Aujourd'hui, nous présentons trois « randos » pédestres de 4 à 5 kilomètres environ chacune qui peuvent, mises bout à bout, deux à deux, constituer une belle promenade à V.T.T., qui peut être coupée en son milieu, par une grande baignade à Ras Fartas, sur la côte Nord-Ouest du Cap Bon. Elles peuvent être parcourues en toutes saisons, même à pied.
LA RANDO AMBIGUË
Sur la route menant à Korbous, tout le monde connaît la « bouche » d'une grande piste, encadrée de deux murets, auxquels a été suspendue une plaque indiquant qu'il s'agissait d'un terrain militaire. Elle est située presque au sommet du Col du Douela, à droite, en regardant vers Korbous. A gauche de la route, croît une belle forêt artificielle de pins et d'eucalyptus, fréquentée, dès les premiers beaux jours, par de nombreux amateurs de pique-nique.
La plaque et la chaîne qui la relie aux murets, apparaissent et disparaissent à intervalles très irréguliers. La seule chose qui soit certaine est que les automobilistes ne peuvent plus emprunter cette piste qui menait jusqu'à Ras Fartas. Un camp militaire, datant de la Campagne de Tunisie, un moment abandonné, a été réoccupé. Les soldats qui y logent interdisent la fréquentation de la piste parce qu'on est sur un « terrain militaire ».
Mais, comme il n'existe pas de clôture ni de panneaux indicateurs et que de nombreux bergers font paître leurs troupeaux, on peut, à condition de ne pas rencontrer de soldats – qui ne peuvent pas être partout ! – gagner le sommet des collines qui forment Ras Dourdas. Le spectacle est absolument magnifique. On est pratiquement à la même latitude que Sidi Bou Saïd. Tout le golfe de Tunis s'étend au pied de pentes très escarpées. Les fonds marins atteignent ici 40 mètres à quelques centaines de mètres du rivage, aussi la mer est-elle d'un bleu profond orné de « virgules » nacrées que le soleil fait étinceler. Ces fonds sont extrêmement poissonneux et on y capture d'énormes mérous, de grands « pagres » roses et de très beaux dentés.
A partir de Ras Dourdas, on peut, en restant sur la ligne de crête, ce qui n'est pas toujours facile, rejoindre Ras Fartas en 4,5 kilomètres environ. A gauche, c'est la mer, à droite, c'est le maquis parfumé. On chemine pratiquement parallèlement, à la « piste interdite », à 2 ou 300 mètres à sa gauche, le long de « sentiers de chèvres ». Le terrain est tellement accidenté que même s'il y avait des soldats sur la « piste », ils ne pourraient pas deviner une présence si on ne fait pas de bruit.
D'ailleurs, est-ce vraiment interdit ? Aucune Autorité consultée n'a pu – voulu – nous en dire davantage que ces phrases : « C'est un camp et un terrain militaire. Il est interdit de circuler sur ce terrain ». Mais, jusqu'où s'étend-il ?
On n'est pas au bout de ses surprises dans cette « rando ambiguë » parce qu'il nous est arrivé, parfois, de rencontrer des « gens » – qui ne nous ont pas dit qui ils étaient, ni au nom de qui ils parlaient ! – qui nous ont déclaré que le terrain aux alentours de Ras Fartas, désigné d'un grand geste vague, était interdit parce que l'ON allait y construire un grand complexe touristique. Ce qui nous a surpris, pour le moins. Depuis, d'ailleurs, un certain nombre de grandes demeures ont été bâties, des pistes tracées et des clôtures posées ! Un petit barrage a été construit. Des touristes étrangers séjournent très discrètement.
LA PISTE DE L'OUED
On peut aussi atteindre Ras Fartas sans jouer à cache-cache avec les militaires ni avec des « gardiens » mais en se privant du spectacle de la mer, à partir du village du Douela. A 7 ou 800 mètres au Nord de ce bourg, commence la vallée encaissée d'un petit oued, à sec : l'Oued Bou Mia, nous a-t-on dit. C'est le seul oued remarquable du lieu.
Une piste longe sa rive droite. A bout d'1,5 kilomètre environ, on arrive à un ancien point d'eau, aujourd'hui aménagé, appelé Guelta Ezzarga. En continuant à suivre la vallée de ce cours d'eau, qui s'appelle ici l'Oued Hammam, on arrive, au bout de 3 kilomètres environ, sur la plage située au pied Est de Ras Fartas. La « rando » pédestre n'est pas des plus facile.
Mais, l'endroit, désert encore il y a quelques années, mérite le déplacement : la vue sur le Ras Fartas est magnifique. On peut passer un moment à rechercher, si elles existent encore, les fondations des fortifications que les Carthaginois y avaient construites.
On peut aussi, le long de la plage, rechercher les derniers vestiges d'un établissement punico-romain. Les morceaux de béton rose caractéristique, masqués par les broussailles épineuses, permettaient de le découvrir. Il devait y avoir, là, un atelier de construction marine car nous avons trouvé sur place une quantité de grands clous en bronze, de section carrée, utilisés même dans les marines modernes en bois.
LES PISTES AGRICOLES
Pour arriver à Ras Fartas, on peut aussi partir des environs de Port Prince. Les randonneurs traverseront, par des sentiers de chèvres, longeant la mer, les 2,5 kilomètres environ du Kef El Keraf, pas trop vallonné et couvert d'un maquis très dense.
En début d'été, on « pousse » souvent devant soi, une perdrix accompagnée de ses poussins, gros comme un poing, qui courent derrière leur mère. On arrive dans la vallée d'un tout petit oued dont les alluvions ont formé une plage minuscule. Il ne reste plus qu'à continuer à suivre la ligne de crête des petites falaises qui tombent du Jebel Erressas sur 7 à 800 mètre environ pour arriver à l'extrémité Est de la plage de Ras Fartas.
Bien sûr, des quantités de gens vous diront que les « randos » que nous venons de proposer sont ineptes parce qu'on peut arriver à proximité immédiate de cette plage en voiture. Mais, ces automobilistes ne goûteront jamais – peut-être n'aiment-ils pas, parfois, faute de connaître – le plaisir de marcher ou de pédaler, seul ou avec des amis, en pleine campagne.
D'abord, ils ne verront jamais, les petits îlots brodés d'argent par les vagues, qui bordent une grande partie de la côte à partir de Port Prince. Ils n'apprécieront pas, le ballet des petites mouettes à tête noire et des grands goélands argentés planant le long du rivage.
L'azur est rayé constamment par les hirondelles et les martinets tout noirs. Il paraît que ces derniers passent leurs deux à trois premières années sans se poser ! Ils dorment en volant ! Au fur et à mesure qu'on avance les alouettes mais plus souvent les cochevis huppés s'élèvent à la verticale, se maintiennent en l'air à petits coups d'ailes très rapides et chantent une mélodie aux notes suraiguës. Quelquefois, on découvre le « garde manger » d'une pie grièche (Boubchir). Elle empale ses proies : sauterelles ou petits lézards sur les épines d'un calycotome « soyeux » (Guendoul) dépourvu de ses fleurs d'or en cette saison. Dans les maquis qui embaument au soleil, il n'y a plus guère que les derniers « chardons » dorés, les « boules bleues » des « oursins bleus : Echinops ritro » et les asperges sauvages saupoudrées de blanc qui mettent encore quelques tâches de couleur dans ces buissons d'un vert bronze. De très nombreux papillons aux ailes bariolées semblent des fleurs « animées ».
Le spectacle de la Nature n'intéressent pas les conducteurs d'automobiles ou de gros 4x4, pourtant, toujours prêts à débattre de la protection de l'Environnement, de la biodiversité et des médecines douces à base de plantes. Ils aiment leurs aises. Nous nous contentons souvent, sur la plage, d'un casse-croûte et d'une bouteille d'eau pas tellement fraîche après être restée des heures dans le sac. Mais, dans cette région, dans tous les villages, une rôtisserie, dont la fumée au parfum de grillades fait venir la salive à la bouche, vous accueillera. Après deux ou trois heures de marche et une longue baignade, l'appétit ne manquera pas !