Il est incontestable que le rôle de l'UGTT a toujours été, dès sa création en 1946, influent sur la scène politique, bien qu'il fût au départ, à but syndical. Le contexte dans lequel il a été créé était très particulier. La répression des autorités coloniales était à son paroxysme. Un homme nommé Farhat Hached était un fervent défenseur des droits des travailleurs. Ce fils de marin, originaire de l'île de Kerkennah, employé dans une société de transport à 26 ans, en tant que convoyeur, a créé au sein de ladite entreprise un syndicat de base, affilié à la CGT (confédération Générale des Travailleurs) de Tunis qui était rattachée à la centrale syndicale française, d'obédience communiste mais qui négligeait les droits des travailleurs autochtones. Renvoyé de ladite société de transport en 1939 à cause de ses activités syndicales, il démissionne de la CGT, à laquelle il reproche de ne pas soutenir le peuple tunisien dans sa lutte contre le colonialisme. Après avoir créé l'Union des Syndicats du sud à Sfax, il crée en 1945 l'Union des Syndicats indépendants du Nord à Tunis. Partant de là il eut l'idée au cours d'un congrès réunissant ces deux syndicats, le 20 janvier 1946 de créer, avec Habib Achour entre autres, l'UGTT, (Union Générale des Travailleurs Tunisiens), un syndicat purement tunisien, se basant sur les textes de la CISL, qui le permettaient. Dès lors, Farhat Hached a décidé, dans l'intérêt des travailleurs tunisiens de mener un même combat que le reste des leaders du mouvement national pour la libération du pays du joug du colonialisme. Le droit du travail, pour l'abolition de toute forme d'esclavage Les droits des travailleurs font partie en effet, des droits de l'Homme, et ne peuvent être sauvegardés sous la domination coloniale, et la répression à outrance perpétrée par les occupants qui exploitaient les richesses du pays en violation de sa souveraineté et des droits de ses Hommes. Ce fut la raison pour laquelle Farhat Hached a été sauvagement assassiné le 5 décembre 1952, dans des conditions mystérieuses et non encore suffisamment élucidées à ce jour, mais qui en disent long sur l'importance de cet homme, déterminé à aller jusqu'au bout, jusqu'à la dernière goutte de son sang dans ce combat pour la liberté. Le droit des travailleurs est en effet, un droit pour la liberté, le colonialisme étant la pire forme de l'esclavage. Ceux qui ont pris la relève, au sein de l'UGTT,que ce soit Habib Achour, Ahmed Ben Salah, Mahmoud Messadi, Fadhel Ben Achour, et j'en passe, étaient tous des militants qui ont suivi la même voie et le même combat que ce leader, icône de la liberté que fut Farhat Hached. Malgré les quelques dissensions qu'il a pu y avoir en son sein, l'UGTT a toujours été solidaire de la cause du peuple, et ce, dès l'aube de l'indépendance, que ce soit sous Bourguiba ou sous Ben Ali. Nous gardons en mémoire, du moins pour ceux d'entre nous qui l'ont vécu, les évènements du jeudi noir le 26 janvier 1978, ou les émeutes du pain en 1984.
L'UGTT était comme un volcan crépitant de feu, malgré l'accalmie apparente due à la répression qui a sévi, pendant l'ancien régime. Une accalmie relative, à la capitale, alors qu'à l'intérieur du pays, que ce soit dans le bassin minier à Jérissa ou dans certaines régions où l'UGTT a continué à défendre les ouvriers opprimés et les travailleurs exploités, notamment dans certaines sociétés of shore, à la recherche d'une main d'œuvre à bon marché et installées un peu partout dans le pays. Ben Ali, qui était un homme de répression à outrance, a beau vouloir jongler pour contenir certains syndicalistes en usant de la politique de la carotte et du bâton. Si certains étaient tombés dans son piège, il n'en reste pas moins que l'UGTT a été au premier rang au cours des manifestations du 14 janvier 2011. Ben Ali dégagé, et les hommes qu'il essaya d'utiliser également, l'UGTT a réintégré le chemin de Hached. Une provocation qui nuit à l'intérêt Mardi dernier le siège du syndicat a été attaqué par des membres du « comité de protection de la révolution » qui ont perpétré des actes de violence causant de nombreux dégâts matériels ainsi que plusieurs blessés. La mémoire de Hached a été souillée par ces hommes qui ne cherchent nullement l'intérêt général. Qui sont ces agresseurs, et au nom de quoi agissent-ils ? Ils seraient vraisemblablement proches du mouvement Ennahdha, et cette attaque n'a fait que jeter de l'huile sur le feu, et augmenter la tension entre deux forces vives du pays. à savoir la centrale syndicale la plus puissante, et le parti vainqueur aux élections, en d'autres termes le parti actuellement au pouvoir. La réaction de l'UGTT ne s'est pas fait attendre, puisque la commission administrative dudit syndicat a décidé d'observer une grève générale dans tout le pays le jeudi prochain 13 décembre. Cela rappellent la situation où se trouvait le pays en 1978, la veille du 26 janvier, lorsque l'UGTT avait décidé d'observer une grève générale à travers toute la Tunisie. Parmi les revendications qui ont été rejetées à l'époque par le gouvernement, l'augmentation des salaires. Sauf que le gouvernement actuel est un gouvernement de la Révolution, alors qu'à l'époque c'était un gouvernement de dictature.
Le bras de fer qu'il y a eu à l'époque était dû à cette situation de faillite dans laquelle les gouvernants ne se souciaient guère de l'intérêt du peuple et se complaisaient dans une situation chaotique, avec un président sénile auquel on cachait la vérité. Ce fut cette situation qui a permis à Ben Ali, alors directeur de la sûreté de préparer le terrain pour réussir son complot et prendre les rênes du pouvoir. De nos jours ce bras de fer, n'a pas son lieu d'être, dans la conjoncture politique actuelle, où le gouvernement est censé émaner du peuple. Où sont les partis de la Troïka ? Que font nos élus à la Constituante ? ils se perdent en conjectures, en discutant des sexes des anges, au détriment de l'essentiel. Entre-temps, la rédaction de la nouvelle constitution, éternise et les élections fixées a priori pour le mois de juin prochain ne peuvent avoir lieu que dans un climat de paix et de sérénité. Le peuple ne sait plus à quel saint se vouer. La misère est galopante et le chômage ne fait qu'augmenter, alors que le dérapage sécuritaire prend de l'ampleur. Un compromis entre les antagonistes pourraient-il éviter le pire, dans l'intérêt général ? L'UGTT aurait posé certaines conditions afin d'annuler la grève générale en question, à savoir tout d'abord la dissolution de la ligue de protection de la révolution, d'où émane le mal , et qui est l'antinomie de toute protection quelle qu'elle soit . L'UGTT exigerait également la poursuite de tous les agresseurs qui ont perpétré des actes de violence en attaquant le siège de la centrale syndicale. Enfin, la dernière condition qu'aurait proposée l'UGTT, concerne la fixation d'une date pour les élections. Verra-t-on un jour le bout du tunnel ? C'est aux partis de la Troïka, ainsi qu'à nos élus de la Constituante à œuvrer dans ce sens, en collaboration avec les composantes de la société civile.