférence révoltante vis-à-vis de la gravité du phénomène dont ils sont incessamment informés. Au lieu d'assumer leurs responsabilités et d'être les premiers à veiller consciemment et scrupuleusement au respect du règlement, et au lieu de prêter l'oreille aux doléances émanant de la société civile et des citoyens consciencieux, désolément dépités par la prévalence du regrettable statu quo, les autorités à l'échelle du gouvernorat demeurent de marbre, sinon s'ils n'interviennent, ce n'est que que pour inciter à l'infraction et couvrir le fauteur sous le prétexte fallacieux de l'intérêt public majeur. En, effet, en 2008, lorsque, dans le contexte du réaménagement de la route touristique longeant la côte nord de l'île, l'entrepreneur en charge de la réalisation du projet s'est rué sur le relief côtier de Borj Jilij pour se pourvoir de matière de remblayage, il ne s'était permis une telle effronterie que sur la base de l'autorisation qui lui avait été concédée par la direction régionale de l'Equipement. Ces jours-ci encore, et dans le cadre des travaux de réfection des trois axes routiers, Adjim-Houmt-Souk(25 km), Adjim-El May (15 km), et El kantara-le phare Tourgueness(23.4 km), l'entrepreneur n'a fait qu'emboîter le pas à son prédécesseur en portant son choix sur les rares collines de l'île à Adloun, avant de se résoudre à changer de cap, sans toutefois renoncer à son outrage, et ce face à l'intervention virulente de la direction locale de l'Agriculture à Houmt-Souk et la mobilisation de l'Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba qui a saisi la justice entre temps. Des moyens logistiques colossaux ont été déployés pour l'extraction du sable et son acheminement dans les plus courts délais vers les lieux des chantiers : des bulldozers ont été mis en œuvre pour s'attaquer sans répit au sol et à l'environnement ; une véritable flotte de camions mobilisée pour le transport continue à sillonner de jour comme de nuit tout le territoire de l'île, chargés du triste butin prélevé ignoblement. Un suicide environnemental est perpétré quotidiennement, favorisé par le silence aberrant, parfois complice des autorités. L'île de Djerba n'est plus en mesure de supporter davantage : faite de terres basses, elle est soumise aux aléas du changement climatique dont l'avènement n'est plus un secret pour personne, dangereusement confrontée à ses impacts visiblement remarquables sur son écosystème: ses côtes sont érodées, ses plages se rétrécissent davantage, ses terres littorales sont progressivement submergées, la nappe phréatique est en phase de salinisation, etc… Dans ce contexte exceptionnellement grave du réchauffement climatique, des voix, à l'échelle planétaire, jaillissent pour appeler, à l'unisson, à la vigilance extrême, et pour tirer la sonnette d'alarme, mais il semble qu'elles restent sans échos auprès de certaines races d'hommes dans nos contrées, qui, eux, ont d'autres chats à fouetter, mais qu'il est temps de réprimander sévèrement sans plus tarder.