Par Chams Ammar - L'extrémisme politique est défini comme étant « un comportement politique consistant à défendre les positions les plus radicales «. Dans un pays qui a connu une révolution sociale, il représente clairement un danger et nous verronspourquoi. En effet, la Tunisie s'est libérée de ses chaînes dictatoriales et cherche encore ses repères, tant politiques que sociaux. Elle n'a ni guide, ni mode d'emploi pour devenir une démocratie solide. Mais elle a une IDENTITE, une intelligentsia composée de gens compétents, cultivés et patriotes pour la mener vers le droit chemin et l'aider à prendre le train de cette chère démocratie. Dans un tel contexte, pourquoi l'extrémisme (quel qu'il soit) représente-t-il un danger ? La raison est évidente mais doit vraisemblablement être rappelée. Un pays qui sort ou qui vit une révolution est par définition instable et immature politiquement. Surtout après plusieurs décennies de dictature et de l'a-politisation qui l'a accompagnée. Il a donc BESOIN d'une effervescence politique, que des courants politiques émergent, s'affrontent ; que ces idées politiques soient multiples et différentes pour que les citoyens puissent s'instruire politiquement et choisir librement leur orientation politique ; fut-elle temporaire. En effet, seule la confrontation d'idées diverses peut faire murir l'éducation politique d'un peuple. Or, l'extrémisme n'est autre que la négation de cette effervescence vitale dans une démocratie naissante. Il ne laisse pas de place aux idées autres que celles qu'il prône, il ne peut pas non plus gouverner avec des partis d'un autre bord que le sien et ne peut trouver de consensus que dans de très rares cas (le plus souvent sur des sujets futiles et sans enjeux véritables). L'Histoire l'a démontré à plusieurs reprises et on le constate tous les jours en Tunisie depuis le mois d'octobre 2011. La Tunisie a été victime pendant longtemps de Ben Ali. Parmi ses victimes, figurent, au même rang que les autres, les « islamistes «. Tout comme les opposants politiques, les artistes engagés, les journalistes politiques et d'autres encore, ils ont été torturés, victimes d'ignominies inimaginables et des pires atrocités par leur bourreau. Aucun psychiatre, ni aucun médecin d'ailleurs, ne saurait soigner de telles blessures. Elles sont là, et pour toujours, avec leurs nombreuses séquelles sans doute irréversibles. Ils sont aujourd'hui libres et s'expriment politiquement et idéologiquement comme chacun des citoyens tunisiens pourrait le faire. Mais est-ce parce qu'ils ont été victimes (comme beaucoup de leurs compatriotes) du dictateur déchu que l'on doit les laisser gouverner seuls ? La gouvernance de la Tunisie serait-elle réduite à une part de gâteau donnée en récompense à des années de torture et de persécution ? Je crois qu'elle vaut et mérite mieux que ça. Peut-on qualifier les islamistes d'extrémistes ? Assurément. Il ne s'agit nullement d'un jugement, simplement d'une définition qui s'applique à une notion. On peut alors se poser une autre question, qui s'impose d'ailleurs inéluctablement à l'esprit : peut-il y avoir un islamisme modéré ? Les médias français se sont prononcés il y a quelques mois par l'affirmative. Conviction ou manière maladroite de se rassurer sur l'avenir proche de son voisin et de rassurer celui-ci ? Chacun est libre de choisir la réponse qui le convaincra le plus. Dans tous les cas, il est important de définir les termes, afin que chacun puisse se forger une opinion éclairée, sans idées reçues ou préjugés. Islamisme : « L'islamisme est un courant de pensée musulman, essentiellement politique, apparu au XXe siècle. Il peut s'agir, par exemple, du « choix conscient de la doctrine musulmane comme guide pour l'action politique « dans une acception que ne récusent pas certains islamistes - , ou encore, selon d'autres, une « idéologie manipulant l'Islam en vue d'un projet politique : transformer le système politique et social d'un Etat en faisant de la Chariaâ, dont l'interprétation univoque est imposée à l'ensemble de la société, l'unique source du droit «. C'est ainsi un terme d'usage controversé «. C'est exactement cette controverse qui anime actuellement la Tunisie. Naïvement sans doute, je me pose une question : pourquoi faire le choix d'une politique risquée en ce qu'elle peut avoir comme fin unique et absolue l'application d'une seule loi, sachant que cette « loi « n'a jamais été lue, expliquée et diffusée avec clairvoyance et modernité par ceux-là mêmes qui souhaitent l'imposer dans une société moderne ? Le gouvernement a d'abord assuré qu'il n'était point question d'appliquer les lois religieuses et qu'ils ne suivraient jamais les méandres de la régression sociale et civile. Aujourd'hui, on constate qu'ils ont changé d'avis et qu'ils souhaitent écrire notre Constitution en se fondant uniquement sur la Chariaâ. Nos « islamistes-modérés « nous promettent qu'il n'est pas question d'appliquer la Chariaâ…puis, ils veulent nous l'imposer. Au-delà de leur mauvaise foi ostentatoire et de leurs mensonges récurrents aux citoyens tunisiens, je me pose une question : qu'il soit question de Chariaâ ou non, l'extrémisme est-il l'orientation la plus stratégique (car c'est bien de stratégie politique qu'il s'agit) ? Certains diront que le peuple a parlé !Qu'il faut assumer ! Ma vérité est ailleurs. Pourquoi le Tunisien et encore plus la Tunisienne, ne se battent pas pour avoir des lois qui leurs assureraient des droits et des libertés, quel que soit leur fondement ? La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ou encore les différentes résolutions de l'ONU ne sont-elles pas, par exemple, des sources dont-il faut absolument se rapprocher ? L'extrémisme en Tunisie est-il la seule voie, la meilleure voie, ou celle qui permet à une poignée d'individus (qualifiés… ou pas) d'avoir le seul et dernier mot sur tous les sujets sociaux et politiques au nom d'Allah ? Ne peut-on pas être musulman dans un pays dotée d'une législation civile mais respectueuse de la religion musulmane et des autres religions ? J'ai du mal à le croire. La Tunisie serait-elle un pays non musulman ou encore qui priverait les Musulmans de leur liberté de culte si les Islamistes ne sont plus au pouvoir ? Seuls les imbéciles et les incultes croiront que oui. Seuls les manipulateurs, les corrompus et ceux qui utilisent la religion comme arme de pression sur les esprits non politisés feront croire que tel est le cas. Est-ce parce que l'on scande « Tuer des juifs est un devoir « que l'on est musulman, patriote et démocrate ? Les Tunisiens de religion juive vous répondrons sans doute mieux que moi. Les seuls sentiments qui doivent émerger à la suite de ce fait (encore marginal pour le moment) est celui de la honte et du dégoût. Les islamistes ont nié leur implication et ont ajouté qu'il s'agissait là de l'œuvre de quelques salafistes. Il faudrait donc faire la distinction entre les salafistes et les islamistes ? Il ne s'agit, à mon sens, que d'une question de degré. Mais fondamentalement, idéologiquement, ils sont les mêmes. Ils se sont également excusés du comportement de l'ineffable M.Chourou, dont les idées sont aussi barbares et liberticides que moyenâgeuses. Comment peut-on penser que démembrer des grévistes ou des manifestants est la bonne solution ? Pour arriver à exprimer une telle idée au sein d'une Assemblée Constituante chargée de rédiger la Loi fondamentale du pays, il faut vraiment que son auteur en soit convaincu. Ce n'est pourtant pas un salafiste ! Je n'ose même pas évoquer l'arrivée de Wajdi Ghenim, un homme à qui l'on a permis d'entrer en Tunisie pour diffuser une pratique barbare, interdite par la Loi et profondément dangereuse pour la santé des Tunisiennes. Posez-vous la question de savoir à qui l'on doit tous ces débats qui ne font que dissiper les énergies et créer la confusion et la focalisation sur des sujets qui n'ont jamais concerné la Tunisie ! Pourquoi pensez-vous que l'on submerge l'actualité par de faux débats tels que l'excision ? Cela n'a qu'un seul but : nous détourner de nos problématiques réelles. Les Tunisiens doivent se battre auprès de ceux qui se soucient de leur assurer un travail, l'accès à la santé et de satisfaire leurs besoins alimentaires. Sachez-le, il n'y a pas d'extrémisme modéré, pas plus qu'il n'existe de soleil noir ou de démocratie fondée sur un seul et unique courant politique. L'islamisme modéré est un oxymore comme un autre. La démocratie à laquelle nous aspirons tous est celle de la tolérance, du savoir et de la liberté de conscience. Forgez votre propre opinion, c'est votre devoir de citoyen. Et n'oubliez pas que sous la barbiche se cache toujours une barbe ! deracine20