Quand le son de la résistance sonne, on ne demande pas au public de se taire pour écouter, on augmente le volume de la musique, personne ne reste assis et tout le monde participe, chante et bouge pour Gaza, pour Siliana, toutes les causes sont bonnes pour ne pas rester assis. Le concert « Edward, Chkoun? » ou « Edward, Qui ? », allusion au grand penseur américain d'origine palestinienne, Edward Saïd, dont le portrait figure sur l'affiche, est le concert qui vient conclure un atelier de réflexion de deux jours dans le cadre de la manifestation «Interpréter les révolutions : commentaires sur l'Histoire spirituelle et le futur des soulèvements contemporains ». Initié et organisé par la Haus der Kulturen der Welt (HKI) en coopération avec El-Teatro, l'atelier a rassemblé des théoriciens, des artistes et des militants de s'engager à commenter, interpréter et questionner l'histoire et l'avenir des révoltes qui ont éclaté dans plusieurs pays arabes, puis d'autres parties du monde, au cours des deux dernières années.
Free Gaza, Free Siliana Tribute to Gaza est le morceau qui a marqué le début de ce concert emblématique sous le signe de la résistance artistique permanente de deux pays connectés sur la même scène. Le Dj Nair lance la cadence avec un mixage qui nous laisse distinguer les complaintes d'un jeune garçon palestinien, accompagnées de projections d'images de bombardements des territoires occupés et de quelques extraits des discours du président Abbas. Armada Bizerte, un des groupes pionniers de la scène underground Tunisienne et groupe phare du rap tunisien contestataire, envahit la scène avec le morceau « Free Artiviste », chanson hommage aux prisonniers de la pensée libre, ces rappeurs engagés qui ont propagé la vague de la révolution et qui se sont retrouvés derrière les barreaux. S'en suit ensuite un remake de la chanson I Got The Sheriff. Entre deux couplets, Siliana fut à l'honneur, la résistance fut acclamée, Siliana fut encore et encore saluée.
Interdit de voyage Thameur Mekki, un des organisateurs du spectacle événement, monte sur scène pour justifier la non présence du groupe palestinian Unit dont les membres, résidents de Gaza et Ramallah, sont sensés être les invités d'honneur du concert et de ses principales protagonistes. La participation de Palestinian Unit a été en effet malheureusement annulée car leur demande de visas a été refusée à l'Ambassade Tunisienne à Gaza. « Interdit de voyage », une version remixée du la chanson de Cheik Imam « Mamnouû mina Assafar » leur a été directement dédiée en précisant que la musique n'a pas de frontières et ce n'est parce qu'ils ne sont pas là que l'hommage ne va pas leur arriver. Le concert « Attentat Musical », comme on l'a surnommé, se poursuit avec l'intervention tout en agitation et en mouvement d'une nouvelle icône du Hip Hop tunisien alias Vipa qui s'est connu grâce à ses textes décalés. En plus de quelques morceaux inédits, il a repris sur scène des anciens hits que tout le public n'a pas hésité à reprendre en chœur.
La parole libre poursuit son chemin Avant de laisser la scène au collectif Check point 303, un invité surprise a marqué sa présence, un des taggeurs du groupe « Zwewla » arrêté le samedi 03 novembre car il était entrain de dessiner des graffitis sur un mur à Gabès dénonçant la pauvreté et l'injustice. Il vient rappeler que les deux jeunes artistes passeront devant le tribunal le 5 décembre 2012 et que la parole libre a encore du chemin à parcourir. La scène est laissée ensuite pour le groupe Check Point 303, le projet musical activiste, lancé par le Tunisien SC Mocha et le Palestinien SC Yosh en 2004 qui occupe une position d'avant-garde sur la scène musicale underground arabe et dont les compositions sont inspirées par le conflit au Moyen-Orient et la souffrance des populations de la région. Ils proposent une musique électro et expérimentale empreinte de quelques touches d'airs orientaux. Ils ont également conçu un morceau hommage à Edward Saïd, qui en plus de sa casquette de théoricien littérature, il est un grand passionné de musique.
En effet, il est à l'origine d'une fondation visant à promouvoir la paix au Proche-Orient par le biais de la musique classique. Avec son ami le chef d'orchestre argentin et israélien Daniel Barenboïm, ils forment un orchestre symphonique composé d'Israéliens et d'Arabes : l'Orchestre Divan occidental-oriental. Ce morceau intitulé « Saïd Guevara » où s'entremêlent les voix de Edward Saïd et Che Guevara veut démontrer que, ces deux penseurs, de manière radicalement différente, appuient les valeurs universelles de la justice, la liberté et l'égalité mais surtout la solidarité entre les peuples du monde et l'importance de s'unir et de rester debout, unis contre l'injustice. A travers la musique, la littérature, sur scène ou sur terrain, la parole qui s'est libérée, se lit et se chante encore et toujours plus fort, les acteurs du concert d'Edward Chkoun furent au rendez-vous pour nous le rappeler encore et toujours.