La transition démocratique risque d'être retardée par la multiplication des actes de violence de la part de certains individus mêlés d'actes actes d'exclusion des autres. La société civile saura-t-elle prendre ses responsabilités et agir à bon escient afin de juguler cet interminable cycle de violence ? Après les évènements de Kélibia dans lesquels le penseur Youssef Seddik n'a pu tenir sa conférence dans des conditions normales à la maison de culture de la ville, voilà que les tenants de l'obscurantisme se manifestent encore une fois. Il a été empêché, hier, de participer à une rencontre à l'université de la Zitouna aux côtés de Rached Ghannouchi et Abdelfattah Mourou. C'était une rencontre sur la rédaction de la Constitution. Certains étudiants ont scandé le slogan «Dégage» le taxant de mécréant. Rached Ghannouchi s'interposa en priant les rouspéteurs de le laisser participer aux débats. Les «étudiants» ont tenu bon. Victime de cette violence verbale et du refus de l'écouter, Youssef Seddik a quitté les lieux la mort dans l'âme. Dépité, il a déclaré sur les ondes de Mosaïque FM : «ils ne sont pas de véritables étudiants. Un vrai étudiant, à l'époque des Moôtazala, s'assied et écoute tout, même les idées qui le dérangent. Dommage dans son propre pays, on ne trouve pas d'espace public pour discuter. Je connais l'université depuis 37 ans. Je suis déçu. Je pleure la situation actuelle du pays. Prenez position. Ce n'est pas normal». La montée de l'intolérance qui mène à la violence donne à réfléchir. Yadh Ben Achour, connu pour sa probité intellectuelle et son indépendance, avait déclaré que « le problème n'est pas dans l'extrémisme en soi. Le problème réside dans la protection que doit exercer l'Etat contre l'extrémisme. Le combat entre Démocrates et Théocrates est déloyal. Le théocrate n'a pas peur d'utiliser la force alors que le démocrate opte pour le dialogue. Le résultat est que ceux qui utilisent la violence gagnent. C'était le cas en France, en Italie et en Allemagne avec la montée du fascisme. L'extrémisme ne peut être endigué que par l'Etat. Quand celui-ci prend parti de ceux qui exercent la violence, le danger est que nous courrons le risque d'une guerre civile…Nous constatons des choses bizarres le contraire des promesses qui nous ont été faites par le pouvoir actuel». Il considère que les juristes ont une responsabilité spéciale. Si les choses se poursuivent, il appelle les juristes à faire attention. L'ancienne dictature a trouvé parmi les juristes qui l'aider. Il faut être prévenant et se méfier de l'éventualité de glisser vers une nouvelle dictature qui sera pire que la première, car elle s'établira au nom de la religion. Emna Mnif (Kolna Tounes) pense que la violence contre les hommes politiques est l'argument de celui qui n'a pas d'argument pour convaincre. Elle dit qu'il faut aller plus loin que la dénonciation de la violence. Salem Ayari, coordinateur de l'Union des Diplômés Chômeurs (UDC) va dans le même sens et affirme que son association compte aller plus loin que la simple dénonciation de la violence. Selma Baccar, la Voie Démocrtae et Sociale (VDS) rappelle qu'il y a une année Leyla Chebbi avait voulu discuter avec l'Emir du groupe qui les avait agressées. On lui a rétorqué que « l'Emir ne parle pas aux femmes ». Cette agression l'a incitée à militer dans un parti politique et appelle à faire bloc pour faire face à la violence. De son côté, Khémaïes Ksila, pense qu'Ennahdha et le gouvernement, par leur silence, sont responsables des phénomènes de rejet et de violence. «Tous ceux qui ne sont pas d'accord avec eux, sont considérés comme des représentants de l'ancien pouvoir». Ahmed Néjib Chebbi a peur que « l'alternance au pouvoir ne soit plus pacifique ». Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti Socialiste de Gauche (PSG), a exprimé sa tristesse de voir Ennahdha évoluer sur la voie de la main mise sur les structures de l'Etat. Elle n'est pas prête à l'alternance, en lâchant ses milices. Il affirme que les Démocrates doivent s'unir. Sadok Bellaïd (Constitutionnaliste), pense que la petite Constitution organisant les pouvoirs actuels a transformé progressivement le paysage politique. Il pense que « le pouvoir a pris une orientation fasciste claire ». Des jeunes démunis sont utilisés. Il affirme que les « forces de sécurité défendent l'Etat-Nahdhaoui. Des milices recyclées sont utilisées. Nous ne sommes pas loin de la situation connue par certains pays arabes. La société civile doit se réveiller et inciter les courants politiques à s'unir ». Jusqu'à quand va se poursuivre la montée de la violence verbale et physique entre Tunisiens ?