Depuis le mois de juillet dernier lors du premier congrès d'Ennahdha tenu dans la légalité, la question du remaniement ministériel a été évoquée. Où en est-on quatre mois après ? Depuis un bon bout de temps, Ennahdha, ne cessait de parler d'élargissement de la coalition gouvernementale à d'autres partis politiques. Il faut dire que l'affaiblissement d'Ettakattol avec la cascade de démissions qui l'ont lessivé ajouté à la mauvaise posture du Congrès pour la République (CPR) avec la scission qu'il a connue, peuvent inciter les stratèges d'Ennahdha à penser à d'autres alliances supplémentaires. Des contacts ont été entrepris avec bon nombre de forces politiques. Quand est-ce qu'aura lieu ce fameux remaniement ? Le chef du Gouvernement provisoire Hamadi Jebali avait parlé de la nomination d'un ministre des Finances et d'autres ministres. Depuis la démission de Houcine Dimassi, le 27 juillet, son ministère continue à être géré par un ministre intérimaire. Mohamed Abbou, ministre de la Réforme administrative avait annoncé, samedi 30 juin 2012, sa démission du gouvernement. Il avait confié les dossiers de son ministère à son collègue Abderrahmène Ladgham chargé de la Gouvernance et la lutte contre la malversation. Depuis personne n'a été nommé à sa place. Les ministres détenant des postes de souveraineté, comme l'Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères ne font pas l'unanimité. Beaucoup de voix dans l'opposition veulent le changement et avant les prochaines élections pour éviter toute éventuelle intervention du pouvoir exécutif dans le déroulement des élections. Le Congrès pour la République, membre de la Troïka avait exprimé ses réserves à propos de l'action gouvernementale et conditionné son maintien au sein de l'alliance au remaniement ministériel à réaliser. Le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi a révélé des contacts avec le parti Wafa dirigé par Abderraouf Ayadi (un dissident du CPR) et le Parti Républicain dirigé par Meya Jéribi. L'éventualité d'un accord imminent ne serait pas à écarter. Le Parti Républicain dément tout contact officiel avec Ennahdha et se montre désintéressé par une participation au Gouvernement. Al-Joumhouri revendique la neutralisation des ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Issam Chebbi, porte-parole du parti Républicain ne se prive pas de répéter au Temps et à d'autres organes, sa négation de tout contact pour intégrer le Gouvernement. « Au parti Républicain, nous nions l'existence de pourparlers. Personne ne nous a contactés. S'il s'agit de chercher un consensus sur une feuille de route, le problème est toujours posé. Il est nécessaire de se mettre d'accord pour clarifier l'avenir. Il y a eu des contacts informels entre membres nahdhaouis de la Constituante et des membres du bloc démocratique et du parti Républicain. De là à parler d'élargissement de la coalition gouvernementale, c'est aller trop en besogne. Au sein du Parti Républicain, il n y a de contacts ni avec Ennahdha ni avec les autres composantes de la Troïka ». Naceur Brahmi, membre du bureau exécutif du Mouvement Wafa a nié sur les ondes de Radioexpress FM, une probable alliance de son mouvement avec la Troïka, en indiquant que le mouvement Ennahdha n'a satisfait à aucune revendication de la Révolution. Il dit : « Nous considérons que la Troïka s'est engagée dans une orientation sur laquelle nous ne sommes pas d'accord. Au moment de la composition du Gouvernement, il n' y avait pas de programme. Il ya eu une opération de partage de portefeuille. Les choses sont restées entre les mains d'Ennahdha. La même politique du Gouvernement Béji Caïd Essebsi a été appliquée. Nous n'avons aucune intention d'entrer au Gouvernement...Nous ne voulons pas assumer les erreurs commises dans la période passée». Dans une déclaration à l'agence TAP, Slim Boukdhir porte-parole de Wafa a affirmé que son mouvement n'a eu aucune proposition de rejoindre la coalition gouvernementale. Toutefois, Slim Boukdhir reconnaît que cette possibilité a été examinée lors d'une rencontre entre les dirigeants des deux partis, il y a trois mois. De son côté Samir Taïeb, porte-parole d'Al-Massar avait confirmé qu'il y a eu des contacts d'Ennahdha avec Al-Massar et Al-Joumhouri. « Nous refusons d'entrer au Gouvernement actuel. Nous n'en voyons pas l'utilité. Nous insistons sur la neutralisation des ministères de souveraineté et le commencement dans la résolution des dossiers urgents », dit-il. Pour nombreux observateurs, par ses appels au pied-levé à Al-Massar et au Joumhouri, Ennahdha cherche à isoler Nida Tounès après que les contacts de ce parti avec le PR et Al-Massar ont atteint un stade très avancé. On peut en déduire que l'opposition et le gouvernement cherchent à s'affaiblir mutuellement. Comme on parle depuis des mois d'un remaniement qui ne survient pas, l'hypothèse de la manœuvre politicienne gagne de plus en plus de terrain. La Troïka acceptera-t-elle de céder des ministères de souveraineté ? C'est très difficile, voire impossible. Au rythme avec lequel traînent les travaux de la Constituante, la Troïka pourra passer encore deux ans au pouvoir.