Aujourd'hui, nous proposons des promenades intéressantes à tous les curieux et aux gens qui envisagent de séjourner un moment en Khroumirie. Nous allons nous promener sur et autour d'un piton rocheux appelé soit Kef El Bled soit Kef El Blida situé près de la route joignant Béja à Aïn Draham. C'est une des contrées les plus « sauvages » et les moins fréquentées de la Khroumirie.
La petite route de montagne que l'on emprunte juste à l'entrée Ouest du bourg d'Ouchtata, à proximité de l'aéroport international de Ras Rajel / Tabarka et qui mène jusqu'à Aïn Snoussi, est de loin, à notre avis, la voie d'approche la plus pittoresque en toutes saisons.
Très vite après le carrefour avec la route de Tabarka, on se met à escalader, en zigzag, de belles pentes boisées, on dépasse quelques villages et on se retrouve en pleine nature, isolé, parce que les autos qu'on croise sont fort rares.
En hiver, les belles forêts qui couvrent en particulier le Jebel Guessaa (805 mètres), tapissent les pentes d'un vert profond en harmonie avec les cieux tantôt bleu roi tantôt gris sombre.
Au printemps, et jusqu'au début de l'été, d'innombrables ruisselets murmurent dans les sous-bois de la Khroumirie gorgée d'eau. Les chants des coucous, se mêlent aux cris des geais des chênes, aux martèlements des pics et aux roucoulements des palombes. Durant la saison estivale, après la floraison des myrtes, des arbousiers et des bruyères arborescentes, les grandes fougères : les osmondes royales, qui sont parmi les plantes terrestres les plus anciennes – on en trouve des fossiles dans les houilles de l'ère primaire ! – déploient la spirale de leurs « crosses » aux feuilles délicatement découpées dans la pénombre des sous-bois.
Chemin faisant, on passe au pied de la « R'chèda touila » : une des plus grosses « pierres dressées » – pour ne pas écrire « menhir » ! – de Tunisie. Les traces blanches de chaux sur sa base, quelques pièces de monnaies laissées dans une anfractuosité où, parfois, une bougie finit de se consommer, prouvent qu'elle est le lieu d'un culte rural. C'est un lieu « sacré » puisque sur chacune des trois hauteurs voisines se dresse une Koubba. Puis, en arrivant à Aïn Snoussi, on tourne à gauche, sur la grande « Route des chinois », vers Béja. A quelques centaines de mètres de ce carrefour, on découvre, à gauche, une petite route relativement récente. Elle conduit par monts et par vaux, à un hameau, aux maisons éparses dominées par le piton rocheux de Kef El Blida.
Un autre itinéraire est tout aussi intéressant. On emprunte, à la sortie du bourg de Ouchtata, après avoir traversé l'extrémité de la retenue du barrage sur l'Oued Zouara, une petite route qui aboutit d'abord au village de Zaga aux sources abondantes, aux tombeaux rupestres : des « haouanet » et aux vestiges d'une citadelle d'époque byzantine. A lui seul, il mérite une visite !
Puis, la petite route escalade, en zigzag serrés, les flancs du gros Jebel Zouza, passe par un col, longe la « racine » d'un « éperon » montagneux sur lequel subsistent les ruines d'un village protohistorique, s'enfonce dans une belle forêt de chênes lièges et en ressort à flanc de colline. Quelques centaines de mètres après l'orée des bois, une voie, très carrossable, mi-route, mi-piste, suivant l'importance de son entretien, s'ouvre sur la droite et conduit à Kef El Blida.
Si l'on vient d'Aïn Draham ou de Béja, le « point remarquable » est le hameau d'Aïn Snoussi où se trouve le carrefour avec la route de Tabarka et un peu avant (ou après !) le carrefour avec la route de Kef El Blida.
Les randonnées
Pourquoi aller spécialement à Kef El Blida alors que la Khroumirie et les collines des Mogods sont tapissées de Haouanet ? D'abord parce que le site est curieux. Ce piton, aux « parois » presque verticales, a certainement été perçu comme un lieu sacré facile à défendre, où ont été creusés les tombeaux des familles des « Chefs ». Des sépultures prestigieuses ? Certainement, puisque l'une d'elles est ornée d'une des plus belles peintures pariétales connues. Le bateau qu'elle représente, son gréement, les hommes qui le montent et leurs armes reflètent une influence punique indéniable. Le personnage, debout à l'avant du bateau, armé d'une hache à double tranchant et ... d'un bouclier – qui prend des allures de cadran solaire ! – est-il un dieu qui « menace », « chasse » ou « dirige » un autre personnage, représenté à l'horizontale, coiffé d'un bonnet « hérissé » ? Ce dernier semble nager ou voler vers ... le séjour céleste des « âmes ». Le bas de la peinture est particulièrement difficile à interpréter ainsi que la « frise » qui orne la paroi de droite, qui pourrait représenter une « farandole ». Un ou deux autres haouanet sont décorés de peintures assez abîmées. Toutes pourraient dater du Vème siècle avant J.C. environ.
A partir du site de Kef El Blida, situé 40 G 96' N ; 7 G 38' E, on peut, dans le cadre d'une randonnée facile, se rendre d'abord au lieu-dit Msatria situé à un peu plus d'un kilomètre à l'Ouest. Après une marche en forêt, qui peut être guidée par n'importe quel gamin du village, on découvre un hanout isolé, creusé au sommet d'un gros rocher isolé appelé « Souttara », situé 40 G 96' N – 7 G 38' E . Quelle mystérieuse raison a poussé les gens à escalader la paroi pour entrer dans le hanout, si souvent que le seuil en a été creusé ? Ensuite, on peut aller découvrir en pleine forêt, un autre hanout isolé appelé Ghorfet El Misk situé à 800 ≈ 1000 mètres au Sud de Msatria. Le site est au 40 G 96' N – 7 G 38' E. L'ouverture se trouve au ras du sol, alors que le sommet du rocher a été creusé d'une petite « cuvette » et de « rigoles d'écoulement », déjà remarquées sur certains haouanet du Jebel Mangoub en particulier. De là, on peut regagner Kef El Blida ou, si l'on est pas fatigué, on pourrait aller jusqu'à l'ensemble des haouanet situé à proximité du marabout de Sidi Romdhane dont les coordonnées sont 40 G 96' N ; 7 G 35' E.
Une marche de 2 à 3 kilomètres, suivant le « guide » choisi ou les sentiers empruntés, 7 à 8 kilomètres en tout, voire un peu plus, pour faire tout le tour. C'est une randonnée d'une demi-journée au sein de collines dont l'altitude varie de 550 à 700 mètres environ, dans un environnement préservé, presque sauvage.
On est entouré de grands chênes-lièges aux frondaisons majestueuses. On chemine dans un sous-bois touffu de myrtes, d'arbousiers, de ronces et de clématites. Que les citadins se rassurent : quoi qu'en disent les « chasseurs », en plus de 50 ans de promenades en Khroumirie, nous n'avons jamais été chargé par un sanglier. Ils s'enfuient, à grand bruit, à notre approche ! Par contre, au cours d'une marche à pied, discrète et relativement lente, on remarque beaucoup de « choses » : au printemps, le limodorum abortivum, une magnifique orchidée à la tige et aux fleurs mauves. Des botanistes ont écrit que celles de Tunisie s'autofécondaient parce que leurs fleurs ne s'épanouissaient pas. Nous avons toujours constaté le contraire. Nous avons admiré le plumage roux et turquoise des Martin pêcheur le long du filet d'eau qui serpente dans l'Oued Sidi Romdhane en particulier. Le long des troncs des vieux chênes zéens, on peut, en s'approchant silencieusement, guidé par le son des coups de bec, observer le pic de Levaillant au plumage bariolé de tâches blanches, noires et rouges et le pic vert, couleur de jade et au « masque » noir.
La Khroumirie offre aussi, des parties de chasse à la palombe : le pigeon ramier, à la bécasse ou au sanglier. Elle est, à juste titre, réputée pour son climat, ses plages, ses montagnes couvertes de forêts touffues et giboyeuses ainsi que pour son patrimoine historique et culturel exceptionnel.