Ce n'est pas la première fois que le Cheikh Houcine Labidi investit par la force un site religieux de la Médina de Tunis et se l'exproprie au nom de la reconquête des bastions de la Zitouna. L'invasion récente de l'espace d'Al Khaldouniyya s'inscrit dans le cadre de cette « mission sainte » dont, à notre connaissance, aucune autorité religieuse officielle ne l'a chargé. Déjà l'été dernier, le même cheikh s'était attaqué à la Mosquée de la Zitouna dont il prit le contrôle en quelques minutes, en changeant les serrures et les cadenas de ses portes. Mercredi dernier, à Al Khaldouniyya, ses « troupes » recoururent à la même méthode et en un temps record accomplirent à la perfection leur travail de serruriers professionnels. Nous ignorions, jusque-là, que les artisans serruriers avaient leur « souk » dans le voisinage de la Zitouna. Grâce à la razzia d'Al Khaldouniyya, notre connaissance de la Médina de Tunis s'est enrichie de ce renseignement historique et urbanistique o combien précieux. Nous comprenons mieux maintenant, pourquoi les fabricants de clés et de cadenas ont quasiment disparu du centre-ville. C'est qu'il y a plus de boulot du côté de la Cité Zeïtounienne laquelle se mettra peut-être bientôt à l'heure des fermetures électriques et des ouvertures à code confidentiel ! Avis aux quincailliers de Tunis et aux sociétés spécialisées ! Des Etats dans l'Etat Si les reconquêtes de la Mosquée de la Zitouna et d'Al Khaldouniyya se sont (jusqu'à présent) déroulées sans trop de dégâts pour les expéditionnaires de la « sainte mission », ces deux succès éclatants sont de nature à enhardir le cheikh Labidi et ses conquérants afin qu'ils entreprennent leur prochaine incursion. Où ça ? Pourquoi pas à l'Institut Ibn Charaf, établissement qui autrefois faisait partie de la grande Cité zeïtounienne et où, jusqu'à hier encore, sont conservés de vieux placards datant de cette ère. Ces armoires y avaient été déposées depuis quelques mois en attendant leur transfert à Al Khaldouniyya. Maintenant que ce dernier espace est entre les mains de notre cheikh Labidi, et après les livres et les manuscrits, l'heure est venue de « récupérer » les meubles. Mais comme l'ancien lycée est bien plus vaste qu'Al Khaldouniyya, les envahisseurs éventuels doivent multiplier leurs effectifs par dix, cent, par mille même. De plus, les entrées de l'Institut sont nombreuses, il faut penser aussi à fournir en nombre conséquent les nouvelles serrures et les nouvelles clés. Pour ne pas avoir à expulser tous ses fonctionnaires, ouvriers, étudiants et enseignants, mieux vaut donner l'assaut tard dans la soirée. Cependant, toutes ces précautions seraient inutiles, si l'on garantit à l'expropriation de rester impunie comme les précédentes, et qu'elle trouve ensuite assez d'« avocats » pour la justifier ! Les « ligues pour la protection de la Zitouna » sont-elles déjà nées ? Si c'est le cas, faut-il attendre que ces milices s'attaquent à l'UGTT, pour songer à constituer une « commission d'enquête » sur leurs méfaits et forfaits ? Décidément, il existe plusieurs Etats dans notre Etat, et cela nous met dans tous nos états ! Une affaire de « serruriers » Lors de la conférence qu'il donna jeudi sur l'attaque d'Al Khaldouniyya, le professeur Fathi Guesmi, principale victime des assaillants de l'espace, versa quelques larmes et par moments trahit une affliction un peu contrefaite. Certes, il fit l'objet, devant ses propres étudiants et en présence d'un large public de badauds indifférents, impuissants ou complices, d'une humiliante agression verbale et physique. Mais ne devait-il pas s'attendre à pareil affront surtout que le cheikh Labidi avait déjà menacé de récupérer ce qu'il considère encore comme un bien légitime de la Zitouna ? M. Guesmi était doublement prévenu puisqu'il n'ignorait pas non plus ce que son vis-à-vis avait commis pendant l'été 2012 à la Mosquée de la Zitouna. Pour ces raisons, il fallait anticiper l'incursion de mercredi et en alarmer les autorités municipales dont relève Al Khaldouniyya. M. Guesmi était-il réellement sans défense en face des agresseurs ? Même pendant le point de presse, il nous parut peu confiant en ses moyens. Nous nous attendions à de graves révélations, nous n'eûmes droit qu'à de maigres informations romancées. Houcine Labidi a mieux joué que lui sur le côté sensationnel et impliqua Sakher El Matri dans l'affaire, laissant d'une certaine façon entendre que M. Guesmi est de la bande mafieuse de l'ancien régime. Est-ce avec des pleurnicheries et des jérémiades qu'il faut affronter pareil adversaire ? Et puis, comment se fait-il qu'aucune réaction digne de ce nom n'ait émané, tout de suite après l'agression, ni de la municipalité de Tunis dont relève l'espace investi, ni du Ministère de l'Education qui a la propriété exclusive des documents d'Ibn Charaf, ni du Minstère des affaires religieuses apparemment nargué par quelques uns de ses cheikhs ?! Que nous cache-t-on ? Que n'ose-t-on pas nous dire ? M. Guesmi a-t-il tout dit? Serait-il lui-même le dindon d'une vaste farce qui se joue à son insu et au nôtre ? Le secret sur les « dessous des cartes » est, paraît-il, beaucoup mieux gardé que les livres et manuscrits d'Al Khaldouniyya ? Affaire de serruriers, sans doute !