Après presque 42 ans de règne sans partage, le régime du colonel Kadhafi, marque dans sa chute, un tournant décisif dans la nouvelle histoire de la Libye. Le passage à un régime démocratique est confronté à de nombreux défis et obstacles, issus de l'absence d'une constitution et essentiellement d'une véritable infrastructure sociale, économique et politique pouvant absorber les nouvelles attentes d'un pays avide de liberté. Ce passage d'un régime de terreur à une nation homogène ne se fait pas sans heurts. Depuis le 26 mars, les affrontements entre les différentes tribus, notamment dans la Sud du pays ont fait selon certaines sources, prés de 200 morts. Les Toubous, des citoyens d'origine africaine sont les principales victimes des rudes batailles qui se déroulent dans la ville de Sebha dans le Sud du pays. Un véritable nettoyage ethnique est dénoncé par les Toubous qui ont lancé depuis le début des affrontements, un cri d'alarme demandant l'intervention de la communauté internationale. Les clivages tribaux s'enfoncent davantage. Ils prennent une tournure politique qui sans une solution urgente, risque d'enfoncer le pays dans l'abîme. L'incapacité du gouvernement central à jouer un vrai rôle d'arbitre pour mieux faire régner l'ordre et régler les différends très complexes entre les tribus n'améliore nullement une situation interne de plus en plus explosive. Les Toubous et les Touaregs, tribus d'origine africaine, s'intégreraient difficilement dans un environnement déjà fragile et désordonné par les luttes d'influence des nouvelles tribus ayant combattu, souffert et surtout vaincu le régime du colonel. L'émergence de ces nouvelles tribus remet en cause l'ancienne domination des Kadhadfa et des Megarha, véritables piliers de l'ancien régime. Sans oublier les plaies qui tardent à se cicatriser suite à l'apport des mercenaires africains, recrutés par le « le guide » lors de sa guerre contre son peuple. Mais au-delà de ces considérations, c'est l'enjeu économique qui décuple toutes ces convoitises dans cette région du Sud libyen, riche en ressources pétrolières, gazières et aquifères. Les menaces qui pèsent sur l'unité de la Lybie sont aggravées par la facile circulation d'armes dans le pays. Les risques d'une guerre civile sont patents tant que le pouvoir central n'aura pas résolu l'épineux problème des conflits tribaux, ethniques et religieux. Pour y parvenir, la Libye a besoin d'une vraie volonté de la part de ses dirigeants pour permettre à l'appareil de l'Etat de bien fonctionner afin de souder une unité nationale, véritable moteur du développement. Les divisions politiques internes favorisent le désordre populaire surtout que la Libye, contrairement à la Tunisie, ne dispose pas encore de structures dynamiques faisant prévaloir la primauté de la société sur les dissensions internes. Après plus de 40 ans de terreur, la réconciliation nationale passe par le rétablissement de l'autorité de l'Etat en favorisant le dialogue entre les différentes parties en conflit. Cette autorité indispensable des pouvoirs publics est tributaire de la réorganisation des institutions responsables de la sécurité sur l'ensemble du territoire libyen sans favoritisme et sans rancune. La multitude des communautés vivant sur le sol libyen doivent disposer des conditions géopolitiques nécessaires et suffisantes pour assurer le succès du processus de transition démocratique. Les prolongements récents du conflit tribal jusqu'aux frontières tunisiennes en dit long sur les conséquences dangereuses qu'impliquerait la continuation de cette situation dramatique. Les voisins de la Libye notamment la Tunisie et l'Algérie devraient concevoir une stratégie globale de collaboration avec le gouvernement central libyen pour mettre fin à ce drame qui pourrait se traduire à tout moment par un enchainement d'événements dangereux dans cette partie stratégique de l'Afrique du Nord. L'instabilité libyenne, si elle n'est pas maîtrisée risquerait de mettre le feu aux poudres dans toute la région.