Qu'est-ce que la loi si ce n'est la règle régissant les rapports entre les individus dans une société donnée, afin d'éviter que sévisse le désordre qui peut mener à la violence et au chaos ? Elle est nécessaire à cet effet, autant que l'est la loi physique, pour régir les phénomènes naturels. Si le philosophe Kant estime que la loi est « fondée sur les concepts de la raison pure et implique en elle une absolue nécessité » pour Thomas Hobbes, elle est celle qui est faite par le pouvoir souverain, et « tout ce qui est fait par le pouvoir souverain est reconnu sien par chaque membre du peuple». La loi reflète la nature du pouvoir chargé de la faire respecter par tous les moyens. Le rôle de la loi, comme l'affirme Hobbes à juste titre, est entre autres de contenir le mouvement des gens afin d'éviter que dans « leur précipitation ils ne se fassent du mal » La recrudescence de la violence, devenue de plus en plus inquiétante, est-elle due au manque de moyens en Tunisie postrévolutionnaire où il est question pourtant de Justice transitionnelle ? Pour sa part le président de la République répond à la question de manière catégorique : « seule la loi est souveraine » a-t-il déclaré dans son allocution prononcée samedi dernier en l'honneur des auxiliaires de Justice. Il a par la même occasion exhorté la constituante à institutionnaliser l'indépendance des magistrats « conformément aux standards internationaux et soumettre la magistrature à un conseil indépendant ». Cependant que l'association des magistrats tunisiens (AMT) a fait paraître le même jour une déclaration dans laquelle les membres du comité directeur déplorent ce retour notoire aux méthodes de l'ancien régime constituant une violation notoire de l'indépendance de la magistrature. Or les décisions du ministère de la Justice ont été entérinées par le président de la République. Ce que déplorent les membres de l'AMT, en considérant que la réforme de la magistrature ne peut être réalisée dans de telles conditions. Il y a vraisemblablement une contradiction, entre la déclaration du président de la République devant les auditeurs de Justice, et son approbation du mouvement des juges par décision unilatérale du ministère de la Justice. Le citoyen qui est le plus concerné ne sait plus à quel saint se vouer. En effet, comment peut-il revendiquer ses droits en l'absence d'une institution judicaire indépendante ? Il est en effet, énoncé dans la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, que les principes de l'égalité devant la loi et la présomption d'innocence, sont les bases du droit qu'a chaque personne pour sa défense. La loi a pour but de contribuer à la consolidation de ce droit, et son application doit être confiée à un tribunal indépendant et impartial. Le juge qui se prononce en dernier ressort sur les libertés et les droits et les devoirs doit statuer librement et sans subir d'influence ni d'ascendant, de quelque nature que ce soit. A défaut et si le juge subit l'hégémonie de l'exécutif, il ne peut être ni objectif ni impartial. Le respect de la loi, de quelle façon ? Suite aux derniers événements qui ont dégénéré à l'émeute, donnant plusieurs morts et blessés parmi les membres de l'ordre et les civils, les membres de la Troïka ont déclaré dans un communiqué commun, que l'Etat s'engage à protéger les fondements de la sécurité du territoire national, et ce dans le cadre de la suprématie de la loi... » Côté gouvernants, il n'y a actuellement que des projets ou plutôt des promesses. Le ministère de la Justice a entamé une action de réforme de la magistrature allant dans le sens de l'assainissement et de l'indépendance de ce secteur chargé de l'application de la loi. Une instance provisoire pour l'indépendance de la magistrature devait recevoir l'approbation de la Constituante, mais dans cette attente les procédés de l'ancien régime ont encore cours. Le ministère des droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle œuvre de son côté à la préservation des droits et des libertés, et au respect de l'intégrité physique des citoyens Celle-ci ne peut être réalisée qu'à travers une Justice saine, qui s'exerce à l'abri de toute intervention ou ingérence, toujours au niveau de la parole, car il n'y a rien de concret encore. Le ministère de l'Intérieur est résolu quant à lui à combattre par tous les moyens tout extrémisme, afin de préserver la sécurité des citoyens. Cependant la recrudescence de la violence est de nature à rendre le citoyen dubitatif quant à ces promesses qui tardent à se concrétiser. Côté citoyen il faut conjuguer les efforts afin de parvenir à un consensus national : Celui d'éviter le chaos au pays, afin de démontrer, aux occidentaux qui pensent insidieusement que la Tunisie peut se « talibaniser », et aux ennemis de la Révolution qui pleurent Ben Ali, que notre société a toujours été modérée et pacifique. Pour preuve, la liberté du culte qu'a connue le pays depuis des siècles. La suprématie de la loi, l'a toujours emporté. C'est le fondement même des préceptes de l'Islam, concrétisés par plusieurs versets coraniques, dont notamment celui où il est énoncé : «O Humains ! Nous vous avons créés à partir d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d'entre vous est le plus pieux. » Notez bien que Dieu s'adresse aux humains et non spécialement aux musulmans, et la piété citée dans ce verset, est la droiture, et le respect des hommes entre eux.Voyez qu'il n'y a aucune incitation à la haine ni à la violence, et aux préjugés.