S'il est un lieu à fréquenter toute l'année, c'est bien le hameau de R'tiba aux alentours de l'embranchement de l'Oued El Abid. Déjà le nom : l'Oued des esclaves intrigue et invite à aller voir, ce qui s'est passé, dans le Cap Bon, le long de la route 26 joignant Soliman à El Haouaria quelques centaines de mètres après le pont enjambant l'Oued El Abid.
R'TIBA
Dans le cadre des activités de l'Association de Promotion du Tourisme alternatif en Tunisie, nous y sommes allés avec quelques amis. Un cafetier complaisant a surveillé nos autos. Nous avons emprunté la grande piste menant à la plage qui s'ouvre juste en face du café. Nous avons cheminé d'abord entre des champs cultivés, plantés, le plus souvent, de beaux oliviers. En cette journée de printemps, fraîche, un grand vent avait chassé tous les nuages et un soleil radieux rayonnait dans un ciel très bleu. Les pluies récentes avaient lavé tous les feuillages. Tous les buissons, bordant la piste, lentisques, cistes, calycotomes et même les bruyères étaient couverts de fleurs. En été, la piste, ombragée et bordée de buissons odorants, est très agréable à parcourir à pied, pendant qu'un comparse conduit le véhicule jusqu'aux dunes bordant la plage. Puis, nous sommes entrés dans la zone boisée qui longe le littoral sur un à deux kilomètres de largeur. Elle s'étend presque sans discontinuer, de Port Prince autrement appelé : « Marsa Ben Romdhane » jusqu'au voisinage de Sidi Daoud. Elle rejoint là, la forêt de Dar Chichou qui a été incendiée, hélas. Ce sont des boisements artificiels de pins, d'eucalyptus, de cyprès, d'acacia auxquels sont venus se joindre spontanément des genévriers de Phénicie, ainsi que des « cades » : genévriers oxcycèdres qui abritent des sous-bois parfois très touffus où nous avons trouvé de superbes orchidées sauvages, en particulier l'Ophrys eleonorae au labelle grenat. Toute une faune fréquente ces bois : perdrix, lièvres, sangliers, chacals, renards, tortues, hérissons. L'avifaune est très riche puisque ces forêts sont à proximité d'une voie migratoire très importantes : celle d'El Haouaria. Les bécasses et les grives y viennent l'hiver. Les tourterelles y roucoulent à la belle saison. De nombreux rapaces y chassent et des dizaines d'espèces de passereaux y nichent. Ces bois sont découpés par des pistes coupe-feu qui se coupent à angle droit. Elles permettent de se promener sans risque de se perdre. La création d'un bois aménagé pour les promenades a même été envisagée à un moment, en bordure de la plage. Les barrières qui la délimitaient subsistent encore.
LA PLAGE
Des dunes de sable fin et blanc en interdisent l'accès et même une approche immédiate aux véhicules. La plage se mérite, à pied, les bagages à la main ! Elle n'est donc pas très fréquentée même en plein été ! Mais quel plaisir ! Des kilomètres de sable, bordés de dunes ! Une mer pratiquement transparente ! Bien sûr, il faut y emmener sa glacière et son parasol mais ce n'est pas obligatoire. Nous préférons nous y baigner un moment puis retourner vers les autos et aller pique-niquer sous les pins qui bordent la piste, à l'ombre. L'air y est parfumé par la résine et résonne des stridulations de milliers de cigales. On n'a même pas besoin de sièges, tant le sol sablonneux et tapissé de feuilles sèches est souple. Les randonneurs peuvent continuer, le long de l'estran où le sable est mouillé, vers l'Ouest, vers Tunis et vers l'embranchement de l'oued. A un certain endroit, de hautes dunes permettent de tricher, de prendre des photos « sahariennes » ou de se rouler sur un sable « vierge ». Au bout d'un kilomètre et demi environ, on arrive à l'embouchure. Depuis qu'il est « barré » un peu plus haut, l'Oued El Abid n'a plus assez d'eau pour aller jusqu'à la mer en été. Et, là, les pêcheurs à la ligne qui n'ont pas trouvé leur bonheur en daurades ou marbrés, petits, le long de la plage, pourront prendre des anguilles et des daurades magnifiques. Ils feront aussi voler de nombreux oiseaux d'eau qui se sont sédentarisés. Les marcheurs peuvent pique-niquer où ils veulent selon l'heure et leur lassitude. Le chemin qui longe l'oued, parfois coupé par des broussailles, remonte et permet de dominer l'oued ainsi que les prairies voisines. C'est un paysage magnifique bordé de la gauche vers la droite, par le Jebel Sidi Abderrahmane, les collines de Korbous et, au loin, celles du golfe de Tunis. Il déploie ses champs bien verts et la mer turquoise sur des fonds de sable. La grande quantité de vestiges de petits feux de camp, installés sous les arbres prouve que de nombreuses personnes apprécient ces lieux. Il est regrettable qu'elles y abandonnent leurs bouteilles, les emballages vides, les papiers d'aluminium et les cartouches de chasse tirées. Ensuite, on retrouve la route presque avec regret. On le noie dans un verre de thé ou de café à l'arrivée. Durant les douces nuits d'été, quand les vaguelettes caressent le sable en murmurant, on n'a besoin de rien pour camper quelques heures. Les étoiles et la lune éclairent. Le « berrèd » bouillonne sur les braises. Les cannes à pêche plantées dans le sable permettent de rêver à d'énormes prises. C'est toujours un plaisir d'aller à R'tiba toute l'année : les chasseurs, l'hiver, les pêcheurs, quand ils le veulent au printemps, en automne ou les nuits d'été qui sont favorables. Quand aux baigneurs et aux randonneurs, il est inutile de leur donner des conseils : «ils savent» !