Le limogeage du Gouverneur de la BCT ne pouvait passer inaperçu vu la stature de l'homme d'où les polémiques soulevées entre le pour et le contre. La question de l'indépendance de la BCT s'apparentait à une « pomme de discorde » et prenait la forme d'un débat fort animé opposant le gouvernement tunisien au patron de la BCT. Entre antagonistes et protagonistes pendant qu'un calme précaire commençait à marquer la vie quotidienne des parties en litige, la présidence de la République annonça hier la décision de limogeage de Mustapha Kamel Nabli. Une décision immédiatement publiée sur la page Facebook officielle de la présidence de la République et reprise par la TAP, au moment où la personne concernée n'a pas été mise au courant. Amenant dans son sillage controverses et polémiques : Quels sont les dessous d'une telle décision surtout qu'elle coïncidait avec l'extradition malvenue de l'ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi. Une décision qui a ébranlé la Troïka? Certains pensent, que le bras de fer engagé entre le Chef du Gouvernement et le Président de la République ne fait que commencer. Il va sans dire que la décision du limogeage ne prend effet qu'après la signature des trois présidences et l'aval de l'Assemblée Nationale Constituante. Mais, qu'en est-il au juste ? Nous avons recueilli les déclarations suivantes.
Larbi Abid, deuxième vice-président de l'ANC (CPR)
« La théorie de « coup par coup » : Baghdadi/Nabli n'existe pas et elle n'est qu'un simple scénario monté de toute pièce par les médias »
« Le limogeage du Gouverneur de la BCT, est une question qui a été déjà posée. Une décision prise à l'initiative de Moncef Marzouki, Président de la République. Parallélisme des formes. Oblige. Il revient au Président de la République de nommer et de révoquer le Gouverneur de la BCT. Une décision qui n'est pas totalement consommée et qui doit nécessiter au préalable l'approbation de l'ANC. Ceci dit, il y a parfaite concertation entre la présidence et le chef du Gouvernement au sujet du limogeage de Kamel Nabli. D'ailleurs, le gouvernement ne s'est pas opposé à cette décision. Et s'agissant du lien de causalité entre l'extradition de Baghdadi Mahmoudi et la décision du limogeage de Kamel Nabli, je pense que la théorie de « coup par coup » : Baghdadi/Nabli n'existe pas et qu'elle n'est qu'un simple scénario monté par les médias. Personnellement je ne pense pas qu'il y ait une relation avec l'affaire Baghdadi »
Fayçal Nacer, responsable-adjoint de la communication (Ennahda)
Kamel Nabli derrière la dégradation de la note souveraine du pays...il avait l'intention d'indisposer le gouvernement
La décision de mettre fin aux fonctions de Kamel Nabli représentait une question irrévocable pour le gouvernement surtout après la dégradation de la note souveraine de la Tunisie par l'agence de notation Internationale Standard & Poor's. C'est à lui et lui seul qu'incombe cette responsabilité. Il a en quelque sorte influé le cours de l'agence de notation dans sa prise de décision par le biais de statistiques et études mettant à mal la conjoncture économique nationale. C'est lui qui a proposé les personnes : chefs d'entreprises, banquiers et consorts qui ont participé aux différentes enquêtes menées par S&P. Leurs avis ont été défavorables sur le climat des affaires et l'environnement socio-politique que vivait le pays. Et on a eu comme résultat la dégradation de la note souveraine du pays sans oublier les différentes déclarations belliqueuses de kamel Nabli, qui avaient l'intention d'indisposer et de mettre en mauvaise posture le gouvernement. »
Côté BCT « Nabli ne démissionne pas »
Pour de plus amples informations, nous avons contacté la BCT. Une source bien informée nous a donné les éclaircissements suivants : «Au sujet de la rumeur qui circule sur facebook autour de la démission de Mustapha Kamel Nabli, j'affirme que c'est de l'intox. Concernant la question du limogeage nous n'avons pas été tenus officiellement au courant. L'info a été véhiculée sur facebook. D'ailleurs, vers 11h, heure où l'info sortait au public, le gouverneur de la BCT présidait comme à l'accoutumée la réunion mensuelle du conseil d'administration de la banque ». Par ailleurs et concernant la visite d'une délégation de S&P se matérialisant par la dégradation de la note souveraine du pays, la même source nous confirme que ladite délégation s'est entretenu avec quasiment toutes les ministères dont le ministère du Tourisme, le ministère des Finances, ministère du Développement et le Planification Régionale, le ministère des Affaires Sociales, le Chef de la délégation de l'UE en Tunisie, la présidente de l'UTICA, les représentants des Ambassades de France et des USA en Tunisie et le représentant de la BM en Tunisie. Or la BCT a uniquement pris en charge l'aspect technique. »
Mohamed Haddar, président de l'Association des économistes tunisiens (ASECTU) « C'est une décision irrationnelle »
« Personnellement je pense que c'est une décision irrationnelle. C'est de l'amateurisme. Il n'y a aucune raison valable derrière ce limogeage. Une décision qui risque de perturber un climat économique déjà malsain. Les enjeux économiques devraient être en dehors des chicanes politiques et des réglements de comptes. S'agissant de la dégradation de la note souveraine de la Tunisie je le dis et je le redis, la politique monétaire poursuivie par la BCT n'était pas le seul facteur déterminant de la dégradation de la note souveraine du pays. Et puis au lieu de tirer les leçons et de poursuivre les efforts en vue d'amener l'économie nationale à bon port, on s'immisce dans un langage stérile.
Il va sans dire qu'à l'heure ou nous mettions le journal sous presse, Mustapha Kamel Nabli garde toujours la même fonction de Gouverneur de la BCT. Il devait même présider hier la réunion mensuelle du conseil d'administration de l'organe de régulation.