La conférence donnée par Kamel Ayadi, lequel ayant dressé un état des lieux de la situation catastrophique au Nord-Ouest tunisien, a de quoi nous donner froid dans le dos. Tant les choses tournent au tragique. Et face au comique de certaines visites officielles, qui nous rappellent un tant soit peu celles qu'effectuent les responsables du temps de l'ancienne dictature, l'on se demande si l'acte suivra les promesses tant faites aux laissés-pour-compte, les citoyens semble-t-il de second degré, ceux qui vivent dans une autre Tunisie où l'hostilité de la nature s'ajoute à celles des volontés d'agir humaines. Le bilan se révèle catastrophique et en complète contradiction avec ce qu'on appelle les droits des uns et des autres à une vie digne après la Révolution. Selon kamel Ayadi le président du Centre de réflexion stratégique pour le développement au Nord-Ouest la nature a encore son lot de catastrophes à nous réserver dans l'avenir si on ne s'y préparera pas. « Cette catastrophe naturelle devrait nous servir de leçons, car seule la capitalisation de l'expérience nous permettra d'avancer. En ce sens où l'on apprendra à gérer mieux les situations de crise. Autrement les choses ne feront qu'empirer» dit-il en ajoutant : « On n'a pas d'ingénierie spéciale qui puisse gérer ces situations de crise. Alors qu'aujourd'hui, il n'y a plus de place au hasard. Il faut former des spécialistes et créer un Comité national indépendant composé de spécialistes qui puissent se pencher efficacement sur la situation au Nord-Ouest, en vue de faire une lecture objective de la situation et proposer des solutions en déployant les moyens qu'il faut. » Les spécialistes présents lors de cette rencontre étaient unanimes, en fait, pour conclure que le collectif d'associations déployé sur place n'est pas suffisant pour sauver cette région. Le gouvernement doit à son tour bouger pour faire preuve de plus d'efficacité dans le traitement de ce genre de situations. Allons-nous nous suffire à distribuer quelques aides et vivres aux habitants des zones sinistrées qui ne parviennent pas aux citoyens des zones les plus reculées ? Ou est-ce que la situation requiert plutôt une réflexion plus profonde et une stratégie nationale qui impliquera le gouvernement et la société civile ? « On ne peut pas compter seulement sur la bonne volonté des acteurs de la société civile. Il y a certes des maillons de la chaîne qui n'ont pas fonctionné comme il faut. Et c'est cette défaillance qui a fait aggraver la situation. » commente non sans amertume Kamel Ayadi.
Les aides ne suffisent pas
«Ces dernières décennies les périodes de grosses chaleur, les inondations et les vagues de froid deviennent cycliques et c'est la raison pour laquelle nous devons nous équiper efficacement » laisse entendre les intervenants. Pour Jamel Bouraoui, météorologue « Le problème est que ces deux dernières décennies, La Tunisie est sujette à des inondations de plus en plus fréquentes. Sans oublier les vagues de froid polaire et maintenant les grandes quantités de neige. » Selon Kamel Ayadi le problème est d'autant plus grave si l'on considère qu'on utilise les mêmes engins dans toutes les régions du pays où les conditions environnementales et la nature de la terre n'est pas la même. « Pourquoi est-ce que l'eau du robinet se solidifie quand il neige pendant trois jours alors qu'à Montréal où il neige plus longtemps, l'eau reste consommable? Mais tout simplement car il faut déployer les moyens qu'il faut pour ce faire. » avance Kamel Ayadi qui explique les spécificités de cette région. « La terre dans cette région est argileuse. Au contact des eaux de pluie, elle double de volume, une fois elle dessèche, elle se rétracte et se détruit. Et si l'infrastructure se détériore au Nord-Ouest c'est parce qu'elle n'a pas été mise en place en tenant compte de la spécificité environnementale de la région. » souligne notre interlocuteur qui continue « Il faut penser à établir un cahier de charges qui prenne en considération ces nouvelles donnes » Sauf que là, les habitants de la région ne sont pas là au bout de leurs peines car les neiges seront suivies par un autre lot de catastrophes naturelles, comme les glissements de terrain et les inondations car une fois amassée à un niveau atteignant 1, m70 la neige fondera. « A cela s'ajoute le fait que les barrages sont saturés. Bou Herdma l'est à raison de 80 %, Bni M'tir à 100%. Seul le barrage de Oued Mallag peut jusque-là encore contenir des eaux. » Souligne Kamel Ayadi. Les propos de Hassen Dallai, le directeur du développement régional au Nord Ouest n'étaient pas moins alarmants, puisque celui-ci évoque l'impact de ces intempéries non seulement sur l'Homme mais sur la biodiversité qui va en pâtir. Et pour finir une petite note d'espoir ? Jamel Bouraoui annonce, en effet, qu'un grand froid est dans l'air mais il sera moins paralysant que celui qu'a connu le pays ces derniers temps. Mona BEN GAMRA