Né à Beyrouth d'un père sénégalais et d'une mère libanaise, Hady Sy expose « One Blood » au 24e festival Visa pour l'Image de Perpignan, un projet de longue haleine qui a pour thème central le don du sang. A travers trois cent soixante -six portraits pris sur les cinq continents, il révèle toute la diversité d'un monde où chaque individu possède en lui-même, et à travers un geste simple, la possibilité de sauver des vies.
« One love. One blood. One life. You've got to do what you should » . Impossible de ne pas penser immédiatement à One, l'hymne pop du groupe U2 datant du tout début des années 1990 - et dont tous les bénéfices furent reversés, à l'époque, à la recherche contre le sida - lorsque l'on contemple l'expo « One Blood » réalisée par Hady Sy et présentée à la Caserne Gallieni de Perpignan dans le cadre du festival de photojournalisme Visa pour l'Image 2012.
Don de sang, don de soi
D'ailleurs, l'auteur lui-même ne récuse pas l'association. Mieux, il la revendique tant le message universel de son travail recoupe parfaitement celui impulsé il y a maintenant plus de vingt ans par le chanteur Bono et ses compères. « One Blood » est un projet de longue haleine qui, comme l'indique son intitulé, vise à sensibiliser le témoin à la nécessité du don du sang – et par-là même à la notion de don de soi – à travers la planète.
A ce don si essentiel, et d'autant plus fort qu'il est anonyme, Hady Sy a voulu donner non pas un seul visage, mais précisément trois cent soixante -six : un pour chaque jour de cette année 2012 bissextile. Il a donc photographié des donneurs de sang de quatre-vingt-dix origines différentes sur les cinq continents, des portraits de modèles âgés entre 1 jour pour la plus jeune d'entre elle (le sang du cordon ombilical d'une nouvelle-née) à 93 ans, pour le plus ancien des sujets. Cette œuvre a pris à Hady quatre ans au total, dont presque deux à parcourir le monde, du Groenland au Népal en passant par l'Amazonie...et aussi Perpignan, centre cosmique de l'Univers comme chacun sait, depuis que Salvador Dali en a fait la révélation.
« Dans tous les pays, on donne son sang », précise Hady, né à Beyrouth d'une mère libanaise et d'un père sénégalais qui occupa autrefois le poste d'ambassadeur du Sénégal, au pays du Cèdre. « Dans certains pays, des gens en sont réduits à le vendre pour subsister et dans d'autres, comme la Chine, c'est obligatoire ». Mais c'est bien évidemment la notion de don en elle-même qu'a voulu mettre en évidence l'auteur, sensibilisé très tôt à cette problématique car sa propre sœur est atteinte de drépanocytose, une maladie génétique du sang qui nécessite des transfusions fréquentes.
De façon ingénieuse, et surprenante au premier abord, Hady a disposé les trois cent soixante-six portraits en arc de cercle avec, à l'extérieur du cercle, les visages des personnages ; et à l'intérieur, des poches de sang, ou seulement quelques gouttes, dans un désordre volontaire destiné à préserver l'anonymat sanguin. Beyrouthin de cœur, Hady Sy a autrefois photographié la guerre dans son pays natal et il résume en une simple phrase toute la portée de ce projet « One Blood » : « Au lieu de montrer le sang versé, j'ai voulu montrer le sang donné », des mots qui prennent un peu plus de signification encore, dans le contexte particulier de cette 24e édition de Visa pour l'Image.
Des photos et un livre d'or
« L'intérieur du cercle, explique-t-il, est comme l'intérieur de notre corps ; là où bat notre sang. Il montre que le sang est un élément commun qui nous rassemble. Quant à l'extérieur, poursuit-il – les visages – il montre que nous sommes tous différents. D'ailleurs, la culture du sang elle-même est très particulière, d'un continent à l'autre ». Volontairement, Hady Sy a photographié ses modèles dans un studio itinérant avec un même fond gris et en présentant essentiellement des tirages en noir et blanc, réservant seulement la couleur à quelques-uns, une façon de mettre encore mieux en valeur, par petites touches, l'ensemble. A voir les photos des cadres de vie, souvent harmonieux ou majestueux, où ont posé chacun des personnages - et dont il a gardé les clichés précieusement en mémoire dans sa tablette numérique - on en est presque à regretter qu'Hady Sy ne les ait pas également exposées. Mais là n'était pas le message.
Intarissable sur ces trois cent soixante-six donneurs de sang dont il connaît l'histoire personnelle et dont il affirme qu'ils sont tous « des gens exceptionnels », l'auteur de « One Blood » a pris le soin de répertorier chacun d'entre eux au sein d'un grand livre d'or dans les pages duquel ils déclinent chacun leur identité, leur croyance, leur âge, leur occupation et ...leur groupe sanguin. Et chacun répond aussi par écrit à quatre questions posées par Hady : « Est-ce la première fois que vous donnez votre sang ? », « quel est votre lien avec le sang ? » « qu'est-ce qu'un partage ; donner ou recevoir ? » et enfin : « si vous aviez quelque chose à dire à quelqu'un à l'autre bout du monde, ce serait quoi ? ». Résultat : plus d'un millier de réponses qui reflètent toute la diversité d'un monde uni dans le même don de soi. (RFI)