Il y a un peu moins de deux ans, les Tunisiens se souciaient de réaliser les objectifs de leur Révolution. Ensuite, il leur fallut des « milices », des « comités » et une « Ligue » pour la protéger. Aujourd'hui, c'est toute la Troïka qui se mobilise pour « immuniser » ou « fortifier » cette pauvre révolution qui, en définitive, s'avère bien plus fragile qu'un château de cartes et qui, manifestement, ne peut pas faire un pas sans bonne escorte ni vigiles et gardes du corps suffisamment dissuasifs. Qui osera maintenant contester la légitimité du nouveau « comité supérieur », chargé d'édifier forteresses, remparts, donjons, murailles, boucliers, bastions, enceintes, haies, herses, fossés autour de la citadelle « Révolution ? L'Opposition qui revendiquait la dissolution des « comités » protecteurs de la Révolution sera à court d'arguments le jour où le Conseil National Constitutionnel confiera démocratiquement à Ennahdha et à ses alliés « stratégiques » ou épisodiques la protection, l'immunisation et la fortification de la Révolution! Avec des attributions aussi peu contestables, Ennahdha and Co sauront, avec l'aide de Dieu, réduire à quia les « méchants » qui veulent mettre en péril la vie et la pérennité du bébé Révolution, âgé d'à peine deux ans !
Recommandations Pour commencer, nous recommandons d'accrocher un exemplaire en miniature d' « El Hisn al Haçine » quelque part entre les sous-vêtements du nourrisson. Eviter bien sûr de le suspendre à un coin des couches absorbantes portées par l'enfant, à cause des impuretés entreposées à toute heure au creux du linge. Comme autre « h'jeb » contre le mauvais œil des envieux, on peut fixer une amulette contenant des versets de la sourate d' « El Koursi » au coin droit de la grenouillère. Mais attention là encore, car il faudrait éloigner le talisman le plus possible des souillures qui dégoulinent sur le bavoir. Dans la chambre du poupon, multiplier les exemplaires du Coran et accrocher partout des posters des Lieux Saints, encenser les lieux de « bkhour »et faire tourner le kanoun sept fois au-dessus de la tête du bébé endormi ou éveillé. Evoquer sans cesse le nom de Dieu, celui du Prophète et ceux des Saints à chaque geste, à chaque soin entourant l'angelot. En même temps, ou immédiatement après, maudire les Rcdistes connus ou qui risquent de le devenir, jeter l'anathème sur Nida Tounès, sur les partis destouriens, sur l'UGTT, sur Ettounoussia. Organiser régulièrement des « hadhras » et des « hizb latif » dans l'espoir d'accroître la baraka dont peut profiter la Révolution et ses multiples protecteurs. Faire appel, s'il le faut, aux troupes des Issaouias pour exorciser les démons susceptibles d'habiter leurs corps.
Des remèdes à prescrire Sur le plan de la recherche scientifique et médicale, songer à financer toutes les expériences capables de déboucher sur l'invention d'un vaccin contre Sida, pardon contre Nida Tounès et contre la rechute dans le Rcdisme ! Autre urgence : un remède anti-complot, un médicament anti-médias de Ben Ali, un antifongique contre les femmes démocrates, un sirop contre la Ligue des Droits de l'Homme et une pommade contre les salafistes insubordonnés. Si la Révolution souffre déjà d'ankylose ou d'arthrose, penser à lui prescrire le fauteuil roulant ou la minerve convenables. Lui administrer Fervex si elle est grippée, du Primpéran si elle a le reflux gastrique, Diarsed si elle a des diarrhées et Débridat en cas de flatulences malodorantes. Si elle bégaie, prenez un rendez-vous chez l'orthophoniste. Au pire des cas, quand elle étouffe par exemple, ou qu'elle ne respire plus du tout, la maintenir en vie artificielle. Ses protecteurs y ont beaucoup à gagner ! Quel avenir pour un « gardien » de la Révolution si celle-ci venait à disparaître : même la SOGEGAT ne l'embaucherait pas. La Révolution ne doit pas périr : elle fait vivre des milliers, des millions de Tunisiens. Répartie en autant de fonds de commerce, elle se fait dorloter par une population de plus en plus nombreuse de parrains et de marraines. Il y en a qui la promènent en landau ou en poussette où qu'ils aillent, même aux W.C. Pendant la récente session des Journées Cinématographiques de Carthage, elle se fit inviter (sans badge ni faire-part) à toutes les projections, à tous les débats, ateliers et rencontres, et bien entendu aux cérémonies d'ouverture et de clôture. Pourvu que ça dure, veinarde Révolution tunisienne !