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Habib Ben Yahia, Secrétaire général de l'UMA au Temps, rejette tout amalgame “Les spécificités maghrébines nous imposent des choix maghrébins" Forum d'Assilah (Maroc)
[Le Forum d'Assilah au Maroc, plus connu sous le nom de Moussem culturel international, est à sa 34° édition. Cette année, occasion voulue du redémarrage de l'unité maghrébine, l'Union du Maghreb Arabe (UMA), représentée par son Secrétaire général M. Habib Ben Yahia, est l'invitée d'honneur du Moussem. A cette occasion, plusieurs grands colloques orientés exclusivement vers les questions de l'intégration maghrébine réunissent des intellectuels, des penseurs, des membres de la société civile et des officiels des cinq pays de l'UMA. Outre les Rencontres Maghreb Pluriel qui réunissent des artistes venant des pays de la Région à leurs collègues de la rive Nord de la Méditerranée, le Forum organise un colloque traitant du sujet de « la femme et la démocratie dans le monde arabe ».Un autre discutera « le rôle des élites dans les perspectives de l'édification de l'Union du Maghreb ». En marge de ce Forum, M. Habib Ben Yahia a bien voulu répondre à nos questions.]
Le Temps- Aujourd'hui, dans le cadre du Forum d'Assilah, l'UMA est l'invitée d'honneur. Est-ce une invitation qui coïncide avec les préparatifs du Sommet maghrébin d'octobre à Tunis, ou est-ce une démarche de M. Mohamed Benaïssa, Secrétaire général du Forum ?
-Habib Ben Yahia – Je pense un peu les deux. Tout d'abord, le ministre Benaïssa a été mêlé avec nous, depuis les années 90, lorsqu'on était tous les deux ministres des affaires étrangères, il a beaucoup travaillé sur la nécessité de lancer le processus d'intégration maghrébine. Et en tant que président de la Fondation d'Assilah, il a beaucoup fait pour encourager cette tendance. Deuxièmement, le prochain Sommet de Tunis en octobre est une opportunité historique pour que, après 16 ans de repos forcé, les chefs d'Etat des cinq pays maghrébins se retrouvent pour faire le point du processus d'intégration, prendre les décisions qui s'imposent, donner des instructions pour que le processus passe à une vitesse supérieure. Les peuples maghrébins ne cessent de demander, avec la société civile, qu'on devienne plus sérieux à accélérer ce processus. Le Maghreb a été touché par les crises successives qui ont bouleversé le monde. La crise financière partant de Wall Street nous est parvenue, la crise économique partant de l'Europe nous a touchés. La crise s'est transformée en crise sociale qui a touché surtout les jeunes maghrébins. Et on a les preuves palpables sur ce que ressentent ces jeunes.
Quelle riposte avez-vous préparée à cette nouvelle donne historique, du moins au niveau du Secrétariat général de l'UMA ?
- Le Secrétariat général a été chargé de faire une étude sur la jeunesse maghrébine – j'espère qu'elle sera terminée d'ici le Sommet – pour essayer de comprendre ce qui se passe dans les pays maghrébins, chez les jeunes qui posent des problèmes essentiels pour leur devenir, que ce soit aux niveaux de l'éducation, de la formation, du recyclage dans des secteurs prometteurs ou au niveau de l'emploi. Le chômage bat son plein un peu partout, avec, je pense, une moyenne de 18% dans les pays maghrébins, et même plus. Avec la Banque mondiale, les institutions financières internationales, nous avons organisé, il y a deux semaines, un colloque à Rabat pour approfondir cette étude et nous inspirer de ce qui s'était passé de par le monde – parce qu'on ne vit pas sur la planète Mars, on est sur cette terre, il y a d'autres pays qui sont passés avant nous par des crises similaires. On a discuté du printemps arabe, mais je crois que l'expérience turque, celle du Brésil, d'autres en Asie peuvent nous servir de modèle. Donc on apprend à tout âge. Et quelle que soit la nature de ce défi, les spécificités maghrébines nous imposent des choix maghrébins qui intéressent les gouvernements, la société civile, les hommes d'affaires. Bientôt l'Union des hommes d'affaires maghrébins va se réunir à Marrakech en octobre après le Sommet. Il y aura un nombre important de représentants de sociétés maghrébines, qu'elles soient privées ou étatiques. Je pense que le bouillonnement au niveau de la réflexion commune, parce qu'on est face à des crises, nécessite que les cinq se retrouvent ensemble. Dans quelques jours, nous allons nous retrouver à Alger pour voir la question des défis sécuritaires qui touchent le Maghreb. Maintenant, c'est une approche horizontale, je pense que c'est le début de la priorité à donner à cette réflexion commune en temps de crise.
Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez pour le sommet d'octobre ?
- Presque chaque semaine, nous avons des commissions qui travaillent au niveau des experts, bientôt au niveau des ministres concernés, à rapprocher les points de vue sur des questions fondamentales pour que le Sommet sorte avec des décisions historiques. Nous avons des sujets qui datent depuis Ras Lanouf en 1991 qu'il va falloir mettre en œuvre. Nous avons d'autres idées surtout pour réactiver l'économie maghrébine en temps de crise. Nous avons aussi des décisions à prendre pour des secteurs clés qui peuvent offrir des opportunités d'emploi aux jeunes, qu'ils soient des hommes ou des femmes, et aussi des discussions qui sont d'habitude préparées par les ministres des Affaires étrangères portant sur nos relations, nos dialogues avec certains pays ou ensembles de pays comme l'Union européenne. Nous avons un dialogue depuis 91 qui s'est arrêté pendant 15 ans à cause de Lockerbie, qu'on a repris à Lisbonne en 2006. Nous avons maintenant le temps de bien préparer la reprise avec une vingtaine de priorités pour les uns et les autres pour améliorer cette coopération avec l'Europe. Nous avons également un dialogue avec les Etats-Unis d'Amérique qui s'est penché sur l'aspect économique. Ils ont une expérience valable en matière de microcrédits qu'on est en train d'étudier avec le concours de la Banque islamique de développement et la Banque africaine de développent. On fait ce travail avec beaucoup de calme.
Est-ce qu'il y a du travail sur les institutions maghrébines ?
-Bien sûr, il y a un travail sur le Parlement maghrébin, Majlis Al Choura, la Cour de Nouakchott qui travaille sur le rapprochement des textes de lois maghrébins, et aussi l'Université maghrébine et l'Académie maghrébine à Tripoli .Après les changements en Libye on est en train de revoir cela pour relancer ces deux institutions. Il y a aussi la Banque de développement pour financer le commerce extérieur – qui est assez faible, de l'ordre de 3% - pour relancer la coopération maghrébo-maghrébine. Cette banque, nous l'espérons, commencera d'ici la fin de cette année, son siège sera à Tunis. Les hommes d'affaires sont en train de faire des pressions pour que le Maghreb ne soit pas uniquement un rêve. Depuis 1958, un mois avant la Déclaration de Rome en Europe, on a parlé de l'Union maghrébine et de l'intégration maghrébine. Maintenant, après soixante ans, pour l'Europe, avec 27 membres, ils ont fait des miracles, nous, nous sommes cinq, il va falloir faire des miracles aussi.
Maintenant la question qui fâche. Qu'en est-il du conflit du Sahara ? Est-ce qu'il pourrait y avoir des avancées ?
–J'espère qu'il y en aura. C'est un dossier qui est géré par les Nations Unies. On s'attend à ce qu'une solution soit trouvée assez rapidement dans l'intérêt des deux pays et l'intérêt du Maghreb.