Apparemment les cimaises de la Maison de France ont horreur du vide et de la nudité. A peine une exposition déménage-t-elle qu'elles s'ornent de nouvelles toiles. Elles accueillent actuellement l'exposition« Energie de la mer » de l'artiste peintre de Aida Kchaou Khrouf. Aida Kchaou Khrouf n'est pas une illustre inconnue. Diplômée de l'Institut des Beaux-Arts "Pont des Arts" à Sfax et de l'Institut de Mode et de Design de Tunis, elle a eu l'honneur, en 1995,de placarder ses tableaux de débutante aux côtés de ceux du grand plasticien Ali Ben Salem. Ce fut le point de départ d'une carrière ascendante jalonnée par des participations de plus en plus remarquées à des expositions collectives, tremplins à une affirmation de son image et de son talent à travers des expositions individuelles intramuros puis à l'étranger et plus précisément à Séoul et à Paris (Carrousel du Louvre). Les 25 tableaux de l'artiste peintre exposés à la maison de France sont dédiés à la mer, comme l'indique le nom de baptême de l'exposition, « Energie de la mer ». Unis par la même thématique, marqués du sceau de l'émotion, ils frappent à la fois par leur cohésion et par leur contraste. Peints à des intervalles différents, ils ne sauraient échapper à l'effet de l'état d'âme et de l'inspiration du moment de la création. Qu'il s'agisse de la mer, calme, pour la plupart des cas, ou en furie, les toiles Aida Kchaou Khrouf dégagent une impression de morosité, expriment par leur mutisme de surface, un profond sentiment de désarroi et font entendre un cri de détresse, qui rappelle les discours enflammés des militants « écolos ». Peinture cérébrale donc ? Pas le moins du monde car elle est l'enfant de l'instinct et de l'émotion : « Qui ne peut s'émouvoir devant ce mélange de force et de fragilité , l'immensément petit et l' immensément grand ne faisant qu'un ?», s'écrie-t-elle. Mais comme la mer, hélas, victime d'agressions inconsidérées, offre un visage accablé, pitoyable et résigné, l'artiste peintre envahie par un sentiment de profonde détresse, se saisit de ses pinceaux et dessine un message car, dit-telle : « je ne ressens plus que l'appel de sa détresse devant la nonchalance ,l'insouciance et l'indifférence humaine .Le message que je veux transmettre à travers mes œuvres s'est en fait toujours imposé à moi : Peindre l'énergie de la mer en détruisant l'illusionnisme traditionnel et ne garder du réel que l'émotion . Par mes toiles, je me bats en tant qu'artiste pour que l'engagement envers notre mer et contre sa pollution ne se brise pas, comme les vagues sur le rivage.» Par delà la dimension émotionnelle de son art, Aida Kchaou Khrouf se qualifie d'aventurière en permanence, une adepte de l'innovation en matière de technique. Elle tient à garder le secret concernant sa trouvaille et elle se contente de dire: « j'aime prendre des risques en fabriquant des médiums pour rechercher de nouveaux effets de matières , utilisant à la fois le mat et le brillant, l'aléatoire et le combinatoire , la transparence et l'opacité. Tout ceci dans un aller- retour permanent entre sensations et ondes marines ne suivant que l'instinct orchestré par l'émotion pour faire resurgir de l'abstrait un imaginaire marin. »