Un diplôme 4 ans après de bons et loyaux services. Un diplôme en quoi au juste ? Les célèbres Béchir Ben Hassen et Abou Jihad Kamel Marzouk revêtent le tablier des précepteurs..
Tout passe par l'éducation et se construit à travers l'enseignement. Mais quand le projet est d'ordre politique ou théologique, ou bien les deux à la fois, il n'y a pas mieux que de miser sur la postérité par le biais la plus sainte et la plus honnête des professions : l'enseignant.
Et pour mieux accaparer la matière grise des jeunes et modeler les esprits, il suffit de toucher aux convictions les plus intimes, telle que la religion.
Dernier rejeton de la «Révolution tunisienne», une école baptisée «Université El Imam Maliki pour les sciences chaariques » qui ouvrira ses portes aux gens censés et sensés être plus pieux qu'autrui ce premier octobre.
Un diplôme non certifié pour les prédicateurs de demain
Pour en avoir le cœur net, Le Temps a appelé le numéro qui figure sur le flyer. . La «rentrée» aura lieu le premier octobre. Mis à part la paperasse usuelle (photos, carte d'identité et autres), il faudra d'abord payer 30 dinars pour l'inscription annuelle et 20 autres chaque mois. Quant aux matières, le programme est bien riche de doctrines et de philosophies théologiques religieuses et abstraites. Durant 4 ans, les futurs illuminés pourront optimiser leur chance pour obtenir un diplôme dont le nom, la grille ou le niveau «n'est toujours pas fixé». A notre question : est-ce que ce diplôme est certifié par l'Etat ou pas ? Notre interlocuteur nous déclare que, pour l'instant, ils sont encore au stade des pourparlers avec le gouvernement.
Bien évidemment, le mélange des deux sexes est prohibé. La séparation est sacrée. Ces jeunes apprentis de la religion auront la chance inouïe d'être éduqués par les grands pédagogues et orateurs connus pour leur tendance wahhabite et très conservatrice à l'instar du célèbre Béchir Ben Hassen, Abou Jihad Kamel Marzouki, Houcine Chaouat et Hatem Boussema
Le projet d'islamisation forcenée et furibonde du pays a commencé et va bon train.
Après les écoles coraniques et les garderies islamiques ou «halel» qui ont connu une floraison hallucinante et patente cette année, c'est au tour aujourd'hui des institutions qui prétendent professer les préceptes de l'Islam. Si dans le premier cas, c'est l'enfance qui est sur la ligne de mire, pour ce qui est des nouveaux établissements, il s'agit d'apprivoiser la force vive de la jeunesse, cœur battant de toute société. L'école des temps modernes de la Tunisie post-révolutionnaire, anciennement socle de tous les savoirs, semble se rétrograder et s'orienter vers un objectif politico-religieux : façonnement des cerveaux de sorte qu'ils obéissent aux pseudos dogmes et règles de l'Islam.
Ce qui intrigue, ce ne sont pas les matières qui seront enseignées, car quoi de plus normal que de vouloir s'instruire ou d'avoir une culture islamique ? Ce qui étonne plutôt ce sont les noms de certains des précepteurs dont certains d'entre eux sont connus pour leur penchant au «takfirisme». Un courant qui prône la répression et la violence et dont le concept veut que tout non-musulman soit tué. Ce phénomène l'analogue moderne des Kharijites. Ils sont un mouvement religieux, qui au VIIe siècle, livra une guerre contre le calife Ali ibn Abi Talib et finit par l'assassiner.
«La liste des matières n'est pas encore fixée. Le Cheikh Béchir Ben Hassen enseignera «Al Aquida» (la croyance), le Cheikh Kamel Marzouki et Abou Jihad instruiront «Al Fekh» (la jurisprudence de l'Islam). Nous avons, notamment prévu des cours sur l'exégèse du saint Coran.» nous renseigne notre interlocuteur.
Si les diplômes ne sont encore pas certifiés et reconnus par l'Etat, les apprentis prédicateurs pourront tout de même avoir un doctorat en sciences chaaraîques. Effectivement, la personne au bout de la ligne nous informa que «Nos inscrits pourront étudier de 4 à 8 ans jusqu'à l'obtention de leur maîtrise, master ou doctorat.»
Les cours auront lieu après les heures de travail et durant les week-ends. Les étudiants ont une promotion pour les encourager à s'inscrire et ne paieront que 10 dinars par mois. Tout semble parfait. Après tout, qu'est-ce qui empêcherait tout un chacun de vouloir, même par curiosité, s'approfondir ou à mieux connaître sa culture religieuse et les règles de l'Islam. Ce qui est préoccupant c'est plutôt le choix non aléatoire des précepteurs. Quel projet se cache derrière la création de cette «université» ?