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« Je me sens un peu coupable, d'avoir manqué de courage face au régime déchu »
Au tac au tac avec Adnène Chaouachi
Publié dans Le Temps le 19 - 02 - 2012

« Le courage, disait Saint Exupery », « c'est la moindre des choses ». En affirmant d'en avoir manqué face au régime déchu, Adnène Chaouachi fait justement acte de courage. De cohérence. D'honnêteté surtout. Une vie faite de « come back », de grandes réussites ponctuée par des traversées du désert. Mais Oscar Wilde, il pourrait affirmer d'avoir mis sa vie au service de son art et non l'inverse.
Un artiste total: chanteur et compositeur. Le timbre d'une voix – même lorsqu'il parle – qui suit des consonances doucement musicales. Mais à l'instar d'aussi et, surtout, une grande culture qu'auront accomplie les strates d'une âme quelque part tourmentée comme chez les existentialistes qui veulent voler son secret à la vie. Du moins Adnène Chaouachi a toujours suivi sa pente. Mais en la remontant comme dirait Gide.
Le Temps : Et si l'on commençait par ton nouveau tube « Ma daîma L had »
Adnène Chaouachi : C'est ma première chanson après le 14 janvier. J'ai cherché à éviter les sentiers battus ( chansons révolutionnaires galvaudées). J'ai trouvé un sujet qui parle de toutes les révolutions passées et actuelles, car en effet, personne n'est éternel. C'est la maladie, la pathologie même des despotes, c'est de croire qu'ils le sont. En plus, c'est un message clair et net pour quiconque cherche à concocter le projet d'une dictature.
•Les femmes et les hommes de l'art et de la culture ont tous ( ou presque) plus ou moins flirté avec l'ancien régime. Sans aller jusqu'aux condamnations, comment vous vivez cette expérience
-Personnellement j'ai travaillé normalement comme je le pensais avec un régime avec à sa tête un président de la République. Franchement je suis déçu, je me sens un peu coupable de n'avoir pas été courageux comme ceux – minoritaires – qui l'ont été et qui ont fait l'objet d'une répression féroce. C'est peut-être parce que je n'ai pas eu cette dose de courage de tous ces hommes politiques qui ont fait face à Ben Ali. J'essaierai de me racheter en servant mon pays, et en consacrant mon art aux libertés, à l'égalité et à la dignité. Cela dit, je précise que chaque fois que j'ai été appelé à me produire aux festivités du 7 novembre, je me suis toujours limité à chanter mon répertoire où il n'existe de chanson laudatrice en faveur du régime déchu.
•Mais alors, que penses-tu de ceux qui y ont consacré leurs chansons et leur âme et qui font aujourd'hui un revirement à 180 degrés ?
-Ce ne sera pas à moi de le juger, quoique je les plaigne quelque part. Car dans ce genre de situations, il faut avoir le courage de se taire et le courage c'est le moindre des choses comme le dit Saint Exupery.
•Paradoxe : après le 14 janvier, désengagement des artistes en dehors de l'irruption de certains styles : rap et autres….
-C'est peut-être dû à un choc : une métamorphose subite, un bouleversement du paysage, et aussi par peur d'être justement taxé de retournement de veste.
•Om Khalthoum et Abdelwaheb qui étaient au service des Pacha, ont été les premiers à être protégés par la Révolution de Abdennasser
-Et qui vous dit que à part leur génie artistique, je les respecte pour cela !
•Et donc, tu admets que le génie peut-être mis à la disposition des forces du mal
- C'est dans l'essence des choses. C'est comme les chimistes de Hitler ou de Staline. L'art est art, mais il est parfois assujetti à certaines idéologies totalitaires et propagandistes et c'est valable autant dans les sciences, dans la littérature, que dans la chanson, le théâtre ou le cinéma.
•Un an après, quelle est ton évaluation de la Révolution ?
-L'acquis le plus important de notre Révolution est sans doute l'unique acquis, c'est le sentiment d'être vraiment libre et de s'affranchir de la peur chronique de s'exprimer librement. Pour moi, c'est le signe qui me réconforte et me donne des certitudes optimistes quant à l'avenir. Mais attention : si on touche à cet acquis, la Révolution perdra toute sa quintessence et sa capacité mobilisatrice à créer un ordre nouveau bannissant le despotisme
•As-tu donc peur qu'un nouveau type de despotisme ne s'installe, si ce n'est déjà fait ?
-Le contenu de la future constitution déterminera tout
•Mais peur être plus précis, quel est ton sentiment actuel face aux extrémismes religieux et ceux qui s'attaquent à l'art et à la musique en particulier ?
-Vous savez que tout est musique. Est-ce qu'on a le droit d'obliger le rossignol à ne pas chanter au « gémissement » des vagues, à la brise qui caresse le blé ? ce qui provoque une musique organique. Peut-on empêcher la cigale de débiter sa mélodie amoureuse du soir ? Peut-on demander au silence de se taire ? Car le silence, lui aussi, fait partie de la musique. On peut-être musicien et croire en un Dieu unique qui a doté l'homme de sens et d'une voix capable de traduire tout ce qui fait le monde, tout ce qui fait la nature et tout ce qui fait la condition humaine
* Mais alors, que penses-tu de tous ces ultras ceux qu'on appelle « Salafistes » et tous ceux qui veulent établir un ordre religieux nouveau ?
- Nous sommes désormais dans un pays libre
- Je l'espère ! Donc je crois que chacun est libre d'être ce qu'il veut, mais personne n'a et n'aura le droit d'obliger quiconque à lui ressembler, par la force et la terreur.
* Et qu'en est-il de la corporation : où en sont les chanteurs et les musiciens ?
- Et tant que compositeur et chanteur, je me sens franchement comme dans une impasse. Normalement je devrais revendiquer mes droits légitimes – droit d'auteur entre autres- mais lorsque je regarde autour de moi et que je vois le chômage et la précarité sociale, par pudeur, je me dis qu'il y a des priorités et des exigences sociales et économiques qui priment. En plus, nous devons faire face au spectre du terrorisme.
* Oui, mais l'art a aussi ses exigences. Il faut repenser toute la structure et à l'évidence une priorité aux yeux du ministre de la Culture Mehdi Mabrouk, dont on a appris qu'il t'a contacté pour que vous en discutiez
- En effet, c'est la première fois que cela arrive, c'est-à-dire qu'un ministre m'appelle pour m'inciter à discuter avec lui de la situation de la chanson. Pour moi, c'est un signe encourageant, un signe de bonne volonté et c'est surtout sain et sans démagogie. Je mets mon art et mon expérience à la disposition de tous ceux qui veulent faire réussir cette Révolution et repenser le modèle tunisien avec ses spécificités et sur des bases identitaires, ouvertes sur le multiculturalisme, le dialogue avec l'Autre.
Désormais, nous sommes tous face à une obligation de résultat. Nous devons réussir. Et nous réussirons, grâce à Dieu
Propos recueillis par Raouf KHALSI


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